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Biocarburants – Bilan environnemental

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Biocarburants

Bilan environnemental

« Le bilan énergétique (c’est-à-dire le rapport entre l’énergie fossile – le pétrole – économisée et utilisée) de l’éthanol à partir de blé est très médiocre. Le bilan des huiles de colza comme substitut au diesel est un peu meilleur, mais, dans les deux cas, si l’on tient compte des pollutions des eaux et d’autres aspects environnementaux, le bilan en termes d’environnement est très incertain », selon Jean-Christophe Bureau, chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA).

Économies énergétiques et émission de gaz à effet de serre

biocarburant_5.jpgL’homme émet chaque année 19 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère. Les émissions massives de gaz à effet de serre (CO2, CH4 etc.) constituent l’origine principal du phénomène de réchauffement climatique.

La combustion des énergies fossiles (pétrole, charbon, gaz naturel) conduit à la libération de CO2 dans l’atmosphère, carbone qui était piégé dans le sous-sol depuis des millions d’années (d’où le terme d’énergie fossile). Il provient de la décomposition de la faune et de la flore qui ont vécu sur la Terre auparavant. La consommation de ces hydrocarbures dégage dans l’atmosphère du CO2 qui était sorti du cycle du carbone depuis plusieurs millions d’années.

Au contraire, le carbone émis lors de la combustion de biocarburants (filière huile ou filière éthanol) a préalablement été fixé par les plantes (colza, blé, maïs, …) lors de la photosynthèse.

Le bilan carbone semble donc a priori neutre et le recours à cette énergie permet d’éviter des émissions supplémentaires de gaz à effet de serre. Pour déterminer s’il y a un réel gain en terme d’émission de CO2, il s’agit de faire le bilan énergétique de la production de biocarburant.

Une étude publiée dans Nature resources research, les chercheurs David Pimentel et Tad Patzek concluent «qu’il n’y a aucun bénéfice énergétique à utiliser la biomasse des plantes pour fabriquer du carburant» au terme d’un calcul tendant à montrer que l’énergie globale nécessaire à la production d’éthanol à partir de maïs, à la production du bois et à celle de biodiesel à partir de soja ou de tournesol est pour chacun de ces cas supérieure de 27 à 118 % à l’énergie produite. Il est donné pour cela des quantités d’énergie dépensées à la fabrication et lors du conditionnement, transport et épandage des pesticides et des engrais, à la fabrication des outils agricoles, au drainage à l’irrigation ainsi que l’énergie dépensée par les travailleurs eux-même en dehors de leur travail. Cette étude a été néanmoins dénoncée comme fortement biaisée par les hypothèses prises et l’interprétation des résultats. Les postes de dépenses énergétiques sont par exemple non vérifiable ou s’appuient sur des techniques obsolètes.

En France, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) et le Réseau Action Climat publient des études sur l’intérêt des biocarburants pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.

L’ADEME a réalisé une synthèse des différentes études, en normalisant les résultats. La conclusion du rapport de synthèse de 2006 est : « Alors que les résultats publiés sont radicalement différents et donnent lieu à des conclusions opposées, les résultats normalisés permettent de tirer une conclusion commune aux trois études : l’éthanol et le biodiesel permettent tous deux de réduire la dépendance aux énergies non renouvelables par rapport aux carburants fossiles. En ce qui concerne les GES, les indicateurs publiés soulignent les mêmes bénéfices des biocarburants par rapport aux carburants fossiles. ». La valorisation effective des coproduits (par la filière éthanol cellulosique ou par méthanisation par exemple) permettra d’améliorer considérablement ce bilan. Les conclusions d’un rapport du Department for Transport britannique vont dans le même sens, tout en soulignant cependant l’impact environnemental non négligeable du développement des filières classiques en zone tropicale. Ces impacts peuvent, selon l’ONG Via Campesina, conduire à rendre les biocarburants pire que le pétrole qu’ils remplacent.

Cependant, une étude récente de P.J. Crutzen prétend que l’usage des biocarburants issus des cultures de colza et de maïs pourrait en fait augmenter l’effet de serre. Selon ces auteurs l’augmentation des émissions de protoxyde d’azote dus à l’usage d’engrais azotés pour la production de biocarburants à partir de ces cultures pourrait avoir un effet plus défavorable sur l’effet de serre que la réduction de la production de CO2 à cause de la persistance du protoxyde d’azote dans l’atmosphère. Selon Crutzen, les émissions de protoxyde d’azote auraient été sous-estimées jusqu’à présent. D’après les auteurs de cette étude, la production d’huile de palme ou d’éthanol cellulosique basé sur des plantes pérennes semblent ainsi plus adaptée à un objectif de réduction des gaz à effets de serre.

Selon le Réseau Action Climat, dans une étude publiée en mai 2006, les résultats de la filière éthanol présentent une économie énergétique limitée, très relative pour l’ETBE, voire négative pour l’éthanol de blé, et permettent quelques économies de GES.

Toujours selon la même étude, la filière oléagineuse est beaucoup plus intéressante surtout en ce qui concerne l’huile pure. Le bilan énergétique ainsi que le bilan carbone sont toujours bien meilleurs quand on adapte le moteur à l’huile végétale pure (moteur Elsbett par exemple) plutôt que d’adapter l’huile végétale (transformation chimique en biodiesel, processus lourd) à des moteurs conçus pour fonctionner avec des dérivés du pétrole, à plus forte raison si l’on préfère des plantes pérennes implantées dans des zones où elles n’entrent pas en concurrences avec d’autres. Des plantes qui peuvent se développer en zone aride comme Jatropha curcas, Pongamia pinnata ou Madhuca longifolia pourraient présenter de bien meilleurs résultats.

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L’utilité des biocarburants dépend ainsi de façon importante et de la filière choisie et de la valorisation effective des coproduits, d’où l’importance de leur trouver des débouchés, notamment pour les tourteaux de colza et de tournesol.

En France, d’après le ministère de l’industrie, deux principaux biocarburants sont utilisés à l’heure actuelle : l’ETBE (éthyle tertio butyle éther, à partir de l’éthanol) pour les véhicules essence (90 % de la consommation de biocarburant en France) et l’EMHV (biodiesel ou Diester) pour les véhicules diesel. Côté éthanol, l’ETBE reçoit la préférence du ministère par rapport à l’E85, plus riche (85 %) en éthanol : Au plan technique, l’ETBE est la meilleure façon d’incorporer de l’éthanol au carburant, grâce à son indice d’octane élevé autant qu’à sa faible volatilité. Cette conclusion technique fait l’objet d’un consensus dans les milieux professionnels. Ce qui amène le Réseau Action Climat à dire : « Le plan gouvernemental ambitieux et coûteux qui prévoit de remplacer 7 % des carburants pétroliers par des biocarburants d’ici 2010 diminuerait les émissions de GES des transports routiers de moins de 7 % (alors que les transports routiers en France ont vu leurs émissions de GES augmenter de 23 % depuis 1990) ».

Au niveau mondial, la production de biocarburants en 2005 était de 37 millions de tonnes (Mt) pour le bioéthanol et 3,2 Mt pour le biodiesel.

D’après le Global Canopy Programme, regroupant les leaders scientifiques sur le sujet des forêts tropicales, la déforestation est une des principales responsable des émissions de gaz à effet de serre. Avec 25 % des émissions totales, elle n’est devancée que par l’énergie, mais bien au dessus des transports (14 %).

Plusieurs articles récents dénoncent dans les biocarburants un mirage qui nous ferait perdre de vue l’essentiel : stopper la deforestation et diminuer la consommation de carburant. Le danger est que la production de biocarburants accompagne une consommation croissante de carburant, se bornant à en faciliter l’approvisionnement.

Biocarburants et qualité de l’air

La combustion du bioéthanol produit davantage d’aldéhydes que l’essence, mais ceux du bioéthanol sont moins toxiques (acétaldéhydes contre formaldéhydes pour l’essence). Selon Mark Jacobson de l’université de Stanford, la combustion de l’éthanol entraîne la formation d’oxydes d’azote et de composés organiques volatils (COV) qui réagissent pour former de l’ozone, principal responsable de la formation du smog. « Une hausse même modeste de l’ozone dans l’atmosphère peut être à l’origine d’une augmentation des cas d’asthme, d’un affaiblissement du système immunitaire. Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de 800 000 personnes meurent annuellement dans le monde à cause de l’ozone et de la pollution atmosphérique. » – « Au final, l’incidence des cancers liés à l’E85 serait similaire à ceux liés à l’essence. Par ailleurs, dans certaines régions du pays, l’utilisation du E85 aurait pour conséquence d’augmenter la concentration en ozone, un parfait ingrédient du brouillard ».

Impacts sur la biodiversité, la ressource eau et les sols

La production de biocarburant demande les moyens de la production agricole intensive en terme d’engrais et de produits phytosanitaires. Dans une étude parue dans Bioscience, les chercheurs Marcelo Dias de Oliveira et al., (université d’État de Washington) concluent que la filière éthanol à partir de canne à sucre réduit la biodiversité et augmente l’érosion du sol.
La production d’éthanol au Brésil, se base notamment sur l’exploitation de nouvelles terres défrichées pour cela.

Dukes estime que le remplacement des carburants fossiles par une combustion de végétaux actuels correspondrait au moins à 22 % de la production végétale terrestre (y compris des végétaux marins), augmentant ainsi de 50 % l’appropriation de cette ressource par l’homme, et pourrait compromettre la survie des autres espèces qui en dépendent.

Tyler Volk, professeur du Earth Systems Group du département de biologie de l’université de New York, estime que « la production massive d’éthanol pourrait augmenter la pression sur les terres cultivables, faire monter les prix de la nourriture et accélérer la déforestation».

Le caractère durable de la production de biocarburants peut être mis à mal si elle est réalisée de manière non durable : épuisement des sols, pollution des eaux et destruction de milieux naturels pour cette production. Selon les estimations des Les amis de la Terre, la plantation de palmiers à huile a été responsable de 87 % de la déforestation en Malaisie entre 1985 et 2000. 4 millions d’hectares de forêts ont ainsi été détruites à Sumatra et Bornéo. 6 millions d’hectares en Malaisie et 16,5 millions en Indonésie sont programmés pour disparaître. Selon certains écologistes, la menace est sérieuse. Les politiques de promotion des agrocarburants sont responsables pour une partie seulement de la déforestation contemporaine. Cette déforestation concerne notamment le Brésil (destruction de la forêt amazonienne pour réaliser des monocultures de canne à sucre), la Malaisie, l’Indonésie, le Kenya, le Congo, le Nigeria, le Libéria, la Colombie, ou encore le Mexique.


Source : Wikipédia

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