Nomination de la prière juive
La prière juive se nomme globalement téfila (Isaïe 1, 15), de la racine pll qui veut dire s’évaluer, se juger (léitpallél). Cela nous indique que la prière est autant pour l’homme que pour D.ieu.
Selon Ribbi Yo’hanane (Dévarim Rabba 2,1), la prière est appelée par 10 noms différents qui ont chacun une caractéristique particulière (âssara léchonote niqréte téfila) :
– chaveâ (Chemote, Exode, 2, 23) qui comporte la supplication,
– tséâqa (Chemote, Exode, 2, 23) qui comporte le cri,
– néâqa (Chemote, Exode, 2, 24) qui comporte le soupir et le gémissement,
– rinna (Jérémie 7, 16) qui comporte la supplication bruyante,
– péguiâ (Jérémie 7, 16) qui comporte l’attitude de cogner, porter atteinte,
– bitsour (Psaume 18, 7) qui comporte l’angoisse qui étrangle,
– qeria (Psaume 18, 7) qui comporte l’appel,
– nippoul (Devarim 9, 18) qui comporte la chute de prosternation suppliante,
– palloul (Psaume 106, 30) qui comporte l’action de faire justice,
– ta’hanounim (Devarim 3, 23) qui comporte l’imploration. Moché n’a utilisé que ce mode.
Cinq psaumes sont nommés explicitement « prière », téfila (psaumes 17, 86, 90, 102, 142). Les autres formes de nomination des psaumes (chant, poème, mizmor, chir…) est une question différente.
Ces mouvements intérieurs divers dans la prière nous indiquent que la prière est un art, dont on a à apprendre les nuances. Comment ?
– par l’étude des textes qui en parlent (les psaumes), et par la connaissance de l’hébreu qui permet de saisir ces nuances,
– par la pratique des trois prières quotidiennes où ces mots sont placés, et dont on pourra alors suivre les mouvements intérieurs comme on lirait une partition de musique.
Nature de la prière juive
1. La prière est basée sur le fait
– qu’il y a une communication entre D.ieu et nous (contrairement aux idoles diverses, Psaume 115, 3-7) car nous sommes faits à l’image de D.ieu et à sa ressemblance (Béréchite 1, 26) ;
– qu’Il est la base de notre existence et de notre soutien dans la vie elle-même et Il répond à nos besoins, Il est notre lumière, force, salut (voir les psaumes 27 et 62).
2. Salomon dit (I Rois 8, 28) : Tu accueilleras la prière (téfila) et les supplications (té’hina)… tu écoutera sa rina et sa téfila ».
Il y a donc deux composantes :
– l’orientation vers D.ieu que l’on nomme rina (adoration, crainte, révérence, amour, joie),
– et la demande pour les besoins personnels (téfila).
3. D’une part, la prière est une présence continuelle à D.ieu (chiviti Hachém lénéghdi tamid) ;
d’autre part il y a des moments forts de prière chacque jour, à l’instar de Daniel (Daniel 6, 11) : le matin à l’aube (cha’harite), l’après-midi (min’ha), le soir (ârvite).
4. La prière est un face à face réciproque (néguéd) comme il est dit
– de la part de D.ieu : ‘homotaïkhe néghdi tamid (Isaïe 49, 16, tes murailles, Jérusalem, sont constamment devant mes yeux),
– de la part de l’homme : chiviti Hachém lénéghdi tamid, je me représente Hachém constamment devant moi.
– dans un mélange de ces deux aspirations : »en ton nom mon coeur dit : recherchez ma face » (lékha amar libbi, baqechou fanaï, Psaume 27, 8).
Pratique
Elle est considérée comme un « travail » (âvoda) laborieux et sérieux dont le lieu est le coeur (âvoda ché ba lév). L’exemple donné est celui d’une femme, ‘Hanna (I Samuel 1, 13) : ‘Hanna parlait en son coeur. Ce texte est lu en préparation chaque matin par les séfarades.
Cette activité intérieure non statique mais mue volontairement, est la condition de la valeur de la prière et de son écoute par D.ieu (Psaume 10, 17). La halakha, règles de conduite prescrites, appelle cela « intention » (cavana), et dit que la cavana est obligatoire pour prier.
Que signifie : il faut prier avec intention (cavana) ?
Il faut prier avec « intention ». Celui qui prie avec intention mékhavéne.
Cela veut dire
– se placer en pensée face à la présence de D.
– retirer de sa pensée toute autre préoccupation ou pensée,
– être présent aux mots que l’on dit et à leur sens qui n’est pas seulement intellectuel mais va jusqu’à l’intériorité de ce qui est dit,
– être présent aux sentiments portés par les mots,
– être présent avec tout son être, non seulement la tête mais aussi le corps,
– connaître les intentions que nos Sages ont reçues ou placées dans le texte de la prière (donc étudier ces textes décrivant les cavanotes de la prière), de façon globale pour un certain texte et de façon précise concernant les différents mots, et les Sages ont écrit des commentaires de la prière qui les transmettent,
– concevoir la prière comme une action qui réalise,
– concevoir la prière comme une action qui améliore un état du monde en permettant à la bénédiction de mieux y circuler ; cette amélioration se produit non seulement en améliorant celui qui prie mais aussi en améliorant le lien du monde visible avec le monde invisible.
Il est interdit de prier sans cavana.
Il vaut mieux prier un peu avec cavana que beaucoup sans cavana, mais ce principe ne peut pas être utilisé pour réduire le temps que l’on doit accorder à la prière et le juif a trois prières obligatoires par jour qui comprennent tout une séquence précise. Le fait de prier est déjà en soi une intention. De nombreux textes discutent de la question de savoir s’il faut ou non reprendre une prière, une bénédiction ou une mitsva qui n’aurait pas été réalisée avec une véritable intention (Choul’hane Âroukh, Ora’h ‘Hayim 1, 4 et 60, 4).
Techniquement, cela exige
– de consacrer un moment avant de commencer la prière pour rejoindre intérieurement ces états (voir Bérakhote 5a),
– de dire avant la prière le petit texte traditionnel de préparation intérieure, dénommé lé chém yi’houd,
– de maintenir cette conscience pendant la prière.
– de s’y entrainer en ayant constamment la représentation intérieure de la présence de D. devant soi
– pendant la journée comme il est dit chiviti Hachém lé négdi tamid.
– Source : www.modia.org