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DE SAVOIR REGARDER
par Djalal al-dîn Rûmi
« Des Indous avaient amené un éléphant ;
ils l’exhibèrent dans une maison obscure.
Plusieurs personnes entrèrent, une par une, dans le noir, afin de le voir.
Ne pouvant le voir des yeux, ils le tâtèrent de la main.
L’un posa la main sur sa trompe ;
il dit: « Cette créature est telle un tuyau d’eau. »
L’autre lui toucha l’oreille:
elle lui apparut semblable à un éventail.
Lui ayant saisi la jambe,
un autre déclara : « C’est un pilier. »
Après lui avoir posé la main sur le dos,
un autre dit « En vérité, c’est un trône. »
De même, chaque fois que quelqu’un entendait une description de l’éléphant,
il la comprenait d’après la partie qu’il avait touché.
Leurs affirmations variaient selon ce qu’ils avaient perçu.
L’un l’appelait « dal », l’autre « alîf ».
Si chacun d’eux avait été muni d’une chandelle, leurs paroles n’auraient pas différé.
L’oeil de la perception est aussi limité que la paume de la main qui ne pouvait cerner la totalité de l’éléphant.
L’œil de la mer est une chose, l’écume en est une autre ;
délaisse l’écume et regarde avec l’œil de la mer.
Jour et nuit, provenant de la mer, se meuvent les flocons d’écume ;
tu vois l’écume, non la mer.
Que c’est étrange !
Nous nous heurtons les uns contre les autres comme des barques ;
nos yeux sont aveuglés ;
l’eau est pourtant claire.
Ô toi qui t’es endormi dans le bateau du corps, tu as vu l’eau ;
contemple l’Eau de l’eau. »
– Issu du livre « Le Mesnevi » de Rûmi
Rumi : Bibliographie
– Mathnawî : La Quête de l’Absolu
– Le Mesnevi : 150 contes soufis
– Le chant du soleil
– Odes mystiques
– Le Livre du dedans : fihi-mâ-fihi
– Rubâi’yât
– Soleil du réel : Poèmes d’amour mystique
– Les Quatrains de Rumi
– La sagesse des derviches tourneurs
– Le livre de Chams de Tabriz