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Maîtriser son esprit – partie 2 – Jigmé Rinpoché

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Cette conférence comprend deux autres parties :
Maîtriser son esprit – partie 1
– Maîtriser son esprit – partie 3


LA SANGHA

Bouddha_enseignement.gifDans la prière du refuge, on parle du Bouddha, du dharma et de la sangha. La sangha est là pour aider les êtres à développer un regard et une écoute toujours plus attentifs. La sangha est l’assemblée des personnes qui ont une influence positive. La notion de sangha est importante, car rencontrer des amis spirituels à même de nous guider sur le chemin du dharma fait partie des circonstances temporaires qui nous permettent d’aller vers l’Eveil et d’accéder à la réalisation de notre nature de Bouddha. La sangha représente l’exemple et manifeste toutes les qualités des Bouddhas. Elle est donc l’influence positive qui nous aide à contrebalancer et à transformer les « trois poisons » qui sont source de tension et de souffrance. Il ne s’agit pas de rejeter les « poisons », ou de porter un jugement tel que « ceci est bon » ou « cela est mauvais » ; il s’agit de comprendre et de transformer. L’activité que nous développons avec la sangha nous aide à prendre conscience de tous nos actes et à voir la nature des « poisons ». En effet, ceux-ci ont un aspect qui est source de confusion, mais ils représentent également des qualités potentielles.

Les « trois poisons » sont le désir, la colère et l’ignorance. Ils sont la source de toutes les perturbations qui s’élèvent dans l’esprit. Grâce à la sangha, on prend conscience de leur présence, on voit quelle est leur action et ce vers quoi ils nous emportent, et on réalise également leur aspect positif. En effet, les deux aspects sont toujours présents : l’aspect de confusion et l’aspect de sagesse. C’est donc l’influence des amis spirituels qui nous permet de comprendre ce qu’est une action correcte, ce qu’est une parole juste, ce qu’est une pensée pure.

En ce qui concerne l’attitude à adopter, il ne s’agit pas de rejeter ou d’accepter les choses, mais d’avoir simplement conscience de ce qui s’élève dans l’esprit. Ne pas rejeter signifie ne pas vouloir écarter ce qui nous déplaît, ne pas accepter les choses de manière trop forte signifie ne pas s’impliquer outre mesure dans des situations, mais simplement regarder consciemment ce qui s’élève. Grâce à la sangha, on parvient à transformer les poisons et à développer les qualités présentes en nous.

Cinq qualités découlent du fait de côtoyer la sangha. Sangha ici fait référence à toutes les personnes qui sont autour de nous. Cela peut être très large. La sangha peut aller des amis spirituels, en passant par les personnes avec lesquelles on est associé, et s’étendre à tous les être humains, puis à tous les êtres sans exception, et recouvrir en fait tous les êtres dont on reçoit une influence. Le rapport à la sangha fait naître en nous cinq qualités :
– L’écoute : le fait de recevoir des enseignements et des instructions.
– La réflexion : une fois qu’on a entendu des enseignements, on réfléchit sur leur sens.
– La méditation ou la mise en pratique de ces enseignements après l’étape de la réflexion. La méditation permet à l’esprit de se stabiliser, et une fois cette stabilité acquise, les qualités propres à l’esprit se révèlent naturellement. Elle permet également une compréhension très large du résultat des actions que nous entreprenons.
– L’amour et la compassion sont les quatrième et cinquième qualités. C’est par la fréquentation de la sangha qu’on arrive à véritablement développer l’amour et la compassion. Si l’on porte un regard très attentif sur les êtres, l’amour s’élève naturellement. Si l’on porte un regard très pointu sur les circonstances et les conditions dans lesquelles se trouvent les êtres, une grande compassion se développe tout naturellement.

SAMSARA ET NIRVANA

Nous allons expliquer un peu plus ce qu’est le samsara, car c’est une notion très importante qu’il faut bien comprendre. On a trop souvent tendance à croire que le samsara est tout négatif et qu’il n’y a rien d’intéressant dedans. En fait, le samsara n’est ni positif ni négatif, car tout y est finalement possible. Le samsara est un cercle dans lequel nous tournons, et puisque nous sommes dans la confusion, nous restons à un niveau de non-compréhension, à un niveau complètement relatif et apparent des phénomènes. Nous sommes actuellement dans une vie humaine, ce qui signifie que nous sommes dans un univers et un état d’esprit correspondants au stade de l’être humain.

Tout cela, bien sûr, est voué au changement. Toutes les situations sont temporaires et sont des productions de notre esprit. Pour l’instant, du fait que nous sommes des êtres humains, nous sommes en quelque sorte liés à des concepts d’être humain. Et cette vie humaine est complètement temporaire du fait de l’impermanence. Une fois qu’elle sera achevée, on engendrera une autre vie qui portera un autre nom et qui se déroulera peut-être dans un contexte différent. Mais il s’agira toujours du même processus : celui de la naissance, de la vieillesse et de la mort. C’est cela qu’on appelle le cycle des existences. Il y a deux niveaux de perception et de compréhension, deux niveaux d’approche de la réalité : le niveau relatif et un niveau plus ultime. Au niveau relatif où nous sommes, nous percevons les choses comme ayant un certain degré de réalité, comme vraies. A un niveau plus absolu, nous percevrions ces mêmes choses comme complètement illusoires. Le samsara est donc l’état de notre esprit, il représente les concepts que nous élaborons par rapport à l’univers et qui sont liés à l’état humain. Cette conception, qui nous fait nous situer quelque part dans un état humain par rapport à l’univers, est reliée à marikpa ou l’ignorance, c’est-à-dire au fait de ne pas avoir un esprit suffisamment clair et lucide. Puisque nous sommes dans ce brouillard qu’est marikpa, nous sommes bercés d’illusions. Cela ne signifie pas que nous sommes complètement stupides, mais que nous n’avons pas conscience de l’aspect illusoire des choses.

Pour l’instant, nous sommes des êtres humains et nous vivons dans cette dimension illusoire d’être humain. Nous avons les qualités, la connaissance et les concepts des êtres humains. Tout cela est une illusion, celle d’être humain. Dans le samsara, il y a six royaumes différents dans lesquels peuvent se retrouver les êtres, chaque royaume possédant ses concepts, ses modes de fonctionnement, ses qualités, etc. Quand un être se trouve dans l’un d’eux, il est dans l’illusion correspondant à ce royaume ; il y est en quelque sorte enfermé, jusqu’à ce qu’il perçoive un sens plus profond de la réalité des choses. Il s’ouvre alors à un état d’esprit beaucoup plus large, et peut-être au nirvana. Le nirvana est un état d’esprit dans lequel on est passé au-delà des concepts liés à ces royaumes : on reconnaît le caractère illusoire de tous ces états, de tous ces modes de fonctionnement, de toutes ces connaissances relatives. Le nirvana représente l’aspect de sagesse qui se manifeste totalement et s’épanouit complètement. Cela ne signifie pas qu’on est séparé de ces états d’existence on est toujours lié à ces états, mais on en reconnaît le caractère temporaire et illusoire. Il s’agit donc d’un état d’esprit plus vaste, dans lequel se manifeste une compréhension approfondie du cycle des existences ; on comprend mieux quel est ce cercle à l’intérieur duquel nous nous trouvons, et grâce à cette sagesse, on perçoit de façon plus large les relations qui existent entre les vies successives.

Dans la mesure où l’esprit s’apaise dans la méditation, il se crée un espace, une lucidité, qui nous permet de voir véritablement ce qui nous anime, de voir quels sont le potentiel et les qualités de l’esprit. On les expérimente. Ce n’est pas une expérience bizarre dans laquelle se produisent des visions, etc. ; l’expérience est une compréhension directe et immédiate, intime, des qualités de sagesse. Pratiquer la méditation nous aide aussi à comprendre le samsara et les conditions dans lesquelles nous nous trouvons. Nous comprenons d’où proviennent ces conditions, car nous tournons notre esprit vers la loi du karma ou loi de l’action et du résultat infaillible – Lé Dré Lé en tibétain. Il résulte un fruit pour chaque action entreprise. C’est comme de semer une graine qui germera. Dans les conditions où nous nous trouvons, qui sont elles-mêmes le résultat d’actes passés, nous sommes complètement liés à cette loi infaillible. Et l’action qu’on entreprend maintenant entraîne également un résultat qui se manifestera dans le futur. Cette loi du karma est associée à l’aspect de sagesse et à l’ignorance. Si l’on agit en connaissance de cause, c’est l’aspect de sagesse qui se manifeste ; mais bien souvent nous agissons dans un état d’ignorance. Il est facile d’observer cela, de repérer quel est le comportement qui est correct et quelle manière d’agir nous fera aller dans le sens du progrès.

Le samsara .est donc un cercle à l’intérieur duquel nous errons. Ce cercle provient du fruit de nos actions et il est différent pour chaque personne. Par exemple, nous sommes des êtres humains, mais la vie de chacun d’entre nous est différente. Les perceptions et les circonstances diffèrent pour chacun, car le karma de chaque individu diffère. L’enseignement du Bouddha conseille de porter l’attention vers cette compréhension du karma et d’accroître tout ce qui est correct, tout ce qui va dans le sens véritable de l’épanouissement des qualités de Bouddha. Il faut tout particulièrement développer les actions correctes ; on entend par là toutes les actions qui ont un fruit positif. Il y a en effet deux types d’actions, que l’on appelle Dikpa et Guéoua en tibétain : celles dont le germe mûrit en produisant des actions nuisibles envers tous les êtres, et celles qui produisent un fruit bénéfique pour tous les êtres et pour nous-mêmes.

Ces trois mots : karma, action nuisible ou Dikpa, et action vertueuse ou Guéoua sont des termes généraux. Il faut voir ensuite les choses plus en détails, et comprendre qu’on adopte très facilement certains types de comportements alors que d’autres sont plus difficiles à suivre. Cela dépend des circonstances.

LA CONDUITE ETHIQUE

L’important est la prise de conscience de soi, des actions qu’on entreprend et de l’attitude de l’esprit. Les actions ne se situent pas seulement au niveau du corps. Ce sont également les paroles et les pensées. Ces trois types d’activités sont des actions dirigées de soi vers autrui ; il faut donc avoir présentes à l’esprit cette loi du karma et la notion d’acte bénéfique ou négatif. Pour cela, on développe la compréhension des conditions de ces actions, Tsultrim en tibétain. On acquiert la compréhension ce qui est véritablement nuisible ou néfaste et de ce qui est véritablement positif ou bénéfique. On traduit généralement Tsultrim par « éthique » ou par « morale ». Mais ces termes sont trop restrictifs. Tsultrim est une notion beaucoup plus large. Il ne s’agit pas simplement d’appliquer des règles, mais de comprendre en profondeur et donc d’accepter de s’engager dans ce qui est bénéfique et de se détourner de ce qui est négatif.

Tsultrim est une prise de conscience très large de l’action entreprise et de ce qui nous anime lorsqu’on agit. Il faut se souvenir des trois poisons – le désir, la colère et l’ignorance – présents dans l’esprit, qui nous poussent à réagir suivant les circonstances. Si on ne développe pas Tsultrim, on risque d’être emporté par des actions dont le résultat sera pénible pour tout le monde. Il faut donc essayer de développer Tsultrim, sans pour autant la figer dans des règles de discipline, mais en l’élargissant à une compréhension et à une acceptation.

Prenons l’action de tuer. Il est dit que tuer est un acte à proscrire, mais il faut savoir ce qui anime celui qui entreprend un tel acte. On peut tuer par désir, on peut tuer par colère, on peut tuer par ignorance. Il est très important de déterminer l’impulsion première. On peut tuer sans savoir que c’est mal de le faire ; on tue alors par ignorance. On ne se met pas à la place de l’autre car on est centré sur son propre point de vue, et on tue en se disant que cela n’a pas vraiment une grande importance. Certaines personnes, par exemple, prennent un grand plaisir à chasser. Ils n’éprouvent pas de haine ou de désir vis-à-vis des animaux qu’ils tuent, mais ils n’ont pas conscience de la loi du karma et ne savent pas qu’ils commettent une action nuisible qui engendrera des conditions adverses. On peut aussi tuer pas’ colère ou par haine. Quand quelqu’un nous dérange, il arrive, qu’on développe une forte colère et qu’on réagisse en supprimant l’obstacle qui se place devant nous, en l’occurrence en tuant. On peut enfin agir sous l’influence du désir: on a besoin ou envie de se procurer quelque chose, et on tue pour satisfaire ce besoin ou cette envie.

Il importe d’avoir conscience de ces trois poisons, parce qu’ils sont à la base de toutes les perturbations et de toutes les actions qu’on entreprend sous l’influence des émotions.

Quelles que soient les actions entreprises, il ne s’agit pas de dire : « à partir de maintenant, c’est terminé ! » et d’arrêter comme cela. Il est beaucoup plus important de comprendre et d’avoir conscience de ce qui se passe pour effectivement transformer les actions, les stopper ou les accroître.
Les actions se situent à trois niveaux : le corps, la parole et l’esprit. Elles sont toutes aussi importantes les unes que les autres. On peut évidemment » développer une action jusqu’au bout, c’est-à-dire qu’une pensée se traduit vers l’extérieur par l’intermédiaire de la parole et du corps, Mais il faut savoir que la simple action de la pensée est importante. On peut penser à quelque chose et en rester au niveau de l’esprit. S’il s’agit d’une pensée entachée de l’un des trois poisons, ce n’est pas bon car il en restera des traces ; il existe une certaine portée de l’action au niveau de l’esprit et, même si l’on ne va pas jusqu’aux actes, il y a quand même nuisance, ne serait-ce qu’au niveau de nous-mêmes et de notre esprit. On peut aussi créer beaucoup de causes par l’intermédiaire de la parole ; il faut donc être vigilant quant à son emploi. Et au niveau du corps, quand on agit, des résultats très divers peuvent survenir selon la motivation première.

Tsultrim est fondamentale. Il est nécessaire d’avoir conscience de ce qui se passe à tous les niveaux – esprit, parole et corps – et de réaliser dans quelles conditions nous nous trouvons, dans quelles conditions se trouvent les personnes qui sont en face de nous et quel résultat entraîne chacune de nos actions. Grâce à une telle prise de conscience, on agit en connaissance de cause et on peut dès lors dire qu’on a vraiment développé Tsultrim, la conduite éthique. S’il y a des actes à éviter absolument tels que tuer ou voler, etc., il y a aussi des actes où l’on a le choix, et il n’est pas toujours évident de savoir s’il faut agir comme ceci ou comme cela : nous sommes souvent confrontés au choix dans l’action alors que la situation n’est pas forcément évidente. C’est là qu’il est important d’avoir développé Tsultrim car c’est à nous de discriminer, d’observer et de savoir quelle est l’attitude correcte.
Le Bouddha a donné nombre d’enseignements sur les comportements corrects à adopter, ainsi que sur la loi du karma. Il faut ensuite voir comment nous pouvons nous en servir. C’est en effet à nous de savoir à quel niveau nous nous situons, quelles sont nos capacités, comment nous nous comportons, dans quel sens nous pouvons aller, enfin de voir la situation générale dans laquelle nous nous trouvons. Dès lors nous n’aurons pas d’idée préconçue sur ce qu’est un comportement correct et ne risquerons pas de devenir fanatiques ; au contraire, nous relativiserons les choses en nous rendant compte de ce que nous sommes capables de faire. Même si l’on n’aime pas accomplir telle ou telle action, on s’aperçoit que, de par les circonstances et la condition dans laquelle on se trouve, on est poussé à agir de telle ou telle manière, On se rend compte également qu’on a souvent tendance à agir dans tel sens sans vraiment savoir pourquoi ni comment. C’est donc un processus individuel, une compréhension intime et particulière qu’il faut développer à la lumière des enseignements du Bouddha, afin de reconnaître les comportements qui nous sont accessibles et ceux qu’il faut modifier. La motivation première est évidemment d’agir pour le mieux, mais chacun se situe à un niveau différent, avec des circonstances et des comportements différents. Agir pour le mieux revient à dire qu’on essaie d’accroître et de développer toutes les actions positives et d’abandonner tous les actes qui sont nuisibles non seulement pour les êtres autour de nous, mais aussi pour nous-mêmes.

Nous avons parlé de la sangha précédemment. Le sens de notre vie est souvent influencé par ceux qui nous entourent. Du fait de notre état d’ignorance, nous ne savons pas toujours quelles ont les actions vertueuses vers lesquelles il faut tendre ni quel sens donner à notre vie. Si nous avions dépassé ce stade d’ignorance, nous aurions l’esprit très clair et saurions toujours quelle est l’action correcte. Comme ce n’est pas le cas, nous nous laissons influencer par les personnes qui nous entourent, et si quelque chose nous semble bien nous sommes tentés d’aller dans cette direction. C’est pourquoi il est très important de s’en remettre à l’influence d’une sangha possédant de vraies qualités positives et reliée à Tsultrim.

II y a quatre ans, un ami m’a accompagné à l’aéroport de New-York. Quelques instants après mon embarquement, je fus rejoint par cet ami qui venait me dire au revoir. Fort étonné, car il n’est pas permis normalement de monter dans l’avion sans billet, je lui demandai comment il avait fait pour venir jusque-là. II me répondit ; « J’ai utilisé un moyen très simple. Je me suis présenté au service d’immigration en demandant à passer ; on m’a demandé pourquoi et j’ai dit que je devais prendre soin de personnes qui allaient prendre l’avion. La personne du service d’immigration a refusé, expliquant que cela est interdit. Je lui ai répondu que c’était très ennuyeux car, ces personnes étant célèbres, on ne pouvait pas les laisser comme cela. L’officier me demanda qui étaient ces personnes; Je lui dis alors : « Comment Vous ne lisez donc pas les journaux ? Ils parlent tous de leur venue ! » et cet homme, de peur de paraître stupide, m’a laissé passer. » (Lama Jigméla précise qu’il n’avait pas du tout fait la une des journaux !) Cet ami avait trouvé un moyen habile pour obtenir ce qu’il voulait, mais un moyen basé sur la tromperie et utilisant la naïveté de l’interlocuteur. En regardant les choses, on se dit d’abord que cet ami est quelqu’un d’assez génial, et on aurait tendance à souhaiter être comme lui. C’est là où il faut être très vigilant et avoir présente à l’esprit cette notion de Tsultrim., En regardant l’histoire en détails, on voit qu’il s’agit d’une tromperie associée au mensonge et à l’exploitation de la naïveté des autres. Ce n’est donc pas une action correcte. Il faut développer Tsultrim, la vision de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas, sinon nous risquons de nous laisser fasciner par des actions qui au premier regard semblent très bien, alors qu’elles sont sous l’influence d’un poison, en l’occurrence ici l’utilisation des autres. A priori ce n’est pas très grave, mais cela laisse des empreintes dans l’esprit, qui deviennent de plus en plus profondes et ne sont pas tournées vers le respect et le bienfait d’autrui.

Le développement de l’Amour et de la compassion permet de comprendre vraiment ce qu’est Tsultrim et pourquoi il est nécessaire de rencontrer une sangha qui possède des qualités véritables. Sans l’amour et la compassion, on ne développe pas une attention et une vigilance suffisantes pour être certain de se comporter à chaque instant de façon correcte. Sans l’amour et la compassion, on est obnubilé par soi-même, et lorsqu’on voit que quelque chose nous est profitable et nous fait plaisir, on ne se pose pas trop de questions et on persévère dans ce sens. L’amour n’est pas le fruit d’un désir et ne se limite à une ou deux personnes, ou à un environnement quelconque. L’amour est un sentiment beaucoup plus large qui s’étend à tous les êtres sans exception. Quand on voit un chien, on le trouve peut-être gentil, mais on n’éprouve pas forcément pour lui ce sentiment profond qu’est l’amour véritable. Celui-ci ne s’élève qu’à partir du moment où l’on est conscient des conditions dans lesquelles se trouve le chien, de ses nécessités et du contexte où il vit. Quand on voit un lapin dans un champ, on le trouve sans doute mignon mais, encore une fois, on reste à la surface et ce n’est pas de l’amour qu’on éprouve mais simplement un petit regard sympathique en passant, car on ne voit pas les conditions de vie de l’animal.

Nous n’aimons pas trop nous poser des questions désagréables, ni penser aux peurs qui habitent les êtres, comme d’avoir à endurer des conditions difficiles, par exemple le froid, etc. Nous préférons penser à notre environnement douillet et calme. Notre amour est donc limité. Pour étendre l’amour et la compassion, il faut regarder les conditions dans lesquelles sont placés les êtres, et leurs besoins : il faut se mettre à leur place. On s’aperçoit finalement qu’ils ont des conditions de vie difficiles et que leurs sensations et leurs aspirations sont identiques aux nôtres. Un véritable amour et une compassion authentique s’élèvent alors, s’étendant à tous, et l’action qu’on entreprend est dès lors beaucoup plus large. Sans une telle démarche, on s’enferme dans un amour limité à un territoire connu. Ce n’est pas vraiment de l’amour ; au contraire, cela renforce la distinction entre ce qu’on aime et ce qu’on n’aime pas. On aboutit ainsi à une sorte de jugement sans attitude vraiment équanime.

C’est possible de comprendre ce qu’est l’amour ou la compassion, et ne pas être à même de les mettre en pratique. Il y a effectivement des choses qui sont difficiles à faire. C’est l’entraînement de l’esprit qui nous permet de nous développer et d’aller davantage dans le sens de l’amour et de la compassion ; on crée des habitudes, et au fur et à mesure qu’elles s’ancrent dans l’esprit, on devient capable d’agir dans le sens de l’amour et de la compassion. Ces habitudes permettent à l’esprit d’accepter des situations et des types d’actions et de comportements qui, au départ, semblaient éloignés de nous-mêmes ou que nous n’avions pas envie d’accepter.

Lorsqu’on développe cette compréhension et qu’on agit dans le sens de l’amour et de la compassion, on comprend la nécessité et la réalité des rituels de purification. On ne prie pas pour s’établir sur son petit nuage de paix et de sérénité. Le but de la prière est beaucoup plus large ; il s’agit d’apporter un soulagement et un bienfait à tous les êtres. Il est certain qu’on agit parfois de façon erronée et qu’il nous est difficile d’éviter que nos comportements aient des conséquences fâcheuses pour autrui. En voiture par exemple, on écrase et tue beaucoup d’insectes, ce qui n’est pas vraiment une action altruiste ! Pourtant on n’y peut rien, il faut bien se déplacer. Si l’on n’a pas les moyens d’éviter ce type d’action, on peut par contre prendre conscience de cet état de fait et développer des souhaits pour que l’action entreprise soit la plus légère possible et que les êtres tués par notre action prennent une renaissance plus facile. Cette prise de conscience est bénéfique et profitable pour les êtres et pour nous-mêmes. Si l’on rencontre un animal qui souffre, on ne peut pas toujours faire quelque chose, mais il est bon de développer une attention et de donner des souhaits pour que cet animal puisse vraiment sortir du cycle de la souffrance et évoluer dans le sens de l’Eveil. C’est pour cette raison qu’existent les rituels de purification, c’est la raison même des poudjas : on les effectue afin de pouvoir accomplir des actions et formuler des souhaits plus profitables et plus puissants pour tous les êtres.

LA POSTURE DE MEDITATION

II existe une posture pour méditer. Il ne s’agit pas d’une obligation mais d’une aide, et il ne faut donc pas qu’elle devienne un obstacle. Si l’on n’a pas la possibilité physique de l’adopter, ce n’est pas un problème. Dans la méditation, on essaie de stabiliser l’esprit; or l’esprit a des qualités inhérentes à lui-même, et que l’on soit dans n’importe quelle posture, de toutes façons ces qualités sont là. La posture est simplement une méthode qui aide à apaiser l’esprit. Il est bien d’essayer de l’adopter le plus possible, mais cela doit se faire dans la détente, sans que nous soyons obnubilés par la posture idéale.
Avoir une position correcte du corps est d’un grand bienfait pour l’esprit dans la mesure où corps et esprit sont étroitement liés. Si le corps est centré dans une attitude correcte, cela permet d’avoir un esprit stabilisé et non perturbé. La posture conseillée de méditation est la suivante : avoir le corps droit, être assis autant que possible en lotus ou les jambes croisées, sinon sur une chaise. L’important est que le corps soit bien droit, car si l’on est tordu, des nœuds se forment dans les canaux d’énergie. Quand les énergies circulent librement dans le corps, il n’y a plus de tensions, et au niveau de l’esprit il n’y a plus d’obstacles. Lorsque le corps est droit, la circulation des énergies devient aisée, l’esprit s’apaise, et toutes les émotions perturbatrices provenant des difficultés de circulation disparaissent.

Cette conférence comprend deux autres parties :
Maîtriser son esprit – partie 1
Maîtriser son esprit – partie 3

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