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La Grande Paix de Sogyal Rinpoché

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La Grande Paix Naturelle

Par Sogyal Rinpoché

Sogyal Rinpoché présente ici la méditation comme une pratique qui révèle la paix intérieure. Il évoque les bénédictions que nous ressentons lorsque nous entrons en contact avec la nature de notre esprit. Cet article a été écrit à partir d’un enseignement à peine retouché qu’il a donné le 5 janvier 2000, pendant la retraite d’Hiver de Kirchheim, et qui a été diffusé en direct sur Internet

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L’enseignement du Bouddha est vaste.

La seule Parole du Bouddha  » comprend plus d’une centaine de volumes.
De plus, les commentaires et les traités des grands érudits indiens
comportent plus de deux cents volumes,

sans compter toutes les œuvres des grands maîtres tibétains.

Et pourtant, l’enseignement du Bouddha

peut être synthétisé d’une façon très profonde.

Je me souviens des paroles de mon maître Dilgo Khyentsé Rinpoché :

L’enseignement du Bouddha est à la fois  » vaste  » et profond  » :

 » Vaste  » est l’approche de l’érudit, du pandit

et  » profond  » est l’approche du yogi.

Quand on a demandé au Bouddha de résumer son enseignement,

il a dit :

« Ne commettre aucune action négative

Cultiver un trésor de vertus

Dompter cet esprit qui est le nôtre

Ceci est l’enseignement de tous les bouddhas.

« Ne commettre aucune action négative  »

signifie abandonner toutes les actions nuisibles et négatives

qui sont la cause de la souffrance pour les autres ainsi que pour nous-mêmes.

 » Cultiver un trésor de vertus  »

consiste à adopter les actions positives et bénéfiques

qui sont la cause du bonheur, pour les autres

ainsi que pour nous-mêmes.

Cependant, le plus important est de  » dompter cet esprit qui est le nôtre ».
C’est pourquoi des maîtres tels que NyoshuL Khen Rinpoché

ont souvent dit que cette phrase résume à elle seule

l’essence des enseignements du Bouddha.

Parce que si l’on peut réaliser la vraie nature de notre esprit,

c’est là le point essentiel de l’enseignement et de toute notre existence.

L’esprit est la racine de toute chose, le responsable de la souffrance et du bonheur,

du Samsara et du Nirvana.

Dans les enseignements tibétains,

on appelle l’esprit  » le roi qui est à l’origine de toute chose
– kun jé gyalpo – le principe universel qui ordonne tout.

Comme l’a dit le grand maître Padmasambhava

 » Ne cherchez pas à trancher la racine des phénomènes,

cherchez plutôt à trancher la racine de l’esprit ».

C’est pourquoi ces paroles du Bouddha m’inspirent tant :

 » Nous sommes ce que nous pensons,

et tout ce que nous sommes s’élève de nos pensées.

Avec nos pensées, nous créons le monde ».

Parlez et agissez avec un esprit pur et le bonheur s’ensuivra.

 » Si seulement nous pouvions nous le rappeler, le garder dans notre cœur

et maintenir notre cœur et notre esprit purs,

le bonheur s’ensuivrait réellement.

Tout l’enseignement du Bouddha vise à dompter cet esprit

qui est le nôtre

et à préserver un cœur et un esprit purs.

Cela commence par la pratique de la méditation.

Nous permettons à toutes nos pensées et nos émotions turbulentes

de se déposer tranquillement dans un état de grande paix naturelle.

Comme le dit Nyoshul Khen Rinpoché :

« Laissez reposer dans la grande paix naturelle

Cet esprit épuisé, Battu sans relâche par le karma et les pensées névrotiques,

Semblables à la fureur implacable des vagues qui déferlent

Dans l’océan infini du samsara.

Laissez le reposer dans la grande paix naturelle.  »

Comment donc les pensées et les émotions se déposent-elles ?

Si vous laissez un verre d’eau boueuse reposer, sans l’agiter,

les particules de terre se déposent progressivement au fond,

permettant à la clarté naturelle de l’eau de se manifester.

De la même façon, en méditation,

nous laissons nos pensées et émotions se déposer dans un état d’aise naturelle.

Il y a une citation merveilleuse d’un des plus grands maîtres du passé,
qui fut une révélation pour moi lorsque je l’entendis pour la première fois,

car ces deux phrases dévoilaient la nature de l’esprit et la façon d’y demeurer

– ce qui est la pratique de la méditation.

En tibétain, c’est très beau, presque musical

chou ma nyok na dang, sem ma chu na de.

Ce qui signifie approximativement :

 » L’eau, Si vous ne l’agitez pas, deviendra claire ;

l’esprit, laissé inaltéré, trouvera sa propre paix naturelle.  »

Ce qui est remarquable au sujet de cette instruction,

c’est qu’elle met l’emphase sur l’aspect naturel de l’esprit

qui lui permet tout simplement d’être, inaltéré et sans rien modifier.

Notre véritable problème est la manipulation, la fabrication et un excès de pensées.

Un maître disait souvent que la cause racine de tous nos problèmes mentaux

était cet excès de pensées.

Comme le dit le Bouddha :

 » Avec nos pensées, nous créons le monde.  »

Mais si nous gardons notre esprit pur

et le laissons reposer tranquillement dans l’état naturel,

ce qui se passe alors, lorsque nous pratiquons,

est tout à fait extraordinaire.

Dans la voie bouddhiste,

la première pratique de la méditation est  » shamatha « ,

en tibétain shiné, demeurer paisiblement  »

ou  » méditation de la tranquillité « .

Lorsque nous débutons, c’est une pratique de l’attention.

La pratique de shamata peut se faire sur un objet, un support, ou sans objet.

Quelquefois, nous utilisons une représentation du Bouddha comme objet,

ou bien, comme on le retrouve dans toutes les écoles du bouddhisme,
nous observons la respiration, avec légèreté et attention.

Notre problème est que notre esprit est toujours distrait.

Quand il est distrait, l’esprit crée des pensées à l’infini.

Il n’est rien qu’il ne pense, qu’il ne fasse.

Si seulement nous l’observons,

nous nous rendrons compte de notre manque de discernement,

à quel point nous laissons toutes sortes de pensées nous envahir et nous égarer.

C’est devenu la pire de toutes nos mauvaises habitudes.

Nous n’avons ni discipline,

ni aucun moyen de porter notre attention

sur les pensées de toute sorte qui nous viennent ;

quoi qu’il s’élève, nous nous laissons emporter dans un tourbillon d’illusions,

et nous les prenons tellement au sérieux

que nous finissons non seulement par y croire mais par nous y identifier.

Bien sûr, nous ne devons pas supprimer nos pensées et nos émotions,

ni nous y complaire.

Notre problème est que nous nous sommes trop laissés aller à penser,

et il en résulte des maladies mentales et physiques.

De nombreux médecins tibétains ont observé une recrudescence,

dans le monde moderne,

de troubles causés par des perturbations du prana, l’air intérieur.

Tous sont causés par un excès d’agitation, d’inquiétude, d’anxiété et de pensées

s’ajoutant au rythme de vie et à l’agressivité qui dominent nos vies.

La seule chose dont nous avons besoin est la paix.

C’est pourquoi nous nous apercevons

que le simple fait de nous asseoir quelques instants,

d’inspirer et d’expirer en laissant les pensées et les émotions se déposer tranquillement,

peut être une merveilleuse façon de faire une pause.

Quand on se laisse aller à l’inattention et à la distraction

et que l’on réfléchit trop,

quand on se perd dans les pensées,

que l’on suscite les problèmes mentaux et l’angoisse,

l’antidote à appliquer est l’attention.

La discipline de la pratique de shamatha consiste

à ramener sans cesse l’esprit au souffle.

Si vous êtes distraits, à l’instant même où vous vous en rendez compte,
ramenez tout simplement votre esprit au souffle.

Rien d’autre n’est nécessaire.

Même se demander

 » Comment est-ce possible que je me sois laissé distraire »

est encore une autre distraction.

La simplicité de l’attention, qui ramène sans cesse l’esprit au souffle,

va progressivement l’apaiser.

Quand vous essayez de mettre un enfant au lit,

il voudra s’amuser avec vous et si vous le laissez faire,

il sera de plus en plus agité et ne pourra jamais s’endormir.

Il faut le prendre dans vos bras, rester avec lui, attentif et tranquille,

et il finira par se calmer.

Il en va de même pour l’esprit aussi agité soit-il,

ramenez-le sans cesse, encore et encore, à la simplicité du souffle.

Graduellement, l’esprit se déposera, il se déposera en lui-même.

Au début, bien sûr, on peut se sentir un peu conscient de soi-même.

On croit que lorsqu’on observe le souffle,

il y a trois choses séparées :

l’acte de respirer, celui qui respire, et la respiration.

Mais peu à peu, à mesure que la pratique se perfectionne

et que notre esprit se dépose,

l’acte de respirer, la respiration et celui qui respire deviennent un,

et finalement, c’est comme Si vous étiez devenu le souffle.

Les maîtres insistent toujours sur l’importance

de ne pas trop se focaliser

lorsque vous pratiquez la concentration du  » repos calme « .

C’est pourquoi ils conseillent d’accorder à peu près vingt-cinq pour cent d’attention au souffle.

Mais comme vous pouvez le constater,

l’attention seule n’est pas suffisante.

Lorsque vous êtes en train d’observer le souffle,

vous vous retrouvez après quelques minutes au milieu d’un match de football,

ou jouant le rôle principal dans votre propre film.

C’est pourquoi vingt-cinq pour cent seront consacrés

à une conscience soutenue et continuelle

qui supervise et vérifie que vous êtes toujours attentif au souffle.

On laissera les cinquante pour cent restants de l’attention

dans une détente spacieuse.

Bien sûr, cette répartition de l’attention n’a pas à être aussi précise,

tant que ces trois éléments
– attention, conscience claire et détente spacieuse – sont présents.

Être spacieux est vraiment une chose merveilleuse.

Quelquefois, le simple fait d’être spacieux suffit à lui seul à calmer l’esprit.

Cette qualité spacieuse est l’esprit même de la méditation ;

c’est aussi la générosité de base de la méditation.

Dans la pratique de shamatha,

lorsqu’on peut allier cette détente spacieuse à l’attention focalisée sur le souffle,

l’esprit se dépose peu à peu.

À mesure qu’il se dépose,

tous les aspects fragmentés de vous-même se déposent

et vous trouvez la plénitude.

Négativité et agressivité, douleur, souffrance et frustration

sont finalement désamorcées.

On fait l’expérience d’un sentiment de paix, de détente spacieuse et de liberté.

Et de là naît une tranquillité profonde.

À mesure que l’on perfectionne cette pratique

et que l’on devient un avec le souffle,

le souffle lui-même, en tant qu’objet de notre pratique, finit par se dissoudre

et on se retrouve suspendu dans l’instant présent.

Nous arrivons à un état centré en un seul point,

qui est le fruit et le but de shamatha.

Demeurer dans l’instant présent, dans la tranquillité,

est un excellent accomplissement,

mais revenons à l’exemple du verre d’eau boueuse,

si vous ne l’agitez pas,

les particules de terre se déposeront et tout deviendra clair.

Cependant, les particules de terre sont encore là, tout au fond ;

le jour où vous l’agiterez,

les particules de terre remonteront à la surface.

Tant que nous rechercherons l’immobilité,

nous pourrons apprécier la paix et le repos,

mais chaque fois que notre esprit sera quelque peu perturbé,

les pensées trompeuses surgiront de nouveau.

Demeurer dans l’instant présent de shamatha ne nous permettra pas d’évoluer,

et ne nous conduira pas à l’éveil ou à la libération.

La conscience du moment présent devient un objet subtil,

et l’esprit qui repose dans l’instant présent, un sujet subtil.

Tant que nous resterons dans le domaine du sujet et de l’objet,

l’esprit fera encore partie du monde conceptuel ordinaire du samsara.

Mais avec la pratique de shamatha,

notre esprit a retrouvé un état de paix et de stabilité.

Tout comme l’image dans un appareil photo devient plus précise

quand vous faites la mise au point,

l’attention centrée en un seul point de shamatha

permet à la clarté de l’esprit de se manifester davantage.

Tandis que les obscurcissements sont peu à peu éliminés

et que l’ego et sa tendance à saisir commencent à se dissoudre,

la  » vue claire  » ou  » vue profonde  » de vipashyana ,
en tibétain lhak tong, se révèle.

À ce moment précis,

nous n’avons plus besoin de nous ancrer dans l’instant présent

et nous pouvons aller au-delà de nous-mêmes,

dans cette ouverture la sagesse qui réalise le non-ego.

C’est cela qui vaincra l’illusion et nous libérera du samsara.

Considérons l’impact de cela sur la façon

dont nous gérons les pensées et les émotions.

Pour commencer, manquant de sécurité et de stabilité,

nous sommes éparpillés et envahis par nos pensées.

C’est pourquoi dans la pratique de l’attention,

nous nous focalisons sur un objet, le souffle.

Mais quelles que soient les pensées qui s’élèvent,

elles proviennent toujours et seulement de notre esprit,

aussi naturellement que les rayons proviennent du soleil et les vagues de l’océan.

Nous nous trouvons à présent dans l’état de  » repos calme « ,

les choses s’élèvent, bien que n’ayant jamais été séparées de nous

et nous sommes différents.

Il n’est plus besoin de craindre de perdre notre équilibre ou d’être distrait,

plus besoin d’entraver ce qui s’élève,

à présent que l’ouverture de la vue profonde s’est révélée.

Nous sommes devenus comme un roc, affrontant vents et marées,

et non plus, comme auparavant,

la plume balayée de tous côtés par le moindre souffle.

La seule chose à faire est de maintenir notre conscience claire.

Lorsqu’une pensée surgit dans cet état d’immobilité,

si on peut la reconnaître avec cette conscience claire,

elle retournera se dissoudre dans la nature de l’esprit.

Les pensées et les émotions deviennent comme les vagues de l’océan,
elles se dressent et retournent se fondre dans l’immensité.

Nous devenons comme l’océan lui-même vaste, spacieux et calme.

Il ne nous reste plus rien à faire d’autre

que de maintenir cette conscience claire.

Bien sûr, ce qui s’élève risque de déstabiliser un débutant,

de faire ressurgir les vieilles habitudes.

À l’instant où ce qui s’élève est vu comme séparé de nous,

nous nous perdons.

À ce moment crucial, avant que ce qui s’élève ne devienne une pensée,
il nous faut absolument maintenir notre conscience claire.

Il nous faut veiller sur notre conscience claire,

comme un rappel naturel qui nous fait revenir

et sans lequel nous serions balayés.

Ce que je décris ici est un procédé que l’on appelle immobilité,
mouvement et conscience claire (né gyn rig sum).

Sa signification va en s’approfondissant

à mesure que nous atteignons des étapes de réalisation de plus en plus profondes.

Tandis que nous progressons,

et que nous laissons ce qui s’élève se dissoudre

et se libérer à la lumière de notre conscience claire,

cela ne fait que renforcer et prolonger l’immobilité,

tout comme les vagues et les remous embellissent l’océan.

Par la pure conscience de la vue claire et par la sagesse qui réalise le non-ego,

nous accédons à la nature de l’esprit.

Au cours de notre progression,

nous aurons de profonds aperçus de la nature de la réalité et de nous-mêmes ;

en effet, au fur et à mesure que la dualité sujet-objet se dissout,

nous parvenons à l’état de non-dualité.

Quand nous y parvenons, nous connaissons un état de paix profonde.
Nyoshul Khen Rinpoché parlait souvent de la grande paix naturelle
– rang shyin shyiwa chenpo –

la profonde paix de la nature de l’esprit,

la paix du Madhyamika, du Mahamoudra et du Dzogpachenpo.

Comme l’a dit le Bouddha,

 » le nirvana est la véritable paix. »

Lorsqu’on parvient à cette paix de la nature de l’esprit,

on découvre une vaste étendue, une grande ouverture :

les nuages se sont comme évaporés, révélant un ciel infini et ouvert.

Les pensées et les émotions semblables aux nuages se sont dissoutes
grâce à la pratique de la méditation,

dévoilant la nature semblable au ciel de notre esprit.

Dans ce ciel brille le soleil de notre nature de bouddha,

notre bodhicitta, le cœur de l’éveil.

Le soleil possède deux qualités merveilleuses :

la chaleur et la lumière.

Sa lumière éclatante est semblable à la sagesse,

et sa chaleur à l’amour et à la compassion.

Si l’on demande :  » Qu’est-ce que l’esprit du Bouddha ?  »

C’est simplement cela : la sagesse et la compassion.

Et comme le disent les enseignements,

nous avons tous la nature de bouddha,

nous sommes tous des bouddhas en devenir.

L’esprit purifié devient sagesse et le cœur purifié devient amour et compassion.

Si vous purifiez vos pensées,

cette intelligence pure, non souillée par l’ignorance, est la sagesse.
Quand les émotions sont purifiées, elles s’élèvent en compassion.

Ainsi, par cette pratique,

nous pouvons appréhender la profonde pureté de la nature de l’esprit,
cette grande paix dont parlait le Bouddha lors de son éveil,

il y a plus de deux mille-cinq-cents ans sous l’arbre de la Bodhi,

en ce lieu appelé aujourd’hui Bodhgaya.

Ces premières paroles furent :

Paix profonde, simplicité naturelle, luminosité non-composée « .

Par ces paroles, disait souvent Dilgo Khyentsé Rinpoché,

le Bouddha proclama le cœur de son éveil,

qui est l’état du Dzogpachenpo, la Grande Perfection.

C’est cette paix profonde que nous cherchons à atteindre par la pratique.
En fait,  » dompter cet esprit qui est le notre  » est parfaitement accompli
quand nous la réalisons.

Voyez à quel point, lorsque l’amour nous inspire et nous émeut,

nous nous retrouvons absolument désarmés.

De la même façon,

quand nous réalisons la nature de l’esprit grâce à cette pratique,

cela désamorce et dissout les pensées et les émotions ordinaires.

Alors, une compassion et un amour immenses rayonnent à travers nous,

tout comme le soleil nous prodigue sa chaleur.

Dès que nous nous relions à la pureté de notre nature inhérente,

notre nature de bouddha, notre bonté fondamentale – notre bon cœur – se révèle.

La tendresse, la compassion et l’amour émanent tout simplement de nous.

Ainsi, vous êtes tout à fait en contact avec vous-même, mais également avec les autres.

Vous ressentez une véritable unité.

Il n’y a plus aucune séparation entre vous et les autres.

Il n’y a même plus de séparation entre les différents aspects de vous-même.

Trop souvent les barrières et les problèmes sont notre propre fait.

Nous sommes en guerre contre nous-mêmes.

Par cette pratique, l’étreinte de l’ego se relâche et notre tendance à saisir s’évapore.

Ainsi le conflit, la souffrance et la douleur de la fragmentation

et de la lutte intérieure disparaissent.

Pour la première fois, nous pouvons nous pardonner à nous mêmes,

de façon fondamentale.

En même temps, les attentes, les peurs et les anxiétés s’évanouissent,
et avec elles toutes ces sensations de blocage et de fermeture,

cette impression de ne pas être en contact avec nous-même et les autres,

d’être coupés de nos propres sentiments,

ce qui nous interdit tout accès au bonheur.

Ce que cette pratique peut nous apporter est incroyable,

et quand j’entends ces enseignements du Bouddha, transmis par les grands maîtres,

quand je ressens leur vérité dans mon propre cœur, p

ar la modeste pratique que je connais,

je ressens leur immense bénédiction.

Ce qui est extraordinaire, c’est que vous pouvez réellement faire l’expérience de la vérité contenue dans les enseignements.

Ce n’est pas quelque chose qui repose sur la croyance ou la foi,

on peut la savourer et la comprendre soi-même.

Que se passe-t-il lorsque vous en faites l’expérience ?

Vous ressentez l’amour et la compassion immenses des bouddhas,

et vous serez submergés de gratitude.

Votre souhait le plus cher est de partager cette vérité et d’aider les êtres,
où qu’ils soient, à se libérer de leur souffrance

et à posséder ce bonheur ultime, cette grande paix naturelle,

la paix du Bouddha.

Chaque fois que vous faites l’expérience de cette paix dans votre méditation,

même modestement,

priez du plus profond de votre cœur

comme nous le faisons dans cette pratique de la bodhicitta tirée des préliminaires du Longchen Nyingthik du Dzogchen :

Hypnotisés par la pure variété des perceptions

semblables aux reflets illusoires de la lune dans l’eau

Les êtres errent sans fin, égarés dans les cercles vicieux du samsara.

Pour leur permettre de trouver confort et bien-être dans la luminosité et l’espace qui pénètre tout de la vraie nature de leur esprit,

J’engendre l’amour, la compassion, la joie et

l’équanimité incommensurables de l’esprit d’éveil, le cœur de la bodhicitta.


Votre souhait est que

tous les êtres trouvent la paix et le bonheur dans la vraie nature de leur esprit.

Je crois qu’au vingt et unième siècle, ce que tant de gens recherchent
est la vérité qui est en eux-mêmes.

Chacun semble se poser cette question  » Qui suis-je ? »

et aspirer ardemment à réaliser son être authentique,

au-delà du soi égotique.

Par cette pratique,

vous pouvez commencer à faire l’expérience de votre nature véritable,

et quand vous le faites,

votre plus grand désir est que les autres arrivent à la même compréhension.

Parce que vous savez que non seulement cette compréhension

nous montre qui nous sommes vraiment,

mais de plus, qu’elle nous libère de nous mêmes.

Avoir une telle pratique est, me semble-t-il, d’une importance extrême.
Nous souhaitons tous la paix,

nous avons tous le désir ardent de nous sentir bien,

d’être un bon être humain,

d’avoir un cœur chaleureux et d’être bienveillants.

Mais souvent nous ne savons pas comment y arriver.

Trop de choses occupent notre esprit,

notre cœur semble fermé en permanence.

Nous ne sommes pas libres,

et plongés dans toute cette confusion, cette douleur et cette souffrance,
nous pouvons facilement perdre espoir et sombrer dans la détresse.

Cependant, quand nous entendons la sagesse et la compassion

présentes dans ces enseignements

et que nous comprenons qu’elles commencent à ouvrir l’œil de la sagesse,

à ouvrir notre cœur et notre esprit à notre véritable nature

et à la nature de toutes choses,

nous sommes emplis de joie, d’inspiration et d’espoir.

Par la pratique, nous pourrions avoir une petite expérience de cette paix,
mais sans pouvoir y demeurer continuellement.

Nous retombons dans nos habitudes et nos schémas de pensées ordinaires

qui étaient prêts à ressurgir.

C’est le moment d’être plus vigilant que jamais,

de nous rappeler constamment que cet esprit est comme un cristal,

il est clair et pur.

Tout comme un cristal prend la couleur du support sur lequel on le place,
l’esprit s’identifie avec tout ce qui l’occupe,

si nous le laissons faire.

L’esprit lui-même est complètement ouvert,

il est au-delà du choix, de la dualité.

Il peut tout aussi bien être bon que mauvais.

Comme l’a dit le Bouddha ,

 » avec nos pensées nous créons le monde « .

Nous sommes les artisans de notre monde,

qu’il soit source de plaisir ou de souffrance :

un monde de phénomènes karmiques,

façonné par nos pensées et nos actes.

Cependant, une fois que vous avez goûté un tant soit peu à cette paix,
que vous avez eu cet aperçu,

vous voudrez prendre la ferme résolution de ne pas retomber dans vos habitudes.

Dans la pratique bouddhiste de confession,

où l’on reconnaît et purifie la négativité et les actes erronés ,

on parle des « quatre pouvoirs  » :
– le pouvoir de la présence, c’est-à-dire la présence des bouddhas ;
– le pouvoir du regret, celui que nous éprouvons à l’idée d’avoir causé du tort ;
– le pouvoir de la résolution, qui est l’engagement à ne plus jamais le refaire ;
– et le pouvoir de la méthode qui est la pratique, quelle qu’elle soit,

que nous faisons pour purifier la négativité.

En fait, dans la pratique du Dzogchen,

nous confessons toute notre négativité dans le Dharmadatou, l

’espace qui pénètre tout de la nature de l’esprit.

Toutes nos pensées négatives sont purifiées

dans la pureté de notre nature inhérente

et leur obscurité est dissipée par cette clarté.

En nous confessant,

nous prenons la résolution de ne plus retomber dans l’obscurité de la négativité

et de garder notre cœur et notre esprit purs.

À présent, nous comprenons mieux que jamais que

« Nous sommes ce que nous pensons ».


Tout ce qui s’élève, s’élève de nos pensées.

Avec nos pensées, nous créons le monde.

Parlez ou agissez avec un esprit impur et la souffrance s’ensuivra.

Parlez ou agissez avec un esprit pur et le bonheur s’ensuivra… »

Cependant, quand vous parvenez par la méditation

à l’état de bonté de la nature de l’esprit,

tout ce que vous dites est bonté,

tout ce que vous voyez est bonté,

tout ce que vous touchez est bonté,

parce que vous êtes la bonté même.

Vous êtes naturellement pur,

et ceci ne peut que se manifester

à travers tout ce que vous faites, pensez ou dites.

Quand je pense à Jamyang Khyentsé Chôkyi Lodrô, à Dudjom Rinpoché,
à Dilgo Khyentsé Rinpoché et à tous les grands maîtres,

je me demande :

 » Comment peuvent-ils être ainsi ?

Comment est-ce possible que, quoi qu’ils fassent,

ce soit toujours un bienfait pour les êtres ?  »

La réponse est : parce qu’ils demeurent dans cet état de bonté.

C’est ainsi qu’ils nous inspirent et nous redonnent espoir.

Quand les gens ordinaires comme nous voient Sa Sainteté le Dalai -Lama,

ils reprennent espoir en l’humanité.

Réaliser qu’il existe un être humain aussi bon nous inspire

car nous comprenons que nous aussi,

nous pouvons devenir un être humain vraiment bon, comme lui.

Les grands pratiquants, hommes ou femmes, personnifient cette bonté.
Tout ce qu’ils font est bénéfique

car ils demeurent continuellement dans cet état,

grâce à la discipline qui consiste à maintenir la pureté de l’esprit.

Ils ne sont jamais pervertis.

Toujours purs, ils agissent mûs par cette bonté,

et ils y demeurent fermement.

Parfois, on se sent vraiment en contact avec soi-même,

avec les autres et avec tout l’univers

et l’on fait l’expérience d’une profonde paix intérieure.

Quiconque a la chance d’avoir une petite expérience de cette paix intérieure

devrait prendre sur le champ la résolution de la maintenir,

non seulement pour son propre bien,

mais aussi pour le bien du monde entier.

Quand vous êtes dans cet état, ce qui est extraordinaire,

c’est que même si vous ne faites pas grand-chose,

votre être même est un bienfait pour autrui.

Et ce, aussi longtemps que vous préserverez

la bonté, la pureté dans votre esprit et votre cœur,

dans votre motivation et dans votre être.

Et Si nous souhaitons donner à nos actions un pouvoir spécial,

nous pouvons invoquer la bénédiction de tous les bouddhas et de tous les maîtres.

Il est dit que dès que nous les invoquons, les bouddhas sont là,

c’est une de leurs qualités.

Parfois, vous pourriez vous dire :

 » Pourquoi les bouddhas m’accorderaient-ils du temps, je ne le mérite pas !

Le Bouddha l’a dit lui-même :

 » Quiconque pense à moi se trouve en ma présence.  »

Et Padmasambhava a fait cette promesse :

 » Je ne suis jamais éloigné de ceux que la foi anime,

ni même de ceux qui en sont dépourvus.  »

Telle est la compassion des bouddhas.

Que nous soyons bons ou mauvais en apparence,

nous pouvons recevoir leurs bénédictions.

Tout ce que nous pouvons être est seulement passager ;

toutes nos illusions peuvent être purifiées

parce que notre nature fondamentale est bonté.

Les nuages peuvent assombrir le ciel,

mais il nous suffit simplement de les dépasser

pour réaliser l’existence d’un ciel infini qui n’a jamais été touché par les nuages.

Dans le Dzogchen, on utilise souvent l’exemple du miroir.

Notre nature véritable est semblable au miroir :

il reflète toutes sortes de choses, mais, et c’est cela qui est merveilleux,

les reflets ne souillent jamais le miroir.

Quelle que soit notre façon d’être,

notre vraie nature reste pure et immaculée.

Il est dit que nous avons tous la nature de bouddha,

et c’est la vérité.

Les bouddhas eux-mêmes ne peuvent la rendre meilleure,

et nous, les êtres sensibles, avec toute notre confusion et notre négativité,
ne pouvons la corrompre.

Cela signifie que rien ne peut la toucher ;

elle est immuable ; elle est incréée ;

elle est notre nature véritable, elle ne peut être ni souillée ni amoindrie.
C’est la bonté immuable.

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Sogyal Rinpoché

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