Dans un silence oisif au détour d’un sentier breton,
J’ai longé un enclos où se trouvaient des gros cochons.
Après plusieurs journées de lente marche solitaire,
Le vide du cheminement avait un peu fait taire
Mon troublant esprit inachevé, sourd et éphémère.
Un des cochons passa sa tête à travers la barrière.
Et ses yeux se posèrent simplement sur l’étrangère.
Il y a parfois dans l’accident d’un nouveau regard
Qu’aucune sombre fuite ne vient piquer de son dard
Le fugace univers que seul le cœur peut percevoir.
Dans un monde fait de chants d’oiseaux et de vallons purs,
Dans cette harmonie que l’on goûte au sein de la nature,
Ses yeux doux et amicaux étaient un clair firmament.
La mémoire du jambon m’empourpra en un instant
Et un adieu à la viande jaillit spontanément.
J’ai caressé le cochon et j’ai continué ma route.
Il avait suffi d’un échange pour sceller tous les doutes
Des contours vacillants de ma lueur inachevée.
Mais le juste fondement de toute continuité
Est-il certitude ou germe de relativité ?
Dans cet incandescent ballet entre l’ombre et l’amour,
Dans les miroirs qui jouent entre nudité et atour,
Les années ont passé de chrysalides en cocons,
En poussant toujours plus loin la chasse aux illusions
Pour apercevoir l’infini dans les yeux d’un cochon.
Sophie Alvarez