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L’art divinatoire tibétain – par Dorje Tseten

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L’ART DIVINATOIRE TIBETAIN

En explorant l’avenir du consultant, le devin ou le médium peut faire le bilan de la situation dans laquelle celui-ci se trouve et lui recommander une ligne de conduite à tenir. Sous la forme de rituels, une action réparatrice fait ensuite appel à des forces positives et peut modifier le sort du consultant.

Les buts de la divination

Devin_tibet.gifCependant, ces rituels ne sauraient changer le karma de qui que ce soit, et ceux qui demandent une divination, tout comme ceux qui la pratiquent, en sont parfaitement conscients.

Néanmoins, ils peuvent éveiller des potentiels positifs latents afin que ces derniers remplacent les influences négatives qui sont perçues comme la cause d’obstacles désagréables.

L’efficacité d’un rituel dépend des offrandes en nourriture et en argent que le consultant fait aux moines ou aux adeptes qui le pratiquent. Le mérite qui découle de ce don est employé pour activer les forces positives latentes qui gisent en nous ou dans les autres. Ainsi n’est-il aucunement question d’un transfert de mérite qui transgresserait les lois de cause à effet, mais simplement de l’emploi de ce mérite pour éveiller les forces de son propre karma bénéfique ou de celui des autres.

Si, par exemple, l’un de vos parents est malade, ou que ses affaires vont mal, vous pouvez vous adresser à un pratiquant qualifié afin qu’il découvre, par une divination, quel rituel est le plus à même de créer des conditions favorables à une amélioration. La réussite de ce rituel dépend de la force de votre propre karma. Pourtant, si le karma négatif ou la prédisposition de cette personne à la maladie dépassent son potentiel positif au sein de son propre continuum, les effets de sa maladie ne seront pas éradiqués, et le rituel ne sera pas couronné de succès.

La pratique de la divination pour les malades est, du reste, souvent considérée comme une question épineuse. Le lama tibétain Khamtrul Rinpoché dit, à cet égard, la chose suivante : « Si la question que l’on me pose est de savoir s’il faut prescrire à un patient des médicaments tibétains ou occidentaux, je dois me livrer chaque fois à une divination par question. Il me semble qu’il est important (et ce quoi que nous fassions) de décider par nous-mêmes, car nous limitons ainsi les risques de regrets. Si nous ne sommes pas à même de prendre nos propres décisions, ou si nous avons essayé de le faire mais que nous avons encore le sentiment qu’il serait bon que nous bénéficions de l’avis d’un tiers, alors la divination peut nous servir de guide ».

On dit parfois que l’invasion du Tibet par la Chine avait été prédite de diverses manières et que, en conséquence, de nombreux rituels avaient été accomplis. Néanmoins, le karma collectif des Tibétains était trop lourd pour être contré par des rituels, aussi ces derniers furent-ils sans effet.

La place de la divination dans la société tibétaine

La divination fait partie de la vie de tous les jours au Tibet, et l’exil n’y a rien changé. Les décisions importantes de la vie quotidienne (comme celles concernant le mariage ou les affaires) ne sont prises qu’après qu’une forme ou une autre de divination ait été effectuée. Dans la plupart des cas, les gens consultent leur lama préféré. Mais chez les nomades, dont la population éparse est soumise aux caprices de la nature, bien que divination, signes et augures soient une affaire sérieuse, ce sont souvent les nomades eux-mêmes qui les interprètent.

Les qualifications requises

Lorsqu’il se livre à une divination, un individu se repose sur le pouvoir que lui confère une divinité particulière. Ce pouvoir peut être le fruit d’un lien qu’il a établi avec cette divinité dans une vie antérieure, et qui aura été renforcé par des retraites comprenant la récitation d’un même mantra (jusqu’à un million de fois), ainsi que par son identification avec cette divinité particulière à travers une concentration clairvoyante et l’émanation d’une fierté divine.

Il existe de nombreuses manières de pratiquer la divination, chacune étant reliée aux pratiques particulières consacrées aux diverses divinités. Par exemple, certaines pratiques de divination sont placées sous les auspices de Manjushri, de Tara, de Vajrapani, des cinq Dakinis, de Palden Lhamo, Dorje Yudronma ou Tsering Che-nga (les Cinq Soeurs de Longue Vie).

Les intentions qui motivent la pratique de la divination doivent être pures. En effet, quoique tout un chacun puisse établir un lien avec une divinité spécifique par la récitation intensive de mantras et, par conséquent, acquérir certains pouvoirs, un mauvais usage de ces pouvoirs ne manquera pas de se traduire par un choc en retour et l’obtention d’une mauvaise réincarnation.

LES DIFFERENTES FORMES DE DIVINATIONS

La divination par boulettes de pâte

Cette méthode est surtout pratiquée dans les monastères, ou individuellement par les lamas, lorsque des décisions importantes doivent être prises comme, par exemple, celles qui concernent la recherche de la réincarnation d’un très grand lama. On inscrit alors sur des morceaux de papier les réponses possibles à la question posée (c’est-à-dire les noms des divers candidats pressentis, dans le cas de la réincarnation d’un grand lama). Ces morceaux de papier sont ensuite insérés dans des boulettes de pâte en tout point identiques. On prend, en outre, grand soin de peser chaque boulette afin de vérifier qu’aucune n’est plus grosse que l’autre.

Les boulettes de pâtes sont ensuite placées dans un bol, qui est lui-même précautionneusement scellé puis placé devant un objet sacré, comme la statue de Jowo qui se trouve dans le temple principal de Lhassa, des représentations des divinités protectrices du Dharma ou les monuments funéraires de grands lamas. On invoque alors leur aide et leur inspiration quant à l’issue de la divination. A cet effet, des moines demeurent dans le temple pendant trois jours et trois nuits pour réciter des prières. Nul n’a le droit de toucher au bol pendant cette période. Le quatrième jour, on retire le couvercle du bol devant tous les témoins présents. Un lama éminent prend alors le bol et, d’un geste de la main, fait tourner les boulettes qu’il contient devant l’objet sacré jusqu’à ce que l’une d’entre-elles s’en échappe. C’est cette boulette qui contient la réponse.

La divination par les dés

La divination de Palden Lhamo se déroule avec trois dés dont chaque face est numérotée de un à six au moyen de points. Lorsque d’autres divinités président à la divination, les dés peuvent être marqués de lettres. Ces dés sont faits en os, en bois ou bien encore taillés dans des conques.

Khamtrul Rinpoché décrit sa méthode de divination par les dés comme suit : « Pour qu’une divination soit couronnée de succès, il est essentiel que les motivations du pratiquant soient pures et que le consultant ait confiance en ce pratiquant. Il est important qu’ils prient tous deux les Trois joyaux, leurs lignées ancestrales de lamas et les fondateurs de ces lignées, ainsi que leurs divinités (principalement Palden Lhamo et d’autres divinités protectrices du Dharma) afin d’obtenir une réponse claire. Si je n’entends pas clairement la demande, je demande au consultant de la répéter. Je me visualise ensuite sous la forme de ma divinité personnelle, Dorje Shonu ou Vajra Kilaya, et invoque Palden Lhamo. Comme je la côtoie depuis longtemps, je peux la visualiser clairement devant moi, et je lui demande de donner une réponse précise à la personne qui est venue demander conseil. Je lance alors les dés et, en fonction des chiffres qu’ils indiquent, je consulte un ouvrage de divination. De nombreux livres de ce genre ont été écrits par de très grands lamas, et ils contiennent toutes les réponses possibles. Néanmoins, une fois que l’on s’est familiarisé avec les techniques de divination, il devient inutile de se référer à ces textes ».

La divination par le rosaire

Le pratiquant prie la divinité qu’il invoque afin d’obtenir les bonnes réponses et il récite les mantras de cette divinité. Il saisit ensuite son rosaire des deux mains en sélectionnant deux perles au hasard (l’une se trouvant entre les doigts de sa main droite, l’autre entre ceux de sa main gauche) de façon à ce qu’elles soient toutefois séparées par la moitié des perles du rosaire au maximum. Il présente alors le rosaire à l’horizontale devant lui et rapproche ses mains l’une de l’autre en progressant par groupes de trois perles jusqu’à ce qu’elles ne soient plus séparées que par une, deux ou trois perles. C’est le nombre de perles restantes qui décide de l’issue de la divination. Cette séquence est effectuée par trois fois.

Lorsqu’il ne reste qu’une seule perle entre les doigts des deux mains du pratiquant, le résultat reçoit le nom de faucon. Lorsque deux perles séparent ses mains, il s’agit d’un corbeau. Enfin, le cas où trois perles subsistent est désigné sous le vocable de lion des neiges. L’issue de la première séquence traduit l’étendue de l’aide que la divinité est prête à accorder. Elle indique aussi la valeur globale de la divination.

Si l’on obtient un faucon lors de cette première séquence, cela indique que les divinités protectrices sont disposées à accorder leur assistance, que les initiatives sont placées sous le signe de la chance, ou encore qu’un procès débouchera sur un verdict favorable. En revanche, lorsque cette première séquence se traduit par un corbeau, les divinités protectrices ne sont pas du côté du consultant. La réussite n’est pas au rendez-vous, un procès risque fort d’être perdu et le consultant doit se méfier d’ennemis éventuels. Un tel résultat devrait servir de mise en garde contre toute décision de se lancer dans une nouvelle entreprise. Si l’on obtient un lion des neiges à l’issue de cette première séquence, cela signifie que les divinités protectrices sont avec le consultant, qui devrait donc accomplir ses desseins lentement mais sûrement, d’autant que les obstacles ou ennemis éventuels qu’il pourrait rencontrer seraient peu vivaces. Dans le cadre d’une consultation concernant la réussite éventuelle d’une affaire, un lion des neiges sera considéré comme un résultat neutre.

Le résultat de la deuxième séquence indique l’atmosphère générale qui règne dans l’environnement immédiat du consultant. Un faucon est signe d’auspices favorables, de chance et de réussite, sauf pour ceux qui souhaitent avoir des enfants. Les risques de vols et de maladies sont réduits. Un corbeau signale, quant à lui, une maladie grave, de mauvaises influences qui s’exercent sur la santé du consultant, et un déclin de la force vitale de ce dernier. Il y a risque de pertes ou de vols. Quoi qu’il en soit, si le consultant est dans les ordres, ces aspects négatifs sont réduits. La troisième séquence renseigne, quant à elle, sur l’arrivée éventuelle d’un voyageur. Cette rubrique constituait un aspect important de la vie des Tibétains car les gens voyageaient sans cesse et il n’existait aucun système de communication à distance. Un faucon indique alors l’arrivée imminente de nouvelles ou d’un voyageur.

La meilleure combinaison possible est donc une suite de trois faucons puisqu’elle indique l’arrivée prochaine de voyageurs, le prompt rétablissement des malades et le succès dans les entreprises.

La divination par les lacets

Ce type de divination est très répandu chez les nomades qui nouent leurs bottes au moyen de lacets plats et larges d’environ deux centimètres et demi. Ils replient ces lacets l’un sur l’autre de façon à former des carrés, puis les défont subitement. Si les lacets se dénouent sans problème, l’augure est favorable ; un noeud, en revanche, est signe de mauvais présage.

L’interprétation de signes accidentels : lorsqu’un bouddhiste pratiquant projette de faire une retraite ou la prépare, il peut interpréter certains signes qui apparaissent dans son environnement quotidien et y voir des indications concernant ses accomplissements à venir. Ces signes peuvent être favorables ou défavorables.

Parmi les signes favorables qui indiquent que le pratiquant va recevoir la bénédiction des Bouddhas et des Bodhisattvas, on compte le fait d’apercevoir dans le ciel des grues, des oies, des canards, des cygnes, des faisans, ou d’autres oiseaux de bon augure. Entendre leur chant est aussi un bon signe, comme le son des tambours, des instruments à cordes, des flûtes, des gongs, des cloches, ou encore les voix de gens qui récitent des strophes contenant des mots tels que « victorieux, accompli, excellent, bonheur, réussite, donner, recevoir, fructueux, grand, nombreux et glorieux ».

Les signes de mauvais augure qui annoncent des obstacles peuvent être, entre autres : des singes qui jacassent, des souris qui chocotent, des loups qui hurlent, des ânes qui braient, ou des buffles qui mugissent. Un serpent ou un scorpion qui traverse votre chemin est aussi un mauvais signe, tout comme le fait de croiser des gens en deuil ou de les entendre prononcer des mots tels que « échec, déclin, mourir, malade, se débarrasser de quelque chose, hélas, difficile, manqué et inutile ». Dans de tels cas, le pratiquant devrait interrompre sa pratique et changer de lieu.

En général, lorsque l’on prépare un voyage ou que l’on désire se lancer dans quelque entreprise, les signes suivants sont de bon augure ou annonciateurs de réussite : croiser des hommes, des femmes et des enfants habillés avec soin, ou encore des femmes enceintes, des vaches avec leurs veaux, des bhikshus bien habillés, des gens célèbres, (des Brahmins vêtus de blanc, de belles femmes parées de bijoux, des jeunes filles qui jouent ensemble, des éléphants, de belles carrioles et des gens qui arborent des symboles religieux tels que la roue, le vase, le noeud, le lotus, l’ombrelle ou la bannière.

Les signes suivants annoncent, au contraire, des échecs : rencontrer des gens mauvais, effrayants, en haillons ou usés par les ans ; ne pas pouvoir poursuivre sa route à cause d’un obstacle ; voir une maison qui s’est effondrée, quelque chose prendre feu ou se briser.

Les rêves

Certaines personnes ont un don de clairvoyance onirique qu’elles peuvent employer pour prédire l’avenir. Leurs rêves prémonitoires ont habituellement lieu tardivement dans la nuit, juste avant l’aube, et sont d’une clarté caractéristique.

Comme dans les autres cas de divination, ces rêves sont souvent le fruit d’une relation particulière avec une divinité et font appel soit au symbolisme traditionnel, soit au symbolisme personnel du rêveur (qu’il est, de toute façon, à même d’interpréter aisément).

Pour un pratiquant, les symboles établis d’un grand accomplissement sont, entre autres, la vision de Bouddhas, de Bodhisattvas, ou de ses divinités personnelles, et le fait de recevoir des enseignements de leur part :
– rêver que l’on est assis sur un trône et que l’on porte une couronne, que l’on prend un bain, que l’on reçoit des vajras et d’autres accessoires religieux ;
rêver que l’on est devenu roi, que l’on est en train de lire les Écritures, que l’on se trouve dans un temple et que l’on est entouré d’objets sacrés, de tigres, de dragons, de lions, de garudas et de chevaux, ou encore que l’on s’élève dans le ciel pour côtoyer le soleil et la lune ;
– rêver que l’on parcourt les quatre continents, que l’on traverse sans peine des océans à la nage, que l’on voit le soleil et la lune se lever, que l’on laboure des champs, que l’on se nourrit de produits laitiers, ou que l’on est assis sur un lotus ;
– rêver que l’on est respecté et estimé par les dieux, par ses parents, ses maîtres spirituels, de belles dames, et des amis ;
– rêver de parcs où abondent les fleurs sauvages, la pluie, les fruits mûrs, les rois, les ascètes, les Brahmins, les gens aisés, les maîtres vertueux, les oies et d’autres oiseaux de bon augure.

Le franchissement d’obstacles est annoncé par des rêves d’or, de trésors, de pierres précieuses, d’armes fiables, de moissons, de parures, d’armures et de victoires sur ses ennemis.

Quoiqu’ils semblent de prime abord défavorables, les rêves qui suivent annoncent, en fait, de bons résultats et une victoire remportée sur les obstacles :
– rêver que l’on se tranche la tête, que l’on mange de la chair humaine, que l’on se lave dans du sang, que l’on boit de l’alcool, que l’on se rase la tête, que l’on se brûle, que l’on s’immerge dans les eaux viciées d’un égout, que l’on encercle la ville de ses propres entrailles, et que l’on fait l’amour en plein jour.

Les rêves suivants indiquent, en revanche, que des esprits malveillants s’emploient à nous créer des obstacles :
– rêver que l’on rencontre et que l’on se bat avec des tigres, des léopards, des chats, des chiens, des ânes, des souris, des scorpions, des belettes, des serpents, des vautours, des chouettes, des nains maigres et nus à la peau sombre, des bouchers, des enfants pâles et chétifs ou de grands hommes nus ; rêver de puits qui s’assèchent, de tas d’ossements et de crânes, et de maisons en ruines.

Les mauvais rêves contiennent généralement les détails suivants :
– rêver que l’on est poursuivi par des soldats, que l’on oint son corps d’huile végétale, que l’on parle à des éclopés ou à des bossus, que l’on voit le soleil ou la lune se coucher, que l’on escalade des dunes ou des montagnes de brindilles, que l’on voit des fleurs rouges ou le dos d’un chameau, que l’on doit se faufiler par des passages étroits, que l’on erre dans un marais, que l’on dévale une pente, que l’on brise les membres de quelqu’un ou les parties de certaines choses, que l’on est vaincu par les autres et que l’on se livre à des actions répréhensibles.

Ces rêves indiquent qu’un individu est peu méritant et qu’il aura une vie courte.

En de tels cas, le lama lui conseillera d’accumuler des mérites, de méditer sur la vacuité, et de se livrer à des offrandes rituelles par feu paisible avant de reprendre ses activités quelles qu’elles soient.

L’examen des flammes

On peut aussi se livrer à la divination en observant les flammes d’un feu d’offrandes rituelles. Il faut tout d’abord invoquer le dieu du feu, puis observer la flamme. Lorsqu’elle est brillante, dorée, orange, qu’elle ne produit aucune fumée et qu’elle brûle en silence, qu’elle est vaillante et qu’elle s’incline vers la droite, ou qu’elle s’élève bien droite et qu’elle n’a qu’une seule pointe, que le feu dure longtemps et qu’une odeur agréable s’en dégage, on considère que ces signes sont favorables et qu’ils annoncent une réponse positive à toute question que l’on peut se poser.

Lorsque la flamme est blanche comme la neige et que le feu brûle tout doucement, cela signifie que l’on a été lavé des conséquences de ses mauvaises actions.

Si la flamme jaunit, c’est un signe de puissance et de richesse ; si elle prend une couleur rouge vif, elle annonce le succès dans toute entreprise ; et si elle prend une belle couleur bleue et qu’elle ne dégage aucune fumée, elle témoigne de la bonne santé du consultant et lui promet une longue descendance.

La maladie et les autres mauvaises nouvelles sont annoncées par un feu qui brûle rageusement, une flamme sombre qui dégage de la fumée et qui est de la couleur de la chair humaine, verte, ou de la couleur de l’huile végétale, blafarde, pâle, qui présente deux ou trois pointes et qui exhale de mauvaises odeurs.

Notons toutefois que lorsque l’on se livre à des offrandes rituelles par feu ardent, les signes qui précèdent sont considérés comme favorables. Les signes qui sont défavorables dans le cas d’un rituel bienveillant comme dans celui d’un rituel courroucé sont la présence d’étincelles et de fumée qui gênent ceux qui pratiquent le rituel. Des flammes sombres qui s’agitent dans toutes les directions et qui brûlent de façon hésitante annoncent la fin d’une lignée.

L’observation d’une lampe à beurre

La lampe à beurre que l’on utilise à des fins divinatoires ne doit présenter aucun défaut. Elle sera faite en or, en argent, ou dans un autre métal précieux et l’on prendra soin de la nettoyer entièrement. On lui façonnera ensuite une mèche, ni trop épaisse, ni trop fine, dans un bois sec et inodore, et l’on veillera à ce que sa longueur soit telle qu’elle atteigne la hauteur du bord de la lampe lorsqu’elle repose en son centre. Puis on recouvrira cette mèche d’orge et l’on versera du beurre fondu filtré sur le tout. On récitera alors cent fois le mantra suivant avant de poser mentalement la question qui nous occupe : Om ah hum vajra guru dhe vadakki nihum’od li’od li sarva ah lo ke praba dhe naye svan hah.

On allumera ensuite la lampe à beurre et l’on observera sa flamme. Une flamme dont la pointe forme un globe indique une absence de risques ; une flamme en forme de conque représente la gloire ; si elle est jaune vif, cela signifie qu’aucun obstacle n’est en vue ; si elle ressemble à un lotus ou à un joyau, elle annonce la fortune.

Si le haut de la flamme forme un crochet, cela signifie que l’on va acquérir du pouvoir ; si la flamme a deux pointes, elle indique que l’on va partir ailleurs. Si la lampe donne une lumière faible et si elle vacille, cela signifie que l’on va se faire un ennemi ou que l’on va recevoir la visite de quelqu’un qui vit loin de soi. Lorsque la flamme se sépare en deux, elle indique une séparation au sein de la famille du consultant.

Si la flamme est rouge sombre, elle annonce la mort du fils aîné ; si c’est la partie médiane de la flamme qui devient rouge et que de la fumée émane de la mèche, on va subir une perte. Une lampe qui s’éteint sans raison apparente est signe de mort. En renversant le beurre fondu, on obtient la durée d’une entreprise.

La divination spéculaire

Pour se livrer à la divination spéculaire de Dorje Yudronma, il faut choisir un endroit calme et serein. On place un miroir dans un récipient rempli de grains de céréales, qui repose pour sa part sur un coussin de feutre propre. Le pratiquant répand ensuite de la poudre vermillon (Sindura) et récite les mantras du rituel. On pose alors un petit stupa en cristal ou un morceau de cristal devant le miroir. Puis on attache un drapeau (dont les cinq couleurs représentent les Bouddhas des cinq familles) à une flèche, et l’on place le tout derrière le miroir. Sur la droite, on place un biscuit d’offrandes rituelles décoré de beurre, et sur la gauche un autre biscuit qui est, lui, de couleur rouge. On dispose ensuite tout autour de cet arrangement des offrandes de boissons, de la farine d’orge grillée (tsampa) mélangée à du beurre, de l’encens et diverses essences de bois.

Cela fait, le pratiquant place devant lui un vajra, une cloche et un damaru (petit tambour rituel), de l’orge et de la poudre vermillon qu’il saupoudrera dans les boissons, ainsi qu’une flèche à laquelle est attachée une écharpe blanche.

Le pratiquant se visualise ensuite comme une divinité et se livre au rituel propitiatoire préliminaire, comme le demande le rituel de Tara.

On invoque alors Dorje Yudronma, l’une des principales divinités protectrices du Tibet, qui tient une flèche porteuse des cinq couleurs dans la main droite, et un miroir en argent blanc dans la gauche. Le pratiquant demande ensuite à la déesse de bien vouloir répondre correctement aux questions qui lui sont posées.

Toutefois, ce n’est pas le pratiquant qui lit le miroir, mais un jeune garçon ou une jeune fille de moins de quinze ans. L’enfant, qui doit être lavé et bien habillé, est assis sur un coussin sous lequel on a tracé un swastika, symbole de stabilité. On demande alors à l’enfant de ramasser une pierre, de l’envelopper dans un morceau d’étoffe rouge, puis de la placer sous son genou et de boire la mixture orangée. On pose ensuite des épis d’orge consacrée sur sa tête enturbannée.

Le pratiquant nettoie alors le miroir et allume une lampe à beurre. L’enfant regarde dans le miroir et, en fonction du type de divination auquel on se livre, contemple soit des images qui ressemblent à des séquences de film, soit des lettres. L’apparition de lettres implique la remise préalable au pratiquant de questions consignées par écrit. L’enfant décrit alors sa vision au pratiquant qui l’interprète et l’explique dans le cadre des questions qui ont été posées. L’enfant qui lit le miroir n’a aucune idée des questions qui ont été posées, et le devin ne peut voir dans le miroir. Néanmoins, leurs actions sont complémentaires et ils dépendent l’un de l’autre dans ce type de divination. Comme la capacité de l’enfant à lire dans le miroir disparaît avec la puberté, le devin pourra avoir successivement recours à différents enfants.

La divination par la lecture des omoplates

Il est dit que la divination par la lecture des omoplates nous vient des ours bruns qui, après avoir tué une belette ou une souris, lui retirent les omoplates pour en examiner les sillons afin de savoir si des chasseurs sont à leurs trousses.

Cette attitude a été observée par les chasseurs qui ont remarqué que les ours mangent parfois leurs proies alors qu’ils les délaissent en d’autres occasions, non sans avoir, toutefois, pris la peine de leur retirer les omoplates.

Cette forme de divination a progressivement été adoptée par les chasseurs, puis par les voleurs et les brigands. Elle s’est aussi bien implantée chez les villageois.

Pour procéder à cette forme de divination, il faut utiliser l’omoplate droite d’un mouton qui a été abattu (et non pas celle d’un animal qui est mort de maladie ou qui a été tué par des bêtes sauvages).

Il faut tout d’abord débarrasser l’omoplate de toute trace de chair, puis la laver à l’eau claire. Le devin doit ensuite la fumiger au genévrier et la présenter devant un miroir en la tenant de la main droite. Il doit ensuite réciter le Ye dharma de trois à sept fois et invoquer les divinités afin qu’elles lui accordent des réponses claires. L’omoplate est ensuite incinérée dans un feu sans fumée et à l’abri des regards indiscrets. Pendant la crémation, si l’omoplate crépite, cela veut dire que de mauvais esprits hantent la maison. Si elle produit des claquements secs, cela indique que ces esprits nuisent à la famille et y sèment la discorde. Si l’arête de l’omoplate se détache rapidement, cela veut dire que tous ces problèmes peuvent être résolus par la pratique de rituels appropriés.

De plus, on divise l’omoplate en plusieurs parties afin que le devin puisse formuler des prédictions relativement détaillées. On nomme ces parties la demeure du protecteur du consultant, la demeure de ses ennemis, la demeure du Naga et la demeure de ses parents. Entre la demeure du protecteur et celle de ses parents, on compte cinq parties supplémentaires que l’on appelle la demeure du roi, celle du seigneur, celle du ministre, celle du consultant, et celle du serviteur. Elles sont séparées l’une de l’autre par une distance égale à la largeur d’un doigt.

La présence de bulles dans la demeure du consultant est un signe de bon augure, sauf si ces bulles se résorbent car les implications en sont alors défavorables. Si l’on constate une fissure dans la partie de la demeure du consultant, cela indique que l’année à venir est placée sous le signe de la faiblesse ; si la fissure apparaît dans la partie médiane, elle apporte malchance et regrets. Cependant, si cette fissure se trouve sur la partie postérieure de l’omoplate, elle indique l’invincibilité du consultant face à ses ennemis et aux esprits maléfiques. Une fissure dans la glène de l’omoplate annonce une perte ; sauf si elle est très large, car elle indique alors que la fortune est proche. Si l’omoplate reste blanche, c’est un signe favorable qui annonce une action imminente ; en revanche, si elle prend une couleur cendre, c’est un mauvais signe qui annonce que les vents seront violents pour l’année à venir. La couleur noire laisse présager de fortes pluies ; le jaune, une année chaude.

Si l’omoplate se fend en plusieurs endroits, cela est signe d’errance ou d’échec à venir. D’une manière générale, les fissures blanches sont des signes favorables, tandis que les noires sont de mauvais augure. Celles qui sont foncées sans être noires sont des signes de mauvaises influences de moindre importance. Des fissures blanches dans la demeure du protecteur du consultant signalent que le protecteur lui accorde son aide, alors que des fissures noires indiquent qu’il est nécessaire de se livrer à des rituels de purification, d’offrir des lampes, de brûler rituellement de l’encens, de faire flotter des drapeaux de prières et de psalmodier des prières de confession.

Si la demeure du Naga ou les fissures qui s’y trouvent noircissent, il faut offrir rituellement des gâteaux au Naga près des lacs et des sources. Si une fissure apparaît dans la partie supérieure de la demeure des ennemis du consultant, elle indique qu’il va acquérir du pouvoir. Toutefois, si cette fissure est noire, c’est un signe défavorable, et il faut alors réciter des sutras ainsi que le rituel de l’Ombrelle Blanche (gDugs dkar), qui a le pouvoir de lever les obstacles. Si la demeure des parents noircit, il faut accomplir des rituels de rachat d’énergie vitale (Tse sgrub). Les parties qui se trouvent entre la demeure du roi et celle du serviteur sont examinées de la même façon. Si l’omoplate se fend verticalement, elle annonce une maladie ; si elle se fend horizontalement, c’est soit que le consultant va être victime d’un vol, soit qu’il lui faudra longtemps pour atteindre ses buts ou accomplir une tâche.

La divination auditive

Ce type de divination est pratiqué dans les régions du Tibet où vivent les nomades, ainsi que dans d’autres régions reculées où il peut s’avérer problématique de trouver un devin. Avant de se livrer à la divination, on attache une branche de genévrier à une omoplate avec un brin de laine, un morceau d’étoffe blanche ou de la ficelle. Le pratiquant place ensuite l’omoplate dans la poche gauche de son manteau et sort de chez lui. Les premiers mots qu’il entendra à l’extérieur lui indiqueront comment les choses vont tourner.

Si l’on pratique ce type de divination à l’intention d’un malade et que l’on entend un mot comme  » ;long ; », il faudra l’interpréter comme un signe défavorable indiquant que la guérison sera retardée. Inversement, des mots comme  » ;bon ; » indiqueront une guérison rapide. Ces mots peuvent s’appliquer à toute autre question que se pose le pratiquant : le mot  » ;bon ; » aura toujours des connotations favorables, alors que d’autres mots tels que  » ;rien ; » auront une signification défavorable. Parmi les méthodes de divinations qui précèdent, on considère que la divination par boulettes de pâte est la plus fiable. Toutefois, en raison de la longueur des rituels préliminaires qu’elle suppose, on y a recours uniquement dans les grandes occasions. Il faut enfin signaler que certains lamas peuvent se livrer à des prédictions sans se servir de moyens apparents, mais en puisant directement leur inspiration auprès d’une divinité. Bien que le résultat soit identique, ils ne prétendent généralement pas dans ce cas qu’ils pratiquent la divination.

Cet article est une version légèrement modifiée de Looking into the Future qui est paru pour la première fois dans le numéro 6 de ChoYang. L’auteur tient à remercier Denma Locho Rinpoché, Panden Otrul Rinpoché et Kamtrul Rinpoché pour leur aide précieuse.

Dorje Tseten

www.tibet-info.net

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