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Bernard Anton — Les Religions sont-elles vertes ?

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Les religions sont-elles vertes ?


En ces temps de crise environnementale où différents rapports d’experts, incluant chimistes, biologistes, climatologues, météorologues, océanologues, glaciologues, expliquent les raisons mécaniques du réchauffement global, où économistes et politiciens tentent de pallier tant bien que mal cette problématique, qu’est-ce que les religions ont à dire à l’écologique ?

Très rares les articles publiés dans les médias qui relatent la pensée environnementale des principales croyances. En effet, qu’est-ce que la révélation ou la foi a à faire dans cette machine climatique qui agit selon des lois physiques?

Essayons d’effectuer, sans parti pris confessionnel, une recherche objective en la matière pour vérifier si l’environnement fait partie intégrante du discours de plusieurs religions. Conçoivent-elles la Terre comme un objet profane?

Jesus, the Shepherd
Jesus, the Shepherd
La religion judéo-chrétienne considère l’être humain comme gardien et non dominateur de la création (malgré la polémique qui a tourné autour de ce sujet). La nature, souvent personnifiée dans la Bible, est vivante et agissante. Une éthique environnementale prescrit, chaque sept ans, une année sabbatique autant pour le sol que pour les êtres humains et les animaux. Ces derniers, créés et bénis par Dieu, selon le récit de la Genèse, méritent le respect. « Le juste prend soin de la vie de ses bêtes » stipule le livre des Proverbes (12, 10).

Jésus était vert. Il a vécu en contact permanent avec les éléments de la nature. Il s’en est servi pour alimenter ses paraboles. Il était sensible aux conditions météorologiques et climatiques de son époque. Il a calmé les flots de la mer et les vents. Il a intégré plus d’une quarantaine de fois l’exemple des animaux à la transmission de son enseignement théologique. Il a invité ses auditeurs à vivre éveillés, libérés et renouvelés, en harmonie avec tous les éléments de la création. Paul de Tarse préconise un Christ cosmique dont la création entière fait partie.

La religion juive a institué plusieurs fêtes liturgiques en lien avec la préservation de la nature comme la « Tou Bichbat » (Nouvel An des arbres) durant laquelle un arbre est planté en action de grâce pour la beauté de la nature et le cadeau de la vie. La nature y est considérée comme un interlocuteur qui renvoie l’être humain à Dieu.

La religion musulmane considère la création comme un chef-d’œuvre de beauté à respecter et à préserver. Le Coran enseigne que l’être humain en qui est insufflé l’esprit de Dieu (32,9) est le «lieutenant de Dieu sur la Terre» (2,30), son «vicaire», le «prolongateur de sa création», le «locataire de la Terre» (7,10). La Terre ne lui a été que concédée. Elle est son «lit» (2,22), son «berceau» (78,6; 20,53). Mahomet enseignait : «Le monde est vert et beau, et Dieu t’en a confié la garde», aussi «Celui qui plante un arbre et en prend soin jusqu’à ce qu’il grandisse et porte du fruit sera récompensé.»

L’hindouisme respecte toutes les créatures végétales et animales. Selon les Védas, la vie devient douce pour celui qui vit en accord avec la loi du cosmos. L’écart de cette loi (Dharma) entraîne un désordre universel. Un proverbe hindou stipule : « La Terre est notre Mère, nous sommes tous ses enfants. » Les Sikhs s’abstiennent de viande par respect pour Atman (le souffle divin) qui réside dans la vie animale, d’où leur forte tendance au végétarisme.

buddha_elephant-s.jpgLe bouddhisme est essentiellement écologique et prône une attitude absolument respectueuse de toutes les formes de vie: arbres, animaux, êtres vivants. Il se situe aux antipodes de ceux qui font de l’être humain un possesseur et un exploiteur de la Terre. Un des vœux du Bodhisattva est de libérer tous les êtres y compris ceux inanimés. Selon la théorie de l’interdépendance, les conséquences de l’agir humain se répercutent sur ceux qui l’entourent et sur l’ensemble de l’environnement. Le Dalaï-Lama stipule : «Fondamentalement, chaque individu est responsable du bien-être de l’humanité et de la Terre parce que la Terre est notre seule demeure.»

La spiritualité baha’ie, qui se veut la réunion de toutes les religions, enseigne à son tour l’interdépendance entre l’être humain et son environnement. L’un ne peut être séparé de l’autre. L’un influence, détermine, «façonne» l’autre. La nature reflète la présence, le mystère et les attributs du divin. Ce mouvement croit que tous les êtres humains sont «consubstantiels au monde», unis organiquement entre eux et les règnes minéral, végétal et animal.

Les premières civilisations, comme celles des Aztèques, des Mayas, des Incas ou des Kogis de la Colombie représentaient la Terre comme déesse vivante qu’elles considéraient comme leur Mère secourable, féconde, mais aussi dispensatrice de mort. Elles vivaient en harmonie avec la nature, vénéraient le soleil, lui reconnaissaient des pouvoirs. Les Égyptiens, de leur côté, estimaient que les animaux étaient des messagers des dieux, donc munis d’une âme immortelle. Pour les anciennes tribus d’Amazonie, pour les Esquimaux et pour les Inuits de Sibérie, la création ressemble un livre sacré dont il faut savoir interpréter les signes. Ils ne peuvent nullement envisager la destruction ou la dégradation de l’environnement.

Les animistes reconnaissent dans les éléments de la nature des esprits vivants et des forces cosmiques avec lesquels ils rentrent en dialogue et établissent un pacte comme celui entre des parties et un Tout.

Ma Mère est la TerreMon Père est le SoleilMes frères sont les animaux
Ma Mère est la TerreMon Père est le SoleilMes frères sont les animaux
Les Amérindiens vivent très proches de la nature. Ils l’appellent également «Notre Sainte Mère la Terre» (proverbe winnebago). Les êtres humains, «enfantés» par la Terre, en constituent une part qu’ils ne peuvent oublier et de laquelle ils ne peuvent se voir séparés. Pour eux, le corps est plus qu’une enveloppe. Il trouve dans l’air, dans l’eau et dans les autres éléments de la nature sa propre extension. Il fait partie de la grande famille de la nature.

Le court survol de ces différentes croyances ne permet-il pas de considérer la Terre sacrée, confiée, partenaire de l’être humain? Un tel regard spirituel sur la nature ne semble-t-il pas prôner sa protection et sa préservation? Le discours de ces sagesses ancestrales (qui se ressemblent malgré les différences) éclairerait peut-être les consciences de ceux et celles qui veulent bien les accueillir en vue d’une conduite écologique sociétale responsable.

Même les athées, dignement représentés par James Lovelock (médecin et ex-conseiller à la NASA) qui a relancé la théorie de la Terre-Gaïa (validée scientifiquement), estiment que notre planète est un organisme vivant qui s’autorégule. Cette lecture biogéochimique séduit les «earth based religions» (religions terrestres, sans aucun renvoi à l’au-delà), les adeptes du Nouvel Âge et les néo-païens. Ils conservent une noble attitude respectueuse envers l’environnement.

En ce troisième millénaire, entamé avec une sombre crise écologique à l’horizon, serions-nous prêts à réviser notre être-au-monde et notre relation avec la nature de laquelle nous dépendons? La source de la vraie crise ne serait-elle pas plutôt intérieure et spirituelle à cause de notre manque de respect et éloignement des limites de la nature? Ne serait-ce pas le reflet de ce qui se passe en dedans de nous?

La nature n’est pas présentée, par aucune de ces religions ni par les athées, comme un simple decorum ni comme une mine de ressources à exploiter sans mesure. Pourquoi alors persister à la chosifier depuis un certain temps?


Bernard Anton, Ph. D.

Auteur de Plaidoyer pour la Terre et les Vivants

De Bernard Anton :

Nous, écocitoyens du XXIe siècle !


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