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Michaël Prazan s’exprime sur le nouveau film de Lu Chuan

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Né en 1970, spécialiste des mouvements radicaux des années soixante et des idéologies meurtrières (nationalisme, terrorisme d’extrême gauche, antisémitisme, islamisme radical, négationnisme), Michaël Prazan a publié des essais sur Pierre Goldman, Roger Garaudy, et Le massacre de Nankin, entre mémoire et oubli (Denoël, 2007).

Il a également signé un documentaire sur ce sujet, Nankin : la mémoire et l’oubli, diffusé sur France 5. Il porte un avis d’expert sur City of Life and Death de Lu Chuan, un film qui a attendu un an avant un visa de censure en Chine, et qui a suscité là-bas de nombreux débats parce qu’il y montre les Japonais avec humanité. Le réalisateur a même reçu des menaces de mort.

« Pour moi, c’est une curiosité de voir comment un cinéaste chinois s’empare de cet événement de la seconde guerre sino-japonaise (1937) durant lequel l’Armée impériale japonaise se livra durant six semaines à des atrocités contre la population civile de la ville chinoise de Nankin.

Ce n’est pas le premier film consacré à ces massacres. L’un des plus récents, distribué au Japon, avait provoqué des émeutes. Des yakusas avaient même débarqué dans des salles afin d’interrompre les projections. Tout cela prouve que l’affaire mémorielle n’est pas réglée.

Et ce qui m’intéresse particulièrement, c’est que ce film soit réalisé par un jeune cinéaste. Son point de vue est forcément différent de celui de ses aînés, de la génération Tien Anmen, des gens comme Wang Chao. Il est probable que sa vision sera plus apaisée, plus lucide, plus juste.


D’après ce que je sais, la facture du film est très intéressante. Lu Chuan a choisi de tourner en noir et blanc, et j’ai lu une interview de lui qui faisait état de son intérêt pour toutes ces micro-histoires, ces faits méconnus qui se sont déroulés durant ces six semaines.

Je crois qu’il a, par exemple, intégré l’histoire de Minnie Vautrin, cette Américaine qui dirigeait alors là-bas l’université des femmes, un lieu de refuges pour les filles et les femmes violées. Et celle de John Rabe, surnommé « le Bouddha vivant de Nankin » ou « l’Oscar Schindler de la Chine », qui dirigeait là-bas le parti nazi (qu’il prenait pour un parti socialiste) mais qui a agi en humaniste, en alertant Hitler pour lui demander d’user de son influence pour persuader les Japonais d’arrêter les massacres (pour toute réponse, il sera interrogé par la Gestapo). Il mit en place une zone de sécurité et réussit à sauver 250 000 Chinois.

Dernier point, je suis curieux de voir comment Lu Chuan a mis en fiction les archives. Et surtout de découvrir ce point de vue très audacieux qui est le sien, qui prend à rebrousse-poil l’idéologie dominante en Chine : avoir mis au premier plan un soldat japonais. »


City of Life and Death de Lu Chuan, sortie en salles mercredi 21 juillet.

Source: Le Monde

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