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Confucius et le Confucianisme

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En chinois Kong Qiu, dit Kongzi, ou Kongfuzi, latinisé par les missionnaires jésuites du XVIIe siècle en Confucius.kong.gif

Philosophe, premier maître itinérant de la tradition chinoise, dont l’enseignement oral renouvela le sens des anciens textes (v. 551 — v. 479 av. J.-C). La doctrine philosophique et religieuse de Confucius, qui défie les systèmes politiques depuis 2 500 ans, préconise le retour à la morale en appelant aux droits des faibles et aux devoirs des puissants. À l’époque où la Chine traversait une période troublée par la rivalité de ses princes, elle tenta d’inculquer aux souverains l’art de gouverner par la vertu, un idéal qui a marqué tout l’Extrême-Orient de mouvance chinoise.

Confucius passe pour avoir cherché durant treize années un souverain éclairé qui acceptât d’expérimenter son système politique, mais, parvenu au pouvoir et en ayant éprouvé l’inconsistance, Confucius serait rapidement revenu à la méditation et à l’enseignement. Ses préceptes – le respect des traditions, l’exigence de tolérance et d’humanisme – furent repris par tout un courant de pensée, le confucianisme, qui forma le cœur de l’idéologie politique, de l’idéal humaniste et du comportement quotidien dans la société chinoise.

Kongfuzi, le maître

Les données de la vie de Confucius sont largement conjecturales et reposent pour l’essentiel sur une biographie idéale, véritable vie de saint, rédigée par des disciples.

Il serait né vers 551 av. J.-C., dans le royaume de Lu (province du Shandong). Fils d’une famille pauvre mais d’ascendance illustre (il remonterait à la dynastie Shang), il fut orphelin de bonne heure. Confucius, dont le nom latinisé est composé de son nom de famille (Kong) et de deux appellations honorifiques, qui signifient «maître» (fu et zi), aurait eu deux enfants et obtenu un emploi de fonctionnaire avant d’entreprendre un voyage à Luoyang, capitale de la dynastie Zhou, où il aurait rencontré le philosophe taïste Laozi. Cette rencontre hypothétique entre les deux grands penseurs a suscité bien des commentaires et des œuvres d’art.

Persuadé qu’il était nécessaire de moraliser la politique, Confucius, nommé gouverneur de la ville de Zhongdu, chercha à mettre en pratique ses idées sur le gouvernement idéal. Ses disciples affirmèrent que son exercice du pouvoir fut si remarquable qu’«au bout d’un an aux quatre points cardinaux tous le prenaient modèle». La tradition fait encore de lui un intendant des travaux publics, un ministre de la Justice aux alentours de 5 av. J.-C., puis un conseiller politique de la principauté de Lu. Mais, écarté de ce poste, il reprit, à partir de 497, sa vie d’errance et parvint dans la pricipauté de Wei.

Au terme de quatorze années d’absence, Confucius serait rentré dans son pays natal et se serait consacré à l’étude des textes, des chants et des rituels anciens. Selon l’historien Sima Qian, il compila, remania ou rédigea plusieurs parties des grands textes canoniques de l’antiquité, notamment le Livre des documents (Shujing), le Livre des odes (Shijing) et le Livre des mutations (Yijing). Il aurait également composé une chronique de la principauté de Lu, les Annales des printemps et des automnes (Chunqiu).

Confucius serait mort en 479 av. J.-C., à l’âge de soixante-douze ans, et aurait été inhumé non loin de la capitale de Lu. Le site présumé de sa sépulture devint un lieu de sacrifices dédiés à sa mémoire.

LE CONFUCIANISME

Une pensée politique et sociale

Si l’on peut penser que certains des textes exposant la doctrine de Confucius ont été rédigés par le maître, sa pensée est essentiellement connue grâce à une compilation de ses aphorismes rassemblés par ses disciples dans un recueil intitulé Entretiens familiers (Lunyu).

L’ordre politique et social constituait la principale préoccupation de Confucius, qui était conscient du rôle complémentaire des princes – détenteurs du pouvoir – et des intellectuels – détenteurs du savoir – dans la société chinoise de son temps. Afin d’assurer la légitimité et l’autorité de l’État, les féodaux s’appuyaient, en effet, sur la classe des fonctionnaires lettrés, qui fournissaient le gros des commis de l’État: administrateurs, législateurs, magistrats, trésoriers, inspecteurs, conseillers politiques, «ingénieurs». Or, tout en constituant la cheville ouvrière de l’État, ces intellectuels étaient exclus des privilèges héréditaires (fiefs, honneurs) des princes. Trop attachés aux hommes puissants qu’ils servaient, ils étaient peu enclins aux innovations sociales et politiques. Et pourtant, souvent méprisés, voire spoliés, par les féodaux, beaucoup d’entre eux appelaient de leurs vœux un système social dans lequel leurs mérites seraient dûment reconnus.

Les intellectuels se référaient parfois à un prétendu âge d’or où des personnages mythiques (Shen Nong, Huangdi ou l’empereur Jaune, Zhuanxu, Yao, Yu le Grand) avaient gouverné la Chine, dans le seul souci du bien du peuple, avec l’aide de sages illustres. Ils spéculaient donc sur un État idéal, conduit par un roi (wang) mandaté par le Ciel (d’où son surnom de «Fils du Ciel»: Tianzi). Le rôle de ce souverain était de gouverner selon les «Cinq Principes», qui garantissaient l’harmonie sociale, les «Cinq Rites», qui assuraient les bons rapports entre les hommes et les divinités, et les «Cinq Châtiments», destinés à punir les contrevenants aux grands principes moraux et politiques. Autour du roi était réuni un conseil de sages empreints des «Neuf Vertus», capables de conduire les hommes aux «Cinq Bonheurs».

Conçue dans une Chine encore profondément marquée par le sens du sacré, cette société idéalisée était bâtie sur la morale individuelle et les pratiques religieuses, voire magiques. En effet, dans la pensée traditionnelle chinoise, l’art du bon gouvernement était lié étroitement à l’harmonie cosmique: la stricte observance des rituels saisonniers était censée protéger les agriculteurs des calamités naturelles, et le souverain du retrait de son mandat céleste. Cette conception, dans laquelle le respect de la nature et de ses cycles se confondait avec le respect de l’homme, se retrouve dans la philosophie taoïste, à laquelle la pensée de Confucius n’est pas totalement étrangère.

Une éthique sociale fondée sur la vertu

Dans la société chinoise en décomposition et en proie aux conflits armés entre princes rivaux, Confucius, qui cherchait le secret de la société idéale, croyait lui aussi aux splendeurs mythiques de l’Antiquité chinoise. Respectueux des traditions, de la légitimité du pouvoir, et de la hiérarchie sociale, il pensait que la morale était la base de la politique, et c’est à partir de ce concept qu’il a élaboré son système de pensée.
kong1.gifPour Confucius, le souverain l’«étoile Polaire» autour de laquelle tournent les autres astres gouverne grâce à un décret, un mandat qu’il a reçu du Ciel. Mais le prince est tenu de se comporter comme un homme de qualité, un sage (junzi), en montrant sans cesse l’exemple, car c’est par sa conduite d’homme vertueux qu’il mènera à terme la transformation bénéfique des «hommes de peu» (xiaoren). Ainsi, son mandat céleste l’oblige à devenir un éducateur.

Toutefois, pour bien former les individus, il est nécessaire d’être éduqué soi-même. Or, pour Confucius, c’est par l’étude et la pratique du bon gouvernement que l’on se forme à l’image du junzi. en définitive, gouverner par la vertu ne peut qu’apporter la vertu: «Si un homme sait se gouverner lui-même, quelle difficulté aura-t-il à gouverner l’État? Mais celui qui ne sait pas se gouverner lui-même, comment pourra-t-il gouverner les autres? Au seigneur Ji Kang lui demandant s’il fallait punir les individus, Confucius aurait répondu: «Pour gouverner le peuple, avez-vous besoin de la peine de mort? Soyez vous-même vertueux et votre peuple sera vertueux.

Ainsi le sens du devoir et l’exemplarité sont-ils des notions primordiales pour Confucius. Mais un prince, aussi puissant et cultivé soit-il, n’est pas forcément un junzi, car les seuls à cultiver la vraie vertu sont les sages (sheng), dont l’Antiquité a donné les modèles. Chacun peut toutefois s’essayer à la sagesse et devenir un homme de bien en cultivant les vertus cardinales: l’altruisme, l’humanité (ren) et le respect d’autrui (yi). Il convient aussi de respecter les rites et les conventions sociales (li). C’est par de telles qualités – bienveillance, équité, respect, droiture, piété filiale – que l’on peut enfin accéder à la vertu (de) et atteindre la Voie de la nature (dao).

Fondant ses principes de gouvernement sur sa théorie de la nature humaine, Confucius est ainsi un théoricien de l’éthique sociale: il propose une morale appliquée à la science politique qui se confond avec la science de la nature.

La destinée du confucianisme

À la différence de Confucius, qui enseigna une bonne partie de son existence et tenta vainement de mettre en pratique sa société idéale, ses disciples accédèrent à de hautes charges administratives.

Les idées de maître Kong, en particulier sa conception selon laquelle l’Univers, de par son essence, est un univers moral, furent reprises plus d’un siècle plus tard par le philosopne Mengzi, dit Mencius (vers 371 à 289), qui donna à la pensée confucéenne une dimension mystique. Alors que selon lui la nature morale de l’homme procède de principes métaphysiques, Xunzi (vers 289-235) – un autre penseur confucianiste qui n’adhéra pas à la description positive de la nature de l’homme par Mencius – affirmera que l’éthique est une notion utilitariste répondant à une nécessité pratique et appelée à perfectionner la nature humaine.

La philosophie officielle

Le développement du confucianisme sera ralenti par l’avènement de Qin Shi Huangdi, le souverain qui instaura l’Empire par l’unification des royaumes et principautés chinois (221 av. J.-C.): la doctrine de l’État se fonde alors sur l’école des légistes, centralisatrice et autocratique. Mais sous la dynastie des Han (206 av. J.-C. – 220 apr. J.-C.) le confucianisme devient la philosophie officielle de l’État, malgré ses divergences considérables avec le taoïsme et le bouddhisme. Les grands classiques confucianistes sont à l’honneur et la religion impériale se trouve étroitement associée aux préceptes de Confucius. L’empereur, qui rend un culte officiel au Ciel et à la Terre, promulgue le calendrier luni-solaire (donc mobile) et ouvre les travaux agricoles en traçant solennellement le premier sillon: il devient de la sorte le premier prêtre de l’État. Se conformant ainsi aux prescriptions rituelles et mettant sa vie en harmonie avec l’Univers, il accomplit les rites et les devoirs à l’égard du peuple qu’il dirige. Il recrute des fonctionnaires lettrés, à travers un système d’examens fondé sur l’analyse des classiques.

Sous les Sui (586-618) et les Tang (618-907) – l’âge d’or du taoïsme puis du bouddhisme – un culte officiel est voué à Confucius, des temples sont édifiés en son nom et le «mandarinat» se perfectionne avec un système de notation qui juge les fonctionnaires d’après «quatre qualités» fondamentales et une échelle de «vingt-sept perfections». Toutefois c’est surtout avec la dynastie Song (960-1279) que la doctrine de maître Kong connaît un souffle nouveau, grâce notamment au courant le plus important de cette époque: le «néoconfucianisme» de Zhu Xi.

Gouverneur de province, Zhu Xi (1130-1200) étudia les principes philosophiques de l’Univers, en particulier le li et le qi, deux notions qui s’apparentent respectivement à la «forme» et à la «matière» forgées par les philosophes grecs. Pour le penseur chinois, dont les idées resteront en vogue jusqu’au XXe siècle, la fin ultime de l’homme est de s’ouvrir au Bien suprême (un concept proche de celui de Platon), par l’étude des classiques ainsi que par l’observation de la société et de la nature.

Les philosophes, en particulier Wang Shouren (1472-1529), dit Wang Yangming, approfondiront encore ce néoconfucianisme pénétré de notions taoïstes et bouddhiques, souvent dans une perspective critique, avec Gu Yanwu (1613-1682), Huang Zongxi (1610-1695) ou Dai Zhen (1724-1777).

Vers 1850, le confucianisme se renforcera, en réaction à l’occidentalisation et aux tentatives de christianisation de la société chinoise. Mais, avec l’avènement de la République (1911), les jeunes intellectuels rejettent Confucius, qu’ils jugent féodal et réactionnaire; l’État restera cependant proche de la tradition confucianiste. En effet, si Mao Zedong s’attache à éliminer le confucianisme («J’ai haï Confucius dès l’âge de huit ans», écrira-t-il) au même titre que toutes les croyances et idéologies étrangères au marxisme, les grands axes du système communiste – obéissance absolue aux maîtres à penser, stricte hiérarchisation de la société, subordination du bien privé au bien public – ne sont nullement opposés aux conceptions confucianistes, et la pensée de Confucius fut, officiellement du moins, au cœur du dernier affrontement entre Mao et Lin Biao. S’il n’a plus cours aujourd’hui en tant que doctrine philosophique et religieuse dans une Chine qui cherche sa voie politique et spirituelle, le confucianisme n’en a pas moins laissé des traces profondes dans les mentalités et les attitudes sociales.

Le confucianisme hors de Chine

Véhiculé par la civilisation chinoise, le confucianisme s’est transposé dans les pays voisins – Corée, Japon, Viêtnam – qui se sont imprégnés de sa culture. En Europe, le confucianisme a été découvert au XVIIe siècle, grâce aux missionnaires jésuites. À la fois comme philosophie morale et système de gouvernement, il a suscité un grand intérêt auprès des philosophes occidentaux. Alors que Voltaire et Leibniz l’idéalisent, Diderot ou Montesquieu se montrent réservés en raison de son étroit traditionalisme. Mais, en règle générale, l’Occident voit en Confucius l’inventeur d’un humanisme. Au Japon, qui officialise le confucianisme au XVIIe siècle, diverses écoles adaptent la doctrine: celle de Yamaga Soko retient notamment la stricte hiérarchisation de la société et fait adopter le bushidô, code d’honneur de la caste guerrière. L’école de Dazai Shundai, au XVIIIe siècle, orientera le confucianisme vers des problèmes économiques, abandonnant son aspect religieux.

Source: www.chine-informations.com

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