Cet article provient de la revue Religions & Histoire.
Buddhachannel vous recommande vivement cette très belle revue, toujours plus intéressante à chaque numéro !
Au sommaire de ce numéro de mars-avril 2009 retrouvez :
– un dossier spécial sur Jeanne d’Arc face à l’histoire
– La religion du premier romantisme allemand
– le diable dans les Religions monothéistes
– et toujours les bonnes adresses des expositions, conférences , manifestations, ainsi que des recommandations d’ouvrages.
Nous vous conseillons également le numéro 8 sur le Bouddhisme ancien .
Retrouvez dans ce très beau numéro un dossier spécial : Le Bouddhisme ancien sur le chemin de l’éveil
Religions & Histoire
BOUDDHISME
Fiche 13a
PERSONNAGES
Le 14e dalaï-lama Tenzin Gyatso
Les Tibétains l’appellent Kundun (“Présence”).
Il est plus connu sous le nom de dalaï-lama, un titre honorifique mongol datant du XVIe siècle, repris ensuite par les Manchous et qui signifie “océan de sagesse”. Car Tenzin Gyatso, le 14e (et actuel) dalaï-lama est, comme ses prédécesseurs, avant tout un guide spirituel, un moine reconnaissable à son
crâne tondu et à son éternelle robe safran et pourpre. Mais ce maître éminent du bouddhisme tibétain est aussi chef d’État, depuis que le pouvoir spirituel et le pouvoir temporel ont fusionné en 1642 pour devenir le fondement de la théocratie tibétaine. Le conflit avec la Chine, ouvert en 1950, et l’exil du dalaï-lama qui s’en est suivi ont cependant obligé à une redéfinition de cette institution vieille de cinq siècles, conférant à l’actuel dalaï-lama une stature particulière.
De la reconnaissance à l’exil
Né en 1935, Tenzin Gyatso – de son nom de naissance Lhamo Dhondrub – avait à peine trois ans quand il fut reconnu comme le nouveau dalaï-lama, 14e d’une lignée de réincarnations émanant du bodhisattva de la compassion Chenrezig (nom tibétain d’Avaloki teshvara) – un de ces êtres de compassion qui, dans son extrême bonté, se refuse à devenir un bouddha, un Éveillé, pour demeurer parmi les hommes et les aider à atteindre cet Éveil, but ultime du bouddhisme.
Différents signes orientèrent les recherches vers la région de l’Amdo, dans le nord-est du Tibet, puis vers le monastère de Kumbum et, non loin de là, vers la maison où vivait la famille de Lhamo Dhondrub : la tête du 13e dalaï-lama, mort et embaumé en 1933, pointait dans cette direction, et le régent qui gouvernait alors le Tibet avait eu une vision dans les eaux sacrées du lac de Lhamo-Latso. Une fois la maison trouvée, il ne restait plus qu’à soumettre l’enfant à un test de reconnaissance d’objets ayant appartenu au 13e dalaï-lama.
Conduit à Lhassa, Tenzin Gyatso est intronisé chef spirituel des Tibétains en 1940 et devient moine novice de l’école Gelugpa, dite des “bonnets jaunes”, l’une des quatre écoles du bouddhisme tibétain. Dès l’âge de six ans, il apprend la grammaire, la logique, les arts et techniques, la médecine et la philosophie bouddhiste ou “enseignement intérieur”, s’entraîne à la mémorisation, aux débats et à la méditation – piliers de l’éducation monastique – et poursuit jusqu’au doctorat : c’est en 1959, au temple de Jokhangson, lors du festival annuel de Monlam (grande prière), qu’il passe son examen final de doctorat de philosophie et de pratique rituelle bouddhiste.
Quelques années plus tôt, en 1950, il avait reçu, en plus du pouvoir spirituel, le pouvoir temporel alors qu’il avait tout juste quinze ans. L’oracle de Nechung avait poussé à cette décision, prise dans un contexte de troubles croissants : quelques mois après la proclamation de la République populaire de Chine le 1er octobre 1949, les troupes de Mao Zedong multipliaient les incursions en territoire tibétain dans le but de “libérer“ le pays.
Il y a tout juste cinquante ans, le 31 mars 1959, le dalaï-lama, voyant sa vie menacée, quitte le palais du Potala déguisé en soldat et, à travers l’Himalaya, rejoint l’Inde, où le Premier ministre Nehru lui offre l’asile politique.
Il s’installe à Dharamsala, dans le nord-ouest du pays.
Défenseur de la cause tibétaine
Le dalaï-lama n’a eu de cesse, depuis lors, de défendre la cause du Tibet face à la Chine, en portant l’affaire devant l’ONU dès 1961, en multipliant les rencontres avec les chefs d’État étrangers et en recherchant le dialogue avec Pékin. Le successeur de Mao, Deng Xiaoping, avait annoncé à son arrivée au pouvoir en 1979 qu’en dehors de l’indépendance, tout était discutable : le dalaïlama a donc opté pour une “voie médiane”, celle de l’autonomie réelle au sein de la République populaire de Chine, et pour la non-violence – un principe qui n’est pas sans rappeler les idées de Gandhi. Cette orientation en faveur du dialogue, de la démocratie, du respect des droits de l’homme vaudra au dalaï-lama une reconnaissance internationale : de très nombreuses récompenses lui ont été décernées, notamment le prix Nobel de la paix (1989) et la médaille d’or du Congrès américain (2007).
Malgré l’ouverture, en 2002, de négociations entre des émissaires du dalaï-lama et des représentants du gouvernement chinois, les discussions n’ont toujours pas abouti. Ce qui conduit à des contestations de la politique de conciliation choisie par Tenzin Gyatso : tout en reprenant les thèses du dalaï-lama, la déclaration finale du Congrès tibétain réuni en novembre 2008 à Dharamsala évoque pour la première fois la possibilité de passer à une revendication d’indépendance si la Chine continue à faire la sourde oreille.
Au-delà de sa dimension politique, la défense de la cause tibétaine a aussi un aspect culturel et religieux. La politique de répression menée par la Chine au Tibet fait peser de lourdes menaces sur la culture et l’identité tibétaines. Les préserver est une nouvelle responsabilité temporelle pour le dalaï-lama, qui a eu le souci de reconstituer en Inde les grandes institutions monastiques tibétaines. L’Institut de danses et de chants tibétains ou encore celui de médecine et d’astrologie ont également été créés pour éviter que les traditions ne se perdent.
Mais le dalaï-lama conserve aussi son rôle de chef spirituel. Non seulement il infléchit les pratiques religieuses des Tibétains – il a ainsi décidé que les grandes fêtes à Lhassa seraient végétariennes pour se conformer à l’idéal bouddhiste de ne pas vivre de la souffrance des êtres ; il a condamné, en janvier 2008, le culte rendu à une déité bouddhiste, Dordjé Shougdèn, par une minorité tibétaine qu’il soupçonnait de sectarisme –, mais il cherche aussi à faire connaître la philosophie bouddhiste à travers de nombreuses conférences et les quelque soixante-dix ouvrages qu’il a écrits.
La question de sa succession
Par ce rôle à la fois politique, culturel et religieux, le dalaï-lama contribue très largement à la cohésion du peuple tibétain en partie exilé. Or, il a aujourd’hui soixante-treize ans. Que se passera-t-il le jour où il viendra à disparaître ? La question a été soulevée à plusieurs reprises par le dalaï-lama lui-même.
Car le procédé de réincarnation impose une vacance d’une vingtaine d’années, le temps que le successeur soit en âge d’assumer ses fonctions, ce qui induit une période de fragilité pour le pouvoir ; le risque serait que la Chine cherche à profiter de la situation pour imposer un dalaï-lama fantoche.
Les circonstances imposent-elles une révision du mode de désignation ? Faut-il élire le nouveau dalaï-lama par un collège de grands lamas, sur le modèle de l’élection papale ? Le dalaï-lama doit-il reconnaître sa réincarnation de son vivant – on parle alors de reconnaissance madhé tulkou ? Le 17e Karmapa, chef de l’ordre des Karma-Kagyu à qui revenait historiquement le rôle de chef du Tibet avant qu’il ne passe à celui des Gelugpa, pourrait être ce successeur. À moins que les réincarnations ne s’arrêtent, dans la mesure où, dans les circonstances actuelles, la fonction n’a plus le même rôle à jouer. La démocratisation mise en place progressivement depuis les années 1960 (élection des députés du peuple tibétain, puis, en 2001, élection du Premier ministre au suffrage universel direct et rédaction d’une constitution pour le futur Tibet) peut être interprétée comme une volonté du dalaï-lama de créer un nouveau facteur de cohésion politique destiné à remplacer sa propre personne. Mais sa fonction de chef spirituel, elle, reste irremplaçable.
Alice Tillier
pour Religions & Histoire
Pour aller plus loin VAN GRASDORFF G., Le dalaï-lama. La biographie non autorisée, Paris, Plon, 2003. VERNIER-PALLIEZ C., Dalaï-lama. Images d’une vie, Paris, Hoëbeke, 2008. VON BRÜCK M., Le dalaï-lama. Du Tibet à l’exil, Paris, La Martinière, 2005. WANG-TOUTAIN F., Le dalaï-lama, Paris, Médicis-Entrelacs, 2007. |
RETENIR L’ESSENTIEL Né en 1935, l’actuel dalaï-lama est, comme ses treize prédécesseurs, le chef spirituel du bouddhisme tibétain, ainsi que le détenteur du pouvoir temporel sur ce pays. Exilé depuis 1959 en Inde, il n’a eu de cesse de défendre la cause de son peuple sur la scène internationale. Ce long exil politique pourrait avoir des conséquences sur l’institution du dalaï-lama : la question de la succession de Tenzin Gyatso est problématique et pourrait ne pas se faire selon la tradition. |
RELIGIONS & HISTOIRE
LES RELIGIONS DANS L’HISTOIRE DES PEUPLES
Il existe toujours dans les rapports de l’homme à la nature et des hommes entre eux quelque chose qui relève de la transcendance. C’est le domaine de la religion au sens large, englobant les croyances, les mythes, les spiritualités et les religions dans l’acception exacte du mot qui implique l’intervention divine et une pratique codifiée par des textes.
Récemment, le gouvernement a décidé que l’histoire des religions serait inscrite dans les programmes scolaires. Cette décision prouve a contrario qu’on enseigne actuellement l’Histoire sans les religions.
Dans le monde contemporain, la religion, associée au pouvoir, ou s’opposant à lui, ou le mettant dans l’embarras, nous montre que l’histoire des peuples ne peut se séparer d’elle. Cela invite à un retour vers la connaissance des religions.
Les religions telles qu’elles se présentent dans l’Histoire
Pour autant, peut-on bâtir une histoire des religions ? Chaque religion – au sens large – avec son fondement mythique, doctrinal ou prophétique est un univers en soi, si bien qu’on n’observe entre les religions ni enchaînement, ni trame commune.
Il n’y a pas une histoire des religions. Il y a des religions dans l’Histoire.
Religions & Histoire est consacrée à la découverte des religions telles qu’elles se présentent dans l’Histoire.
Cette nouvelle revue n’a pour objet ni la religion subjectivement vécue, ni l’insertion de la religion dans le monde contemporain, mais la religion objet d’observation et de connaissance.
Un domaine d’informations d’une prodigieuse richesse
La religion étant une composante de l’Histoire, son étude suit la méthode historique basée sur le recensement de faits avérés et l’établissement d’une chronologie. Par une impropriété de langage commune à toutes les disciplines historiques, on a pris l’habitude d’appeler écrit scientifique un écrit savant, comité scientifique un comité de savants. Cela donne à penser que l’Histoire doit épouser les méthodes de la science.
Dans le cours de l’histoire intervient la conscience humaine. Comme elle, le cours de l’histoire est irréversible. Tout fait historique demeure donc unique. Parallèlement, la conscience est soustraite au déterminisme des phénomènes physiques, ce qui réserve toujours à l’esprit une part d’imprévu et de liberté. L’unicité du fait historique et la part de liberté qui existe dans les facteurs spirituels rendent inapplicable à l’Histoire, et a fortiori à sa composante religieuse, la méthode axiomatique de la science. Cela n’interdit pas toute explication causale dans la description d’un fait religieux rapporté à son cadre historique particulier.
À l’opposé du réductionnisme qui vise à introduire des lois et des modèles dans l’Histoire, la démarche fructueuse de l’historien consiste à approfondir l’information. C’est grâce à cette démarche que la connaissance des religions – au sens large – ne cesse de s’enrichir.
Le scrupule de l’historien et la liberté de jugement du lecteur
Pour chaque domaine religieux Religions & Histoire fait appel à un ou plusieurs historiens dont les travaux sont notoires. Ces historiens composent le comité scientifique de la revue. Leur collaboration a permis dès le début de découvrir l’extrême richesse des connaissances actuelles, généralement méconnue parce que peu divulguée.
Religions & Histoire, se tenant à l’écart des interprétations ou transpositions qui dénaturent toujours les faits historiques, demande à des historiens d’exposer les connaissances acquises. Seul le scrupule de l’historien préserve pour le lecteur la liberté d’esprit qui lui permet de s’informer véritablement et de garder son approche personnelle de la religion.
– Pour plus de renseignement ou pour tout abonnement allez sur le site de la revue Religions & Histoire ou contactez les éditions Faton – infos@faton.fr – 03 80 48 98 46