Accueil Enseignements Articles et conférences Hekigan Roku – Recueil de la falaise vert émeraude – Koan 11

Hekigan Roku – Recueil de la falaise vert émeraude – Koan 11

93
0

HEKIGAN ROKU 11

Obaku [[Obaku Kiun [ ?-850] Chinois : Huang-Po Hsi-Yuan chinois 黃檗希運. Disciple de Hyakujo Ekai. Maître de Lin-Tsi, Rinzai Gigen [ ?-866] ]] et les buveurs de lie

100 kôans inédits en français

Introduction par Engo

La grande capacité des Bouddhas et patriarches se trouve dans la paume de la main, Humain ou Dieu? La direction dépend de l’appel. Libre, avec une seule parole, un seul mot, le maître dérange et secoue la masse choquée. Avec une seule opportunité et un seul objet, il brise chaînes et délie menottes, Rencontrant le transcendant, il montre le transcendant. Dites-moi, celui qui est parvenu à ce point, comment saurait-il demeurer sur quelque objet que ce soit ? S’il vous plaît, montrez le moi.

Koan

Obaku enseigne à l’assemblée :

– Vous tous, vous n’êtes que les gobeurs de la lie du zen. Mendiant ainsi, comment parvenir au point actuel ? Comment savoir s’il existe des maîtres zen dans ce grand pays des Tang ?

Un moine s’avance et dit :

– Mais partout, à de multiples endroits il y a des personnes qui prennent en charge l’éducation de la communauté.

Obaku dit

– Je n’ai pas dit qu’il n’y a pas de zen , seulement qu’il n’y pas de maître.[[Commentaires de Hakuin : Cette affirmation de M. Obaku est un poison dans l’eau ; qui la boit meurt. Je l’avais mal saisi pendant 20 ans à ce sujet. Ne prenez pas ceci à la légère !]]

campete-france-2008_048-2.jpg

Commentaires d’Engo

Obaku et une personne décédée

Le corps d’Obaku est haut de 7m ; sur son front il y a une perle ronde, originellement sa nature est déjà dotée de la conscience cosmique. On dit qu’un jour, il fit une promenade au Mont Tendai ; en chemin, il rencontra un moine, ensemble ils discutèrent joyeusement, comme de vieilles connaissances. Mais quand Obaku observa ce dernier de plus près, il réalisa alors que la personne est déjà décédée, avec une étrange apparence, des yeux transperçant.

Alors qu’ils se promenaient ensemble, ils croisaient un cours d’eau où le courant est très fort, il planta alors sa canne, enleva son chapeau et s’arrête sur la rive. Le moine pressa Obaku pour la traversée de la rivière mais ce dernier dit : « S’il vous plaît, traversez donc.» Le moine souleva légèrement le pan de son habit et d’un pas léger sur les flots, il traversa comme on marcherait sur la terre ferme.

Sur l’autre rive, le moine héla : «Venez ! Traversez ! Traversez !» Obaku le réprimanda : «Cette chose qui se connaît elle-même, ce gars qui saisit par lui-même ! Si j’avais su auparavant, je vous aurai déjà coupé les jambes.»

Le moine le félicita alors : «C’est réellement l’énergie de l’enseignement du Mahayana.» Le moine disparut en ces mots.

Obaku et Hyakujo [720-814] [[Hyakujo Ekai [720-814]. Chinois, Baizhang Huaihai (百丈懷海). Grand maître tchan. Disciple de Baso avec qui il a pratiqué pendant près de 20 ans.]]. Ce n’est pas pour une autre raison.

Quand Obaku rencontra Hyakujo, Hyakujo dit : « Magnifique ! Grandiose ! D’où venez- vous ?» – Magnifique, grandiose vient de Richu, les montagnes du centre.

Hyakujo questionne :

– Pour quelle raison, êtes vous venu?»

– Ce n’est pas pour une autre raison, répondit-il

Hyakujo silencieusement le reconnut. Un autre jour, il vint faire ses adieux à Hyakujo qui le questionna : «Où allez-vous ?» Au Jiangxi pour voir le maître Baso[[Baso Matsu (Ma-tsu Tao-i) [709-788] : L’un des maîtres les plus importants du zen avec de nombreux successeurs dont Hyakujo Ekai.]]. Hyakujo répondit : « le maître Ba est déjà décédé.» Selon vous, quand Obaku, pose cette question a-t-il été déjà informé ou non ? Le moine dit : « Je rêve de pouvoir effectuer mes révérences mais causes et opportunités sont amoindries, je ne peux le réaliser.» Je vous en prie, habituellement quel est son enseignement ? – j’aurais souhaité que vous puissiez me le répéter ? Hyakujo décrit leur rencontre opportune, Baso me voyant approcher releva son hossu[[Hossu : Bâton chasse-mouches. Utilisé dans le cérémonial, il symbolise aussi le maître.]] , je le questionnai alors : J’en fais usage maintenant ou seulement en partant d’ici ? Baso raccrocha alors le hossu sur le côté de l’estrade – utilisée pour zazen». Baso, exactement et dignement, cria si fort qu’au bout de 3 jours, mes oreilles restent encore abasourdies. Obaku soudainement tira la langue.

Obaku et Hyakujo [720-814]. Succession de M.Baso [709,788]

Hyakujo dit :

– Dans l’avenir, prendriez-vous la succession de Maître Baso ?

– Ce n’est pas ainsi, maintenant en vous écoutant relater, je peux voir la très grande capacité de Baso; si je prends la succession de Baso, je craindrais de perdre enfants et petits-enfants de ma propre descendance.

– Si vos yeux sont à la même hauteur que le maître, vous avez la moitié des mérites ; c’est seulement lorsque votre vue a dépassée celle du maître que l’enseignement aura été transmis.» Aujourd’hui, votre discernement a effectivement dépassé celle du maître. Selon vous, Obaku, avait il déjà la connaissance – à propos de la mort de Baso, avant de poser la question ainsi ou n’en savait il rien ? Il faut absolument voir les bagages de pères, fils et petit-fils …

Un jour, Obaku questionna Hyakujo encore :

– Depuis les temps origines du véhicule de notre lignée, comment enseigner ?

Hyakujo resta silencieux un bon moment. Obaku dit alors :

– On ne peut agir de sorte que le futur puisse être totalement interrompu.»

– Vous êtes une des personnes, répondit Hyakujo. En ces mots, il retourna dans l’habitat du moine supérieur du temple.

Obaku et le général. De l’encre noir sur du papier blanc

Obaku est une connaissance du général Fei Hsiu à qui il enseigna l’essence de l’esprit. Ayant terminé d’écrire un livre – sur le Dharma, Fei Hsiu se dépêcha d’inviter Obaku au quartier général de l’armée pour le lui présenter.

Obaku prit le livre et immédiatement, le déposa au pied de la chaise sans même le feuilleter. Après un certain silence, Obaku questionna:

– Vous avez saisi ?

Fei Hsiu répondit : «Non, je n’ai pas saisi.»

– A partir de cela, même si vous parvenez à saisir quelque chose, il manquerait encore quelque chose alors, si vous alignez cela sur le papier blanc en vous servant d’encre noir alors où pourrait se situer ma descendance ?

Le général Fei Hsiu composa alors ce poème de louanges : Depuis que le grand homme a transmis le sceau de l’esprit
Ce corps de sept mètres au front gravé de joyau de lumière
Ayant déjà enduré mille épreuves
Pendant une dizaine d’années encore, il s’est réfugié au pays des Chu.
Aujourd’hui il monte sur les flots pour aller au pays des Chang.
Huit mille dragons suivirent ses pas
Sur la longue route le parfum des fleurs couronne l’humain vainqueur
Dans mon cœur je fais le vœu de vénérer le maître et d’en être le disciple
Quel Dharma pourrait-il confier ?

Obaku, non réellement satisfait dit : L’esprit est comme l’océan sans limites atteignables
De la bouche naît le lotus
Qui ainsi nourrit la maladie du corps
Point de limites qu’on ne saurait discerner
Disposant d’une paire de mains sans occupation
On n’a jamais vénéré celui qui aime l’oisiveté.

Obâku, Taigu et Rinzai Le dharma d’Obaku est minime

Plus tard, alors qu’Obaku était chef de temple et que Rinzaï était dans l’assemblée, le shussô Bokushu vint questionner Rinzaï : «Osho, vous êtes ici depuis bien longtemps, comment se fait il que vous ne posiez pas de question ? Rinzaï dit : «Comment ? Quelle est la question que vous souhaitez que je pose ?» Le shussô dit : «Pourquoi tu ne demandes pas – Quelle est l’essence du Dharma du Bouddha ?» Rinzaï alla poser la question à Obaku qui le frappa et le congédia.

Rinzaï alla trouver le shussô Bokushu et lui dit : «Grâce à votre enseignement, je suis allé questionner trois fois et par trois fois, il m’avait frappé et m’avait renvoyé au pied de la montagne. Je crains que causes et effets ne se rejoignent pas à cet endroit aussi, temporairement, je descends de la montagne. Le shussô dit : «Si vous souhaitez quitter il faudrait auparavant faire vos adieux à Osho Obaku.» Le shussô précéda Rinzaï et alla voir Obaku, il lui dit:« Un moine qui vient questionner ainsi est très rare, pourquoi ne taillez-vous pas cet arbre ombragé pour vos successeurs ?» Obaku dit : «Je le sais. Rinzaï vient faire ses adieux.» Obaku dit à Rinzaï : «Vous ne devriez pas partir, allez directement voir Taigu, le grand idiot. Rinzaï rendit visite à Taigu et lui relata les faits – sa question à Obaku. Où est donc mon erreur ? Obaku a vraiment l’esprit de la grand-mère, pour vous il a tout donné et vous restez là à tenter de discerner erreur et non-erreur.

Rinzaï brusquement s’éveilla, il dit :

– En réalité, le Dharma du Bouddha d’Obaku est vraiment minime.

Taigu, le grand idiot le sait et dit :

– Il y a quelques minutes, vous parliez d’erreur de non-erreur puis maintenant, vous parlez du minime Dharma d’Obaku.

Taigu, le grand idiot frappa trois coups sur les hanches de Rinzaï qui le relâcha et lui dit :

– Votre maître est Obaku, rien à faire avec moi.

Obaku et la clé de la voie la plus haute

Un jour, Obaku dit :

– Le grand maître de la montagne du buffle parle à droite – horizontalement et à gauche – verticalement mais ne connaît toujours pas la clé de ce qui est transcendant, ce qui est le plus haut.

A cette époque, dans la communauté de Sekito et de Baso, les moines zen étaient en abondance, ils parlaient du zen, de la voie. Alors pourquoi Obaku parlait ainsi ?

Il éduquait l’assemblée :

– Vous tous êtes la lie du zen, allant mendier ainsi, comment atteindre le point actuel [[Commentaires de Hakuin [1686-1769] : Le point actuel ? Je me demande ce que c’est que ce point actuel … ?]], vous voyez seulement huit cents, mille personnes alors vous partez immédiatement rejoindre bruits et dérangements. Si tout le monde se préoccupe ainsi de la forme, comment aurait t on pu atteindre le point actuel ?

Beaucoup de personnes rapportaient qu’Obaku aimait bien éduquer l’assemblée. Ceux qui ont l’œil clair peuvent discerner ces paroles. Son idée était de lancer l’appât au bout de la canne à pêche pour tenter l’interrogateur. Dans l’assemblée certains n’ont pas craint pour leurs vies et saisissaient immédiatement ainsi l’opportunité. Actuellement, à de multiples endroits, beaucoup de personnes prennent le risque de perdre le karma du corps, aussi ils questionnent directement :

– Partout, beaucoup de personnes prennent en charge l’éducation des communautés alors que peut-on penser de cela ?

Commentaires de Seccho :

Isolé, glacé, le vent solitaire ne se vante pas [[Commentaires de Hakuin Ekaku : Il n’y avait pas d’Obaku avant Obaku. Un homme « originel » ne revêt pas d’habit supplémentaire. Tout réside en ces mots – le vent solitaire ne se vante pas.]] – Lâchez tout

– Ils mériteraient bien une claque ! Je n’ai pas dit qu’il n’y a pas de zen, seulement qu’il n’y a pas de maître. Où en est donc la signification ?

A l’origine, l’essence de l’enseignement du grand moine résidait parfois dans la prise parfois dans le lâcher parfois dans le meurtre parfois dans le non-attachement, parfois dans l’ouverture parfois dans la fermeture.
Je vous interroge :
– Qu’est ce que c’est qu’un moine qui est «zen?»

Quand le grand moine parle ainsi, vous êtes déjà entièrement noyé, la tête est sous l’eau. Où se trouve donc votre nez ? Un moment plus tard, il dit : «L’anneau l’a déjà transpercé.»

Isolé, glacé, le vent solitaire ne se vante pas
Simplement assis dans le vaste océan, voir dragons et serpents
Senso fils du ciel a déjà reçu des claques
Trois batailles, ce corps a déjà montré ses crochets

Il semblerait que ce poème soit une prière d’éloge de Seccho adressée au portrait d’Obaku. Cependant, maintenant nous devons discerner et trouver une phrase qui nous permet de nous échapper de ce piège à propos de la vénération et de la prière adressée au portrait, à la personne d’Obaku.

– Isolé, glacé, le vent solitaire ne se vante pas

Si Obaku enseigna ainsi à l’assemblée il ne s’agit pas d’être vainqueur dans la bataille et de se montrer, s’enorgueillir.

Si cette information a été réellement transmise alors, vous pouvez être libre de vous battre, de frapper sept fois horizontalement et huit verticalement, certaines fois vous vous tiendrez seul, au sommet du vent de la solitude, certaines fois vous resterez allongé au milieu de la ville, vous ne pourrez vous préserver pas même un seul coin. Plus vous pardonnerez plus il y aura des résidus sans fin, plus vous recherchez moins vous trouverez, plus vous voudrez prendre plus vous plongerez.

Dans les temps anciens, on disait

– Sans aile, partout il se promène. Aucune image du monde, sa renommée sera transmise à travers les époques.

Si réellement, vous lâchez tout, vous abandonnez tout, même le Dharma du Bouddha, même les dix mille merveilles de l’enseignement alors naturellement automatiquement la source originelle se réalise.

Seccho dit «S’asseoir simplement au milieu de l’océan et clairement voir dragons et serpents.» Dès que quelqu’un franchit la porte, l’œil voit dragons et serpents. Seccho dit également : «Œil de dragons et serpents. Capture de tigres et buffles – la réalisation n’est pas encore parfaite.» Seccho dit aussi : «Taichu le fils du ciel a reçu des claques, trois batailles, ce corps amuseur a déjà montré ses crochets»

Obaku n’a pas commencé maintenant à appliquer des méthodes rustres «tranchantes» mais depuis toujours. Les événements liés à Taichu sont les suivants :

Kyôgen Chikan [[Kyôgen Chikan [ ?-898] : En chinois, Hsiang-yen Chih-Hsien, maître Tchan . Yeng-kuan : groupe de pratique de Kyôgen Chikan.]], Senso. Les vagues migrent

L’empereur a deux fils : Muchu et Senso. A sa mort, Muchu lui succéda au trône alors que Senso régna plus tardivement, durant l’ère Taichu [847-859]. En 824, l’empereur Muchu décéda et laissa 3 fils. Le prince aîné régna 2 ans lorsque la cour complota contre lui et le destitua. Le second monta sur le trône et régna 14ans, ensuite le cadet lui succéda. Ce dernier qui gardait toujours rancune contre Senso – son oncle qui, un jour, s’est amusé à monter sur le trône, le frappa à mort et le jeta dans le jardin; il lui lança alors de l’eau sale sur le visage pour le réveiller.

A son réveil, Senso se réfugia dans la communauté zen du Maître Kyôgen Chikan [?-898] Il se rasa et devenait sravaka –moine bouddhiste. N’ayant pas encore reçu l’ensemble des préceptes il voyagea avec le moine Chikan qui commença à composer ce poème :

L’eau de la montagne tombe comme un rideau

Perçant les nuages, pénétrant le roc, ne renonçant à aucun dur labeur

Il faut tomber bien bas pour savoir que nos racines sont bien hautes

Ayant entamé le poème en ces vers, Chikan resta un long moment sans paroles, voulant faire surgir Senso de son silence pour mieux le cerner. Senso poursuivit le poème :

Comment les flots des ruisseaux et rivières pourraient ils être arrêtés !

Tout se retourne entièrement vers le vaste océan

Les vagues migrent.

Obâku. Pas de prière, les mérites de la vulgarité

Chikan sut alors que Senso n’était pas quelqu’un d’ordinaire. Plus tard, Senso rejoint la communauté de Yeng-Kuan où il occupa le poste de scribe du temple. Dans ce même temple, Obaku est shussô. Un jour, alors qu’Obaku effectue les cérémonies dédiées à Bouddha.

Senso le questionna :

– Pas de prière pour le Bouddha, pas de prière pour le Dharma, pas de prière pour la Sangha alors, quoi prier avec les cérémonies

Obaku répondit :

– Ni prier Bouddha, ni prier le dharma, ni prier la sangha. Néanmoins, on effectue habituellement ces cérémonies.

– Pour quoi faire une cérémonie ?

Obaku lui infligea immédiatement trois claques.

– Trop vulgaire !

– A cet endroit ci, que reste t il pour pouvoir encore parler de ce qui est vulgaire ou non-vulgaire.

Plus tard, quand Senso monta sur le trône, il lui attribua le titre de «mérites de la vulgarité –shamon, moine» Quand au ministre il proposa : «cérémonial tranché -moine zen».

Seccho reconnaît bien l’origine de ce sang et de ces veines et l’utilise à merveilles. Actuellement, il y a t il quelqu’un qui pourrait amuser avec de tels crochets et canines ? Si tel est le cas, je lui donne des claques !

[[En japonais, koji désigne aussi un boddhisattva. Litt. , ko : Demeure Ji : Grand homme. Grand serviteur.]]

Previous articleAjahn Sumedho — Le Son du Silence
Next articleChine — Les Moines Shaolin redonnent Vie aux Temples abandonnés du Yunnan