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Interview — Jean Lhéritier, Président de Slow Food France

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Pourquoi avez-vous décidé d’adhérer à Slow Food?

escargot.jpgJ’ai toujours été un « mordu » de vins, ce qui par exemple m’a conduit dans les années 80 à être fondateur ou membre actif de plusieurs clubs de dégustation, ainsi qu’à créer, avec quelques amis, Le Comptoir des crus, une boutique conviviale de caviste à Perpignan. De plus, j’ai entrepris en 1988 des études universitaires d’italien pour compléter ma passion pour l’Italie, pour ses vins, pour l’opéra, par de la connaissance. Ainsi, j’étais mûr pour me consacrer au développement de Slow Food en France, quand j’ai rencontré Petrini, son fondateur, en 1997.

Quelles sont les valeurs de ce mouvement qui vous touchent le plus?

Je suis sensible à la sauvegarde du patrimoine et à la modernité de cette préoccupation : nous léguons un monde, de même qu’on nous l’a légué. Pouvons-nous aussi légèrement l’amputer, le mutiler ? Certes, il ne s’agit pas de tout conserver, mais de considérer les raisons qui nous ont parfois poussé à détruire ou abandonner. Deux exemples simples : la disparition des haies pour rationaliser les cultures, la disparition des variétés rustiques d’animaux à viande ou de légumes ou fruits anciens, pour de simples raisons de commodité de transport ou de rendement. Souvenons-nous, quand nous mangeons une bonne pomme, une bonne tomate ou du porc fermier frais, que ce qui se joue, dans l’alimentation, c’est quand même le plaisir de manger !
Une autre valeur à laquelle je suis attaché, c’est la transmission d’outils de connaissance, dans un monde aujourd’hui bien brouillé. Le consommateur a besoin qu’on lui donne ces outils, et non qu’on l’endoctrine ou qu’on le submerge de consignes alimentaires. Il faut qu’il soit capable de faire son choix, en connaissant ses conséquences économiques et sociales. Ce travail de transmission, c’est le « laboratoire du goût », qui est devenu une spécialité de Slow Food. Nous en avons organisé 55 à Montpellier, en octobre dernier, pour notre Salon « Aux Origines du goût », soit quelques 2200 leçons de goût et d’agriculture pour les consommateurs !

Que signifie pour vous « slow »?

Être « slow », ce n’est pas un concept, encore moins une tendance ! C’est partager avec d’autres une certaine approche de l’acte alimentaire, qui déborde la stricte diététique ou la seule gastronomie. C’est se poser la question de l’impact de notre comportement alimentaire sur l’agriculture. Exemple : manger des légumes bio, sans se soucier de leur provenance, ce n’est pas « slow ». Si je sais que j’aide un jeune maraîcher à s’installer, ou bien une variété ancienne à continuer d’exister, je prends mon plaisir avec un certain recul, c’est un autre plaisir !
Ce recul, nous devons le prendre dans bien des domaines : l’eau, la restauration collective, les pesticides, les pratiques alimentaires des enfants, les normes d’hygiène,…

Quelle est l’action de Slow Food en France vis-à-vis de la biodiversité ?

Nous contribuons à soutenir des produits que nous appelons « sentinelles », qui méritent d’être mieux connus, parce qu’ils sont enracinés dans l’histoire locale mais menacés de disparition. En France, en 2005, Slow Food en a déterminé 5 : la lentille blonde de Saint-Flour, le porc noir de Bigorre, le rancio sec du Roussillon, le navet de Pardailhan, la poule coucou de Rennes. Mais nous pensons déjà à d’autres produits dont je peux vous citer quelques exemples : oignon de Trébons, bleu du Queyras, petite épeautre de Provence, abricot de Cernac. Hélas, la standardisation conduit beaucoup de produits de notre agriculture à être menacés ainsi de disparaître !

Quelle est la place de Slow Food en France aujourd’hui ?

Slow Food France est aujourd’hui une association en pleine croissance, de plus de 2000 adhérents et 35 implantations locales. Un groupe local est un Convivium. Depuis un an, nous avons fêté la création de conviviums à Dijon, Nantes, Forcalquier, Tours, Tarbes et bientôt Toulouse. Il y en 4 à Paris. Le Salon « Aux Origines du goût » a réuni plus de 7000 visiteurs autour de 95 stands consacrés à la biodiversité et la petite agriculture.
Slow Food en France doit évoluer dans un contexte particulier, celui du pays de la gastronomie, de la patrie des appellations contrôlées. Chaque français, même lorsque ce n’est qu’une illusion, se croit investi à la naissance de la connaissance de nos produits, de nos traditions, bref ambassadeur du goût. Mais le monde change et les jeunes générations ne boivent plus régulièrement du vin à table, fréquentent les fast-foods et sont progressivement acculturés vis-à-vis de leur patrimoine alimentaire. C’est ce qui rend la tâche ardue, mais si passionnante !

Jean Lhéritier
Président de Slow Food France
jean.lheritier@slowfood.fr


www.buddhachannel.tv

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