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La Réincarnation dans la Littérature occidentale

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À la mort du corps physique,
l’esprit quitterait ce dernier
pour se réincarner après une
nouvelle naissance dans un
autre corps, pour permettre
à l’être de poursuivre ses
expériences et son
évolution. On retrouve cette
croyance dans la littérature
occidentale, où elle a été
malmenée puis réhabilitée
à différentes époques.

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La réincarnation fut un principe
communément admis
pour les Anciens. Jules César
y fit même référence dans La
Guerre des Gaules, en relatant les
pratiques druidiques gauloises… À
l’origine, donc, point de problème.

Un principe reconnu

dans l’Antiquité
Chez les Grecs, Orphée et les hymnes
orphiques enseignaient en
effet l’existence de la réincarnation
ainsi que Pythagore, qui prétendait
se souvenir de ses quatre existences
antérieures. Platon reprit cette
conviction et développa la théorie
de l’âme et de ses vies successives
dans le Phédon. Le récit traite du
dernier jour de Socrate et de sa
réflexion au sujet de la préexistence
de l’âme. On peut également
trouver dans le livre X de La
République le témoignage d’Er le
Pamphylien [[Voir article de Sylvianne Carrié sur le mythe
d’Er ou le fil de la destinée, paru dans la revue
Acropolis 198/199, page 15]] sur la métempsycose
[[Doctrine selon laquelle une même âme peut
animer successivement plusieurs corps humains,
animaux, ou même végétaux.]] qui, revenu à la vie après
avoir été donné pour mort au combat,
raconte ce qu’il a vu lors du
voyage durant lequel son âme a
migré.
La réincarnation sera enseignée
jusqu’aux néoplatoniciens alexandrins
avec Plotin [[Voir article page 16]]. Puis elle sera
célébrée chez les Romains avec
Virgile, Cicéron et bien sûr Ovide
qui débuta la rédaction des
Métamorphoses en l’an 1.

La réincarnation censurée
par l’Église

En 553 se tint le Concile de
Constantinople, convoqué par l’empereur
byzantin Justinien, totalement
hostile à l’idée de réincarnation.
L’empereur décida de bannir de
l’Église catholique romaine tout
enseignement écrit concernant la
préexistence de l’âme. De nombreux
textes de l’Eglise furent détruits et
bien des érudits pensent aujourd’hui
que les Écritures furent expurgées
des passages concernant la réincarnation.
L’opposition à la réincarnation
se confirma dans les siècles qui
suivirent, traduisant le conflit qui
oppose encore aujourd’hui, dans la
religion chrétienne, le concept de
réincarnation à celui de résurrection
(retour de la mort à la vie).
Suite à la propagation des dogmes
chrétiens naquit l’idée persistante
que la vie idéale ne peut commencer
qu’après la mort. La vie n’était
plus considérée comme un terrain
d’avancée et d’action spirituelle
pour l’individu où celui-ci pourrait se
purifier afin d’assurer sa rédemption,
mais, le plus souvent, comme
une longue suite de contraintes qu’il
faut subir avant la mort, sans que
l’individu n’ait une quelconque
emprise sur ce qui lui arrive. Dans ce
contexte, la littérature célèbre le
bonheur dans l’au-delà.

Le bonheur est dans l’au-delà

Voilà l’une des pensées fondatrices
qui irriguera le Moyen-Âge, à travers,
notamment, le mythe de
Tristan et Iseult. Ayant bu le philtre
d’amour par erreur, les amants
se voient liés par une passion
contre laquelle ils ne peuvent lutter
et qui causera leur perte. Leur
réunion sereine ne sera possible
que dans l’au-delà de la mort,
comme cela est symbolisé par les
deux rosiers entrelacés qui fleuriront
sur leur tombe. Les œuvres
majeures de la littérature occidentale
s’abreuveront largement à
cette conception de la vie, vécue
sans réel discernement, à la poursuite
d’un rêve chimérique impossible
à réaliser ici-bas. Citons, à
titre d’exemple, la célèbre pièce
de Shakespeare Roméo et Juliette,
les tragédies de Racine telles
Phèdre, Andromaque, et également
Madame Bovary de Gustave
Flaubert (1857). Ces œuvres, bien
que créées à des périodes différentes,
ont des points communs :
leurs héros ou anti-héros, ballottés
par la vie dont ils ne perçoivent ni
les règles ni les lois sont mus par
leurs désirs. Ce qu’ils réussissent le
mieux n’est pas leur vie mais leur
mort, moment où ils semblent
généralement donner toute la
mesure de leur tempérament
sublime.

L’influence de l’Orient :
la réincarnation réhabilitée

Au XIXe siècle, la littérature occidentale
prit un nouveau tournant.
Des textes orientaux traitant de la
réincarnation furent lus et étudiés
par des écrivains de renom tels que
Édgar Allan Poe, Charles Dickens,
Fedor Dostoïevski, et en France par
les poètes Lamartine, Victor Hugo,
Gérard de Nerval, et les auteurs tels
que Allan Kardec ou encore la
romancière George Sand. Pour
Victor Hugo, l’âme peut successivement
animer plusieurs corps. «À la
mort, nous changeons de vêtement
» dit-il. Un de ses poèmes,
le Revenant[[voir encadré]], tiré d’une des
ses œuvres majeures, Les
Contemplations, fera l’apologie de
la réincarnation.
Grâce à ces penseurs, on s’éloigne
de toute pensée fataliste pour
devenir pleinement maître de son
destin et de son évolution.

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Revenant

Le jour vint ; elle mit un

autre enfant au monde,

Et le père joyeux cria :

«C’est un garçon».

Mais le père était seul

joyeux dans la maison ;

La mère restait morne, et la

pâle accouchée,

Sur l’ancien souvenir tout

entière penchée,

Rêvait ; on lui porta l’enfant

sur un coussin ;

Elle se laissa faire et lui

donna le sein ;

Et tout à coup, pendant que,

farouche, accablée,

Pensant au fils nouveau

moins qu’à l’âme envolée,

Hélas ! et songeant moins

aux langes qu’au linceul,

Elle disait : «Cet ange en

son sépulcre est seul !»

«Ô doux miracle ! ô mère au

bonheur revenue !»

Elle entendit, avec une voix

bien connue,

Le nouveau-né parler dans

l’ombre entre ses bras,

Et tout bas murmurer :

«C’est moi. Ne le dis pas.»

Victor Hugo
Extrait du poème
tiré des Contemplations

La réincarnation à la lumière
de la Doctrine secrète

Héléna Petrovna Blavatsky (1831-
1891), fondatrice du mouvement
de la Théosophie, écrit une oeuvre
colossale La Doctrine secrète, inspirée
par des maîtres orientaux.
L’homme est constitué de sept
plans (trois principes supérieurs
immortels et atemporels et quatre
principes temporels et mortels). Les
principes qui se réincarnent sont
les principes supérieurs, et les quatre
inférieurs se désintègrent en
leurs éléments constitutifs (terre,
eau, air et feu) lors de la mort. La
réincarnation est le «pèlerinage
obligatoire pour chaque âme –
étincelle du créateur – à travers le
cycle des incarnations conformément
à la loi cyclique et karmique.
» L’âme se réincarne autant de
fois qu’il est nécessaire pour l’évolution
de l’être.
Aujourd’hui la réincarnation est
toujours un sujet d’actualité car
elle suscite toujours les mêmes
questions : d’où venons-nous ?
pourquoi sommes-nous ici ? où
allons-nous ?


Léonie Behlert

Revue n°206

Source : www.revue-acropolis.com

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