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vén. Shinjin — Une Vacuité vraiment pleine de vide !

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sun-set-dscn0689.jpgJamais le domaine spirituel ne s’est trouvé aussi « encombré » qu’en ce début de millénaire, pareil qu’il est aux périphériques engorgés et débordants, d’un vendredi soir de week-end prolongé.

Dans un désordre indescriptible, on trouve sur la droite les religions monothéistes, sur la gauche celles polythéistes, animistes et similaires, au centre, les spiritualités asiatiques et la Voie du Milieu; planant au dessus, comme un épais smog, le Nouvel Âge et une foultitude de mouvements anciens et récents du même acabit.

Tous sont farouchement décidés de parvenir à l’unique destination: le bonheur de l’espèce humaine. Pêle-mêle, des « deuche » au carburateur et à l’allumage « récalcitrons », des « old Timers » toussotants à friser l’apoplexie, des épaves refusées à l’argus jouxtent avec des mercedes « déteuton-nantes », des ferraris rutilantes, des rolls flegmatiquement anglo-saxonnes, des prototypes batmanesques ou madmaxiens plus cybernétiquement futuristes les uns que les autres. Parmi toute cette cohue fantasmagori-quement hétéroclite, on peut distinguer avec beaucoup de « vue pénétrante », de çà de là, un « roller » ou un « bicycliste » égaré dans cette jungle hétéro-speed « .

Confortablement installé entre les écouteurs de son « home baladeur » tonitruant de la techno ou du hard rock, distillant du classique ou submergeant de « sirop synthétique », il se fraie, à ses risques et périls, une trajectoire hasardeuse et périlleuse; isolé, qu’il est dans son cocon, illusoire protecteur, des dangers extérieurs qui le guettent à chaque enjambée, à chaque tour de braquet. A tout moment, il peut être happé par un de ces bolides sectaires et totalement irrespectueux de son individualité, le détournant peu ou prou de sa voie initiale.

Face à une Église qui s’ankylose dans sa structure hiérarchique notablement contestée, de par son inefficacité flagrante à concrétiser des solutions aux problèmes actuels humainement poignants, qui s’étiole aussi de par son incapacité totale à tenir un discours nouveau, empêtrée qu’elle se complaît à être dans ses contradictions notoires, face aussi à la tentation des sectes de tout bord qui pullulent au gré de la détresse « demanderesse d’intérêt et de dignité » (sectes qui enfoncent souvent plus qu’elles n’élèvent), face aux innombrables illusions véhiculées par des mouvements « régénérateurs » et « libertaires », on ne peut que crier « Halte là, ça déborde! ». Faire le grand vide autour de soi façon Hiroshima, ce n’est pas la solution, fuir dans le désert ou partir sur une île déserte, c’est des pis-aller, mais, alors diantre que faire dans cette « galère » !

RAM-ez, comme le dirait la mémoire de votre ordinateur. Mais, au fait cette mémoire vive, comment fonctionne-t-elle? Prenons un exemple: dans la jungle consumératrice du multimédia, vous n’êtes pas sans avoir quelques notions : on vous propose à hue et à dia Pentiums, Dual-core, Athlon, Giga et Téra-bytes, après IDE (et non des idées) rarement encore SCSI, maintenant SATA, USB2, ADSL, VDSL, et tutti quanti des plus performants.

Vous êtes un ordinateur incomparablement sophistiqué, un de ceux qu’il est et sera impossible de reproduire tant il est complexe et immédiat. Dans cet ordinateur, vous avez cette mémoire RAM. La mémoire elle se calcule désormais en Gb (j’ai commencé en 1983 avec 16 K !! on n’arrête pas le progrès). Celle-ci se divise en plusieurs registres, dont un inamovible occupé par le système machine, le BIOS (et non Bio, comme dirait l’écolo!). L’important est de l’avoir dans cette RAM pour que l’ordinateur puisse fonctionner. L’autre grand registre, plein de vide, est consacré au système d’exploitation (Windows ou Linux) plus tous les programmes auxquels vous allez faire appel et que vous introduirez au fur et à mesure dans cet espace afin d’éviter de solliciter continuellement votre disque dur.

Donc, sur une RAM de 1 Gb – Gb= 1 Mia de bytes – (ce qui, actuellement, se fait de plus courant) on aura, grosso modo, un 300 Mb fixes pour le système d’exploitation, et 650 Mb de libres pour la bureautique, l’archivage encyclopédique de Notes de lectures (plus de 3’500 !!), la confection et mise en page de Sâdhanâ, le calcul budgétaire, etc. Puis viendra un No de téléphone inconnu pour lequel on fera jouer l’annuaire électronique, une commande pour un livre de la bibliothèque et on sollicitera encore cette RAM en introduisant le programme ad hoc.

Le stress venant, on aura envie de se défouler avec un Pac-man, un billard, un pinball, un casse-brique, un circuit/rallye moto ou auto, un Tomb Raider 4 ou 5, un Hard Devil’s Wing à défaut de bataille navale et de pendu ! Remarquable n’est-il pas de pouvoir « rentrer » tout cela dans la RAM ? Enfin, la journée de labeur terminée, on éteint votre « ordi », parfois avec soulagement, parfois à regret. Mais, ô prodige, le lendemain, lorsque on le rallumera, on aura toujours, les 300 Mb inéluctablement occupés par le système d’exploitation et les 650 Mb libres, frais émoulus, disponibles pour accomplir ses travaux de la journée, Mb qui en eux-mêmes ne servent à rien s’ils ne sont pas utilisés.

Dans le De Dao Djing, une image similaire à cette vacuité-disponibilité nous est donnée : « Trente rayons convergents réunis au moyeu forment une roue, mais c’est son vide central qui permet l’utilisation du char. Les vases sont faits d’argile ; mais c’est grâce à leur vide que l’on peut s’en servir. » (stance XI)

Donc, cette RAM, à l’image du vide central du moyeu, est un peu semblable à ce que nous devrions être : à savoir vide, disponible et utile à notre fonctionnement, RAM impermanente puisque sans cesse remise à zéro, puisque sans cesse réutilisée. La vacuité est en fait fonction de notre capacité à nous renouveler, rappelez-vous cette fameuse tasse de thé. Si nous sommes déjà pleins comment recevoir ?

Si nous ne faisons pas abstraction totale de nos a-priori, de nos jugements à l’emporte-pièce, comment réellement « voir » et « comprendre correcte-ment » ? Donc cette vacuité est la condition préliminaire indispensable à toute démarche « consciente ». C’est ce que le Me Jésus appelait « renaître à vous-même », « devenir semblables aux petits enfants ». La vacuité est ce renouvellement incessant dans l’impermanence, dans l’éradication de nos attachements, dans l’abolition de notre ego par rapport au Tout.

La Vacuité est comparable au fait d’enlever les œillères à un cheval de labour, focalisé qu’il est sur son sempiternel sillon ; que connaît-il de l’ensemble du champ hormis ce sillon, que connaît-il de son activité sinon le labeur qui lui permettre d’exister comme tel ? Voir les choses en leur nature propre dans leur ensemble interdépendant, ce dans l’attitude disponible du laisser-venir et du lâcher-prise, telle peut être la Vacuité. D’autres écoles, vous parlerons de l’être et du non-être, embrouillant encore un peu plus notre com- et préhension de cette vacuité.

Encore un petit exemple : pour certains travaux de reproduction de documents anciens et froissés, on utilise une « pompe à vide », à savoir un parallélépipède rectangle solide composé d’une vitre et d’un cadre métallique contenant une membrane en caoutchouc. On introduit le document à reproduire dans son état latent et conditionné par les ans, puis on met en marche la pompe. Celle-ci a pour but, en faisant gonfler la membrane de caoutchouc afin d’éliminer tous les vides insidieux, d’assurer une planéité optimale à ce document froissé et vieillot, ce qui fait que sur la « repro », il est d’une réalité saisissante par son renouveau. C’est peut-être parce qu’il a collé à la vitre de notre appareil, sous l’effet du vide, que la restitution de la réalité a été si probante. Alors, en adhérant de tout notre être à la Vacuité, nous pourrons retrouver la Réalité. CQFD !


vén. Shinjin pour www.bouddha.ch

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