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Les artistes birmans jouent au chat et à la souris

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Une musique tonitruante plane au-dessus de milliers de fans ivres assistant à un concert gratuit dans un parc. “On n’a pas la permission des parents mais on y va quand même”, confie une jeune fille.

Au Myanmar, il est interdit de posséder un fax sans autorisation, les rassemblements spontanés de plus de cinq personnes sont pratiquement interdits et les adversaires du gouvernement se retrouvent régulièrement enfermés pour des décennies. Malgré cette répression, ou peut-être en partie à cause d’elle, les jeunes testent les limites de ce que le gouvernement militaire considère comme acceptable en matière d’art et de divertissement.

Des expositions, dont certaines véhiculent discrètement des messages politiques risqués, ont lieu presque toutes les semaines à Rangoon, la capitale économique du pays. Un festival de musique underground se tient deux fois par an. Des concerts de hip-hop et des spectacles de danse attirent un public arborant des pantalons baggy.

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U Thxa Soe, un artiste connu qui mélange les “danses des esprits” traditionnelles et un genre de techno, pense que le gouvernement tolère les concerts parce que ça convient à sa stratégie de contrôle. La réussite d’artistes comme M. Thxa Soe ne colle pas avec l’image de degré zéro de la liberté que reflète le Myanmar. Un pays où les organisations de défense des droits de l’homme recensent 2 100 prisonniers politiques.

Mais même s’ils le voulaient, les généraux ne pourraient probablement pas instaurer un totalitarisme à la nord-coréenne, estime la population. La société est trop indisciplinée, désorganisée et corrompue, les gens sont trop créatifs et le climat est trop chaud pour que la répression fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La police est connue pour sa brutalité mais ses membres souffrent eux aussi de torpeur tropicale. On voit souvent des agents piquer un somme à l’arrière d’un camion.

Ces deux dernières années, les possibilités de divertissement se sont rapidement étendues dans les grandes villes du pays. Le gouvernement lui-même a soutenu la création d’un championnat de football après des années sans le moindre match organisé. “Le gouvernement s’efforce de détourner les gens de la politique”, explique un homme d’affaires birman qui a fait ses études en Occident et souhaite conserver l’anonymat. “Il n’y a pas assez de pain mais beaucoup de jeux. »

Les gens d’ici spéculent régulièrement sur les activités que les autorités toléreront. Ainsi Rangoon compte aujourd’hui plusieurs stations de radio FM qui diffusent à la fois de la musique birmane et occidentale. L’année dernière, une société privée a même lancé la première chaîne de télévision du pays consacrée aux clips musicaux.

M. Thxa Soe connaît à la fois la rigidité des autorités et leur politique de “laisser-faire”. Il est l’un des musiciens les plus harcelés du pays : il se fait constamment rappeler à l’ordre par la censure, qui a interdit 9 des 12 morceaux d’un de ses récents albums. Il n’empêche que sa musique est très appréciée des fonctionnaires. Il plaisante parfois avec les agents du renseignement militaire affectés à la surveillance de ses concerts. Eux aussi sont fans. “Parmi les autorités, certains m’aiment et d’autres me détestent”, confie-t-il. L’une de ses chansons s’intitule On n’a pas d’argent, un titre qui semble avoir échappé aux censeurs. Pourtant la pauvreté est un sujet délicat au Myanmar : beaucoup attribuent les piètres performances économiques du pays à la mauvaise gestion et à la corruption des autorités.
Le site de l’artiste anglais, Banksy
D’après les artistes, le processus d’approbation du comité de censure paraît souvent aléatoire et incohérent. U Thu Myat Aung, 24 ans, qui déclare s’inspirer de l’artiste de rue britannique Banksy, a présenté la première exposition de graffitis du pays le mois dernier, la veille de la fête des Paysans. “On voulait faire ça depuis 2003 mais on n’avait pas l’autorisation”, explique-t-il.

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D’après un autre artiste, U Nyein Chan Su, qui s’est souvent attiré les foudres de la censure, les autorités semblent particulièrement méfiantes vis-à-vis de l’art abstrait. “Ils n’autorisent que l’art qu’ils comprennent. Ils ont peur que les artistes fassent de la politique en passant par l’art contemporain.” Il cite l’exemple d’un tableau qui représentait des femmes à l’expression contemplative et que les censeurs ont rejeté en disant : “Pourquoi ne peignez-vous pas des femmes qui sourient ? »

Source : http://www.courrierinternational.com

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