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Billet d’humeur — L’indépendance

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Chaque être partage une aspiration commune qui le pousse à vouloir parfois sans qu’il en est conscience, l’indépendance.

Affirmer que tout les êtres désirent l’indépendance peut relever de la gageure, tant l’on est tenté aujourd’hui avec l’ouverture au monde de contrer l’argument par un relativisme culturel qui pourrait tenir en cette phrase « L’universel n’est plus valable depuis que l’on compare les cultures avec acuité en comprenant que bien des catégories de pensée ne se retrouvent pas dans toutes les cultures mais seulement dans certaines ».

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Cet argument est tout à fait valable si l’on parle de la pensée, seulement quand il s’agit de désirer ça n’est plus là même chose. Le désir en tant que force motrice de l’homme, ne se confond pas nécessairement avec la pensée, comprise comme une activité de raisonnement. Le désir qui part du sexuel (« tout plaisir prend ses racines dans le sexuel, écrit Freud ») est bien avant tout une force, une puissance qui part du sensible et non de l’intelligible, en ce sens et en ce sens seulement l’argument du relativisme culturel qui opposerait certaines manières de penser voire de faire dans certaines cultures à d’autres, n’est pas vraiment recevable. De là l’idée que le désir en tant qu’énergie, est la chose commune à l’ensemble des hommes. Oui mais le désir d’indépendance ?

Tout revient au préalable à définir l’indépendance : en quelques mots elle est l’absence de contraintes extérieures, elle se définit négativement par la non dépendance c’est-à-dire par le fait ne pas être sous l’emprise d’une force ou d’un objet (humain ou pas) qui nous est extérieur, au tout autre que soi. L’indépendance pourrait passer par un affranchissement de son propre désir (qui est souvent subit et non maîtrisé) ainsi que par la possibilité qu’on s’offre de ne pas être aliéner par le désir d’autrui. En somme ne pas dépendre d’autrui, d’autres choses que soi-même constitue le désir commun (souvent caché ou inavoué) de tout les hommes.

Ce désir d’indépendance, qui peut être sans si confondre concomitant avec le désir de liberté, correspond en son fond, au désir universel d’accroitre sa puissance d’être, c’est-à-dire d’augmenter les possibilités de son agir par la seule force de sa propre volonté. C’est que tout être qui n’est pas atteint de certaines pathologies mentales pouvant inverser l’ordre des désirs, veut augmenter son « rayon d’action » en augmentant sa puissance d’être, de vivre et ceci par opposition à la peur (donc le non vouloir) de son annihilation. En somme que l’indépendance correspondrait au paroxysme de la puissance d’agir du sujet qui serait affranchi de ce qui est autre que lui. Il faudrait alors écrire l’Indépendance avec un grand I comme si elle était l’aboutissement ou la réalisation du désir suprême de l’homme.

Or que l’on ne berce pas d’illusions, l’Indépendance avec un grand I est une idéal de l’imagination, non de la raison. L’indépendance absolu n’existe pas, pourtant paradoxe de l’humain, il l’a désire dur comme fer. Autrement dit il désire ce qui lui manque et ce qu’il ne pourra jamais avoir, parce qu’il est un être fini en quête d’infini. Il semble évident que tout être dépende même s’il est « l’homme le plus puissant de la terre » des autres et de ce qui est extérieur à lui et ceci jusqu’à sa mort, on ne saurait donc affirmer qu’il y a une indépendance absolu comme l’énonce le principe bouddhique de la vacuité.

Ainsi tout ces êtres qui par leur orgueil et leur pouvoir se croient capables d’une telle Indépendance sont plus à en plaindre et à prendre en compassion qu’à admirer. Ils sont les esclaves de leur désir voué au manque. Certes il y a différents niveaux d’indépendances et on peut l’être plus ou moins ce qui nous ramène à la réalité : arrêter de désirer l’infini et se limiter dans le contentement au fini. C’est qu’il n’y a pas, voire jamais d’indépendance, il n’y a que de la solitude.


Julien Gelas

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