LA CLÉ DE LA LIBÉRATION
par le Vénérable Ajahn Chah
Le Bouddha a enseigné qu’au début il faut pratiquer
beaucoup, cultiver beaucoup et s’attacher beaucoup. Il faut
s’attacher au Bouddha, Dhamma et Sangha aussi fermement
que possible. Il a enseigné à commencer sa pratique ainsi.
S’attacher avec sincérité et détermination est encore s’attacher.
C’est comme son enseignement de ne pas envier autrui. Il a dit
qu’en gagnant leur vie les gens doivent dépendre du fruit de
leur propre labeur. Il vous faut vivre de vos propres réserves de
vaches et de buffles, et de vos propres terres et champs – il n’y
a pas de khamma malsain à acquérir en vivant comme ça. Si
vous gagnez votre vie en prenant le bien d’autrui, vous faites du
mauvais khamma. Beaucoup de gens entendirent cet
enseignement et y crurent, alors ils gagnèrent leur vie en
travaillant leur propre propriété à son plein potentiel. Bien
entendu ceci implique de la difficulté et de la souffrance. Il y
avait de la souffrance parce qu’ils devaient suer eux-mêmes sur
leur propre propriété. Ils allèrent donc voir le Bouddha pour lui
raconter leur lot de souffrances, se plaignant que posséder quoi
que ce soit n’est qu’une source de complications et de
malheurs. Auparavant il leur avait enseigné que leurs difficultés
et leurs tracas venaient de leur compétitivité, à essayer
d’acquérir des choses qui appartenaient en fait à d’autres. Ils
comprirent que s’ils suivaient les enseignements ils devraient
exploiter leurs propres ressources et non celles des autres, et
qu’alors tous leurs problèmes seraient résolus. Toutefois,
lorsqu’ils essayèrent de le faire, ils découvrirent que leurs
difficultés et leurs tracas existaient toujours. Alors le Bouddha
modifia son enseignement pour le mettre à un autre niveau. Il
dit qu’en fait si vous vous attachez et donnez une importance
indue aux choses de toute sorte, sans compter à qui elles
appartiennent, il en résulte de la souffrance. Si vous touchez au
feu dans la maison de quelqu’un d’autre, c’est chaud; si vous
touchez au feu dans votre propre maison, c’est aussi chaud –
c’est ça la nature de l’attachement.
Le Bouddha ne pouvait qu’enseigner selon le niveau de
compréhension et la sagesse de chaque individu, parce que
c’était comme d’enseigner à des fous. C’est comme ça qu’on
enseigne aux fous – c’est parfois nécessaire de leur donner un
électro-choc, alors vous le faites. Tant que les esprits des gens
sont à un niveau aussi grossier, ils n’ont pas l’attention et la
sagesse nécessaire à comprendre les enseignements. Après
avoir terminé sa propre pratique, le Bouddha s’est attaqué à
nos problèmes et a conçu différents moyens habiles ou a
enseigné aux gens selon leurs circonstances.
Dans ma propre pratique j’ai essayé tous les moyens
possibles de réflexion et d’investigation pour acquérir de la
vision pénétrante. J’ai joué toute ma vie sur ma pratique, parce
que j’ai eu confiance que les enseignements du Bouddha sur
magga, phala et nibbana (l’illumination) existent actuellement.
Ces choses existent vraiment, comme c’est dit dans les
enseignements, et elles naissent vraiment par une bonne
pratique. Elles naissent d’un esprit qui est suffisamment hardi
pour rendre la vie dure aux souillures, suffisamment hardi pour
réfléchir et se former, suffisamment hardi pour changer
fondamentalement, suffisamment hardi pour faire la pratique.
Que signifie faire la pratique? Ça signifie aller à rebrousse poil
des tendances de votre esprit. Lorsque votre esprit va dans
ce sens-ci, le Bouddha le fait aller dans celui-là; il commence à
penser dans ce sens-là, il le fait aller dans celui-ci. Pourquoi le
Bouddha a-t-il enseigné d’aller à rebrousse-poil? Parce que par
le passé, si longtemps, votre esprit a été recouvert de
souillures. Il a enseigné que l’esprit n’était pas fiable parce qu’il
n’est toujours pas formé et n’a pas encore été transformé par le
Dhamma. A cause de ça, il a dit qu’on ne pouvait pas s’y fier.
Tant qu’il n’a pas fusionné avec sila et Dhamma – parce qu’il
n’est toujours pas pur et manque de vision pénétrante claire –
comment pouvez-vous vous y fier? Il a enseigné de ne pas
compter sur l’esprit non-illuminé parce qu’il est souillé. D’abord
il est le serviteur des souillures, mais avec le temps il est peu à
peu pollué et devient souillure lui-même. Il a donc enseigné de
ne pas faire confiance à l’esprit.
Voyez toutes nos règles et lignes conductrices de
formation monastiques, elles vous font toutes aller à rebrousse poil.
Quand vous allez à rebrousse-poil il y a de la souffrance.
Évidemment dès qu’il y a de la souffrance, vous vous plaignez
que la pratique est trop difficile et pénible. Vous dites que vous
ne pouvez pas le faire, mais le Bouddha ne pensait pas comme
ça. Il voyait que s’il y avait de la souffrance, c’est un signe que
vous êtes en train de pratiquer de la bonne manière. Mais vous
comprenez que vous pratiquez de la mauvaise manière et que
c’est là la cause de toutes cette difficulté et ces épreuves.
Quand vous commencez la pratique et commencez à faire
l’expérience d’un peu de souffrance, vous assumez que vous
devez faire quelque chose de faux. Tout le monde veut se
sentir bien, mais ils ne se soucient pas habituellement de savoir
si c’est la bonne ou la mauvaise façon de pratiquer. Dès que
vous commencez à aller contre les kilesa et le flux de tanha, ça
fait apparaître de la souffrance et vous voulez arrêter parce que
vous pensez que vous devez faire quelque chose de faux. Mais
le Bouddha a enseigné que vous pratiquiez en fait
correctement. Après avoir stimulé les kilesa, ceux-ci
s’échauffent et se remuent, mais vous pouvez mal le
comprendre et penser que c’est vous qui avez été remué.
Le Bouddha a dit que ce sont les kilesa qui ont été
remués. C’est parce que vous n’aimez pas aller contre les
souillures que c’est difficile de progresser dans la pratique –
vous ne réfléchissez pas aux choses. En général vous avez
tendance à vous retrouvé coincé dans une des deux extrêmes
de kamasukhallikanuyoga (l’indulgence sensuelle) ou
attakilamathanuyoga (la torture de soi-même). L’indulgence
sensuelle signifie que vous voulez suivre tous les désirs de
votre esprit : quoi que vous vouliez faire, vous le faites. Vous
voulez suivre votre soif19, ce qui veut dire que vous voulez vous
asseoir confortablement, dormir autant que vous voulez et ainsi
de suite. Quoi que vous fassiez, vous voulez être confortable –
c’est ça la nature de l’indulgence sensuelle. Si vous êtes
attachés aux sensations agréables, comment pouvez-vous
avancer dans la pratique?
Si vous n’êtes pas en train de céder à la sensualité ou êtes
incapable d’obtenir de la satisfaction en vous attachant aux
sensations agréables, alors vous tendez vers l’autre extrême de
l’aversion, d’être fâché et insatisfait et puis d’en souffrir. Ça
c’est l’extrême de la torture de soi-même. Mais ce n’est pas là
la voie de celui qui se forme à être paisible et au-dessus des
souillures.
Le Bouddha a enseigné à ne pas suivre la voie de ces
deux extrêmes. Il a enseigné que quand vous faites
l’expérience d’une sensation agréable, il faut juste en prendre
note avec attention. Si vous cédez à la colère ou à la haine,
vous ne suivez pas dans les traces du Bouddha. C’est suivre
dans la voie des êtres ordinaires et non-illuminés, et non la voie
d’un samana. Celui qui est paisible ne va plus dans cette
direction, il parcourt la voie du milieu. Ça c’est sammapatibada
(la pratique correcte), ce qui veut dire que l’extrême de
l’indulgence sensuelle est à distance sur votre gauche et
l’extrême de la torture de soi-même est à distance sur votre
droite.
Alors si vous entamez la vie d’un pratiquant monastique,
vous devez suivre la voie du milieu. Ça veut dire que vous
n’accorder pas trop d’attention au bonheur et à la souffrance –
vous en lâchez prise. Mais en même temps vous ne pouvez
pas vous empêcher de vous sentir bousculé par ces deux
extrêmes : à un moment vous êtes frappé de ce côté-ci, à un
autre moment vous êtes attiré de ce côté-là. C’est comme être
le battant d’une cloche. Ils vous frappent depuis ce côté et vous
êtes balancé dans celui-là, aller et retour, encore et encore. Ce
sont ces deux choses qui vous ballottent. Dans son premier
enseignement le Bouddha a parlé de ces deux extrêmes parce
que c’est là que l’attachement a pris racine. La moitié du temps
le désir de choses agréables vous frappe de ce côté-ci, et le
reste du temps l’insatisfaction et la souffrance vous atteignent
de l’autre côté. Ce ne sont que ces deux choses qui nous
tyrannisent et nous gouvernent tout le temps.
Parcourir la voie du milieu signifie que vous lâchez prise à
la fois du plaisir et de la souffrance. Pour pratiquer
correctement – samma patipada – vous devez suivre la voie du
milieu. Suivre la voie du milieu, en suivant le chemin du
Bouddha, est difficile et implique de la souffrance. Si vous ne
trouvez pas de satisfaction lorsque votre esprit a soif de
sensations agréables, c’est juste de la souffrance. Il semble que
tout ce qui existe n’est que ces deux extrêmes de bonheur et de
souffrance et tant que vous continuez de croire en ces choses,
vous aurez tendance à vous y attacher et à vous y investir. Ça
veut dire que quand vous vous fâchez avec quelqu’un, vous
commencer immédiatement à chercher un bout de bois avec
lequel les frapper – il n’y a pas de patience ou d’endurance. Si
vous aimez quelqu’un, alors vous aimez passer tout votre
temps avec, vous perdant complètement. C’est vrai, n’est-ce
pas? Vous tendez tout le temps vers ces deux extrêmes, la voie
du milieu ne reçoit jamais un regard. Mais le Bouddha ne nous
a pas enseigné à suivre les extrêmes. Il a dit que nous devions
progressivement en lâcher prise. Ça c’est la voie de samma
patipada – la voie pour sortir du devenir et de la naissance.
C’est le chemin sans devenir ni naissance, sans bonheur ni
malheur et sans bon ni mal. En tant qu’êtres humains ordinaires
non-illuminés qui êtes encore sujets au devenir, chaque fois
que vous tombez dans ce processus de devenir, vous manquez
de voir ce lieu d’équilibre du milieu. Vous passez en courant,
encore et encore, comme si vous tombiez la tête la première et
vous finissez par vous attacher à l’extrême du bonheur. Si vous
n’obtenez pas ce que vous voulez, vous rencontrez aussi la
souffrance dans l’autre direction, manquant le point milieu
encore et encore. A courir dans un sens et dans l’autre, vous
n’apercevez pas ce lieu d’équilibre où existent la paix et l’égalité
d’âme. Vous ne venez pas à vous arrêter à cet endroit au milieu
qui est libre de devenir et de naissance. Pourquoi? – c’est
parce que vous ne l’aimez pas. S’empêtrer dans les devenirs
est comme tomber dans un règne où vous êtes brutalisés par
des chiens féroces, et puis, bien que vous grimpiez vers le haut
pour tenter de vous échapper, votre tête est piquée et déchirée
par les becs d’acier de vautours et de corbeaux démoniaques.
C’est comme être coincé dans un règne d’enfer qui n’en finit
jamais. C’est ça la vraie nature du devenir.
Alors cet endroit où il n’y a ni devenir ni naissance, les
humains ne le remarquent pas vraiment. L’esprit qui n’est pas
illuminé ne parvient pas à le voir et par conséquent il passe et
repasse par-dessus. Samma patipada est la voie du milieu qu’a
suivie le Bouddha jusqu’à ce qu’il soit libéré du devenir et de la
naissance. C’est du dhamma abayakata – ni bon ni mauvais –
parce que l’esprit a lâché prise de tout. C’est la voie du samma.
Celui qui ne suit pas vraiment cette voie ne peut être un
véritable samana, car il ne fera pas l’expérience de la vraie paix
intérieure. Pourquoi cela? Parce qu’il prend encore part au
devenir et à la naissance; il est encore pris dans le cycle de
naissance et de mort. Mais la voie du milieu est au-delà de la
naissance et de la mort, le haut et le bas, la joie et la
souffrance, le bien et le mal. C’est la voie franche et la voie du
calme et de la retenue. C’est un calme qui se situe au-delà de
la joie et de la souffrance, des bonnes et des mauvaises
humeurs. Voilà la nature de la pratique. Si votre cœur a fait
l’expérience de cette paix, ça veut dire que vous êtes capables
de vous arrêter. Vous êtes capables d’arrêter de poser des
questions. Il n’y a plus besoin de demander à qui que ce soit.
Voilà pourquoi le Bouddha a enseigné que le Dhamma est
paccatam veditabbo vinnuhi – c’est quelque chose que chaque
individu doit connaître par lui-même. Vous voyez comment tout
est en accord avec ce qu’a enseigné le Bouddha et puis vous
n’avez plus besoin de demander à qui que ce soit.
J’ai brièvement parlé de ma propre expérience et pratique
: je n’avais pas tant de connaissances externes ou d’études des
écritures. En faisant des expériences et des investigations, j’ai
appris de mon propre esprit d’une façon naturelle. Chaque fois
qu’apparaissait le goût pour quelque chose20, je l’observais et
regardais où il menait l’esprit. Tout ce qu’il fait c’est vous
entraîner vers la souffrance. Alors ce que vous faites c’est
continuer à pratiquer avec votre propre esprit jusqu’à ce que
vous développiez peu à peu la conscience et la compréhension
– jusqu’à ce que vous voyiez le Dhamma par vous-mêmes.
Si vous voulez vraiment pratiquer, vous devez faire un
effort déterminé de ne pas proliférer ou penser autant. Si vous
commencez à méditer avec la soif d’avoir un certain type
d’expérience ou de gagner un certain état, alors il est mieux
d’arrêter. Quand vous commencez à faire l’expérience d’un peu
de calme, si vous commencez à penser : « Est-ce que c’est ça? »
ou « Ai-je atteint cela? », il vous faut prendre une pause et
rassembler toutes ces connaissances théoriques et les ranger
quelque part dans une boîte. Ne le soulevez pas comme sujet
de conversation. Le genre de connaissance qui naît de la
méditation n’est pas de cet ordre. C’est un genre complètement
nouveau. Lorsque vous faites l’expérience d’une véritable vision
intérieure, ce n’est pas comme la théorie. Par exemple, quand
vous écrivez sur papier le mot « cupidité », ce n’est pas pareil à
l’expérience de la cupidité dans l’esprit. Ça s’applique aussi de
la même manière à la colère; le mot écrit est une chose, mais
quand vous en faites l’expérience dans l’esprit, vous n’avez le
temps de rien lire – vous en faites l’expérience juste là, dans
l’esprit. C’est très important de comprendre cela.
La théorie écrite est correcte, mais au fond le Dhamma
doit être opanayiko (qui mène vers l’intérieur). Vous devez
l’intérioriser. Si vous ne l’intériorisez pas, vous n’acquérrez pas
vraiment de compréhension ou de vision pénétrante. Vous ne
ferez pas l’expérience de la vérité par vous-même. C’était pareil
pendant ma jeunesse. Je ne passais pas tout mon temps à
étudier, même si j’avais déjà passé les trois premiers niveaux
d’examens sur la théorie de Dhamma-Vinaya. J’ai eu la chance
de pouvoir aller écouter divers maîtres parler de leur pratique
de la méditation, mais au début je n’en tenais pas compte et je
ne savais pas écouter comme il faut. Je ne comprenais pas la
manière qu’avaient les maîtres de s’exprimer lorsqu’ils parlaient
de la pratique. Ils parlaient directement de leur expérience
personnelle, en décrivant comment ils étaient venus à voir le
Dhamma de l’intérieur de leur propre esprit plutôt que dans les
livres. Plus tard, quand j’avais fait plus de pratique par moi même,
j’ai commencé à voir la vérité de la même manière
qu’elle était décrite par ces maîtres. J’étais capable de
comprendre par moi-même, de l’intérieur de mon propre esprit,
ce qu’ils avaient enseigné. Enfin, après des années de pratique,
j’ai réalisé que tout ce savoir qu’ils avaient transmis dans leurs
enseignements venait de ce qu’ils avaient vu et dont ils avaient
directement fait l’expérience par eux-mêmes – ils ne
s’exprimaient pas juste à partir des livres. Si vous suivez le
chemin de la pratique qu’ils décrivent, vous ferez l’expérience
du Dhamma tout aussi profondément. J’en ai conclu que ceci
était la bonne façon de pratiquer. Il y a peut-être bien d’autres
façons de pratiquer, mais juste ça, c’était suffisant pour moi, et
je m’y suis tenu.
Vous devez persévérer à faire des efforts dans la pratique.
Au début, ce qui compte c’est d’être en train de le faire. Que
l’esprit soit en fait en paix ou non, ce n’est pas ça qui compte –
vous n’avez qu’à l’accepter tel qu’il est. Vous vous occupez à
créer des causes bénéfiques. Si vous êtes assidus dans la
pratique, vous n’avez pas besoin de vous soucier de ce que
seront les résultats. Il ne faut pas craindre de n’avoir aucun
résultat dans la pratique. Se soucier comme ça empêche
l’esprit de devenir calme. Persévérez. Bien sûr, si vous ne faites
pas la pratique, alors qui va gagner quoi que ce soit? Qui va
réaliser le Dhamma? Seul celui qui cherche réalisera le
Dhamma. C’est celui qui mange qui satisfait sa faim, pas celui
qui lit le menu. Absolument chaque humeur vous ment; si vous
ne vous en apercevez que dix fois, c’est mieux que rien. La
même vieille personne continue à mentir au sujet des mêmes
vieilles choses. Si vous êtes simplement conscient de ce qui se
passe c’est déjà bien, parce que ça prend si longtemps avant
même que vous ne soyez conscient de la vérité. Les souillures
essayent de vous induire en erreur tout le temps.
Pratiquer signifie essayer d’établir sila, samadhi et pañña
dans votre esprit. Rappelez-vous les qualités du Triple Joyau –
le Bouddha, le Dhamma et le Sangha – et lâchez prise de tout
le reste. Comme vous pratiquez juste là, vous êtes déjà en train
de créer les causes et les conditions d’illumination dans cette
vie-ci. Soyez honnête, sincère et continuez à le faire.
La nature de la pratique est telle que même si vous êtes
assis sur une chaise, vous pouvez encore fixer votre attention
sur un objet de méditation. Au début vous n’avez pas à vous
concentrer sur beaucoup de choses différentes, c’est déjà
suffisant de vous concentrer sur un seul objet, tel que la
respiration, ou tel qu’un mantra comme Buddho, Dhammo ou
Sangho utilisé en rythme avec la respiration. Lorsque vous fixez
l’attention sur la respiration, faites une détermination mentale
claire que vous n’allez pas la forcer de quelque manière que ce
soit. Si vous êtes dérangé par la respiration, c’est un signe que
vous n’êtes toujours pas en train de pratiquer de la bonne
manière. Si vous n’êtes pas à l’aise avec la respiration alors elle
vous semblera toujours trop courte ou trop longue, trop douce
ou trop forcée et vous ne vous sentirez pas confortable. Mais
une fois que vous vous sentez à l’aise avec et qu’il y a la
conscience de chaque inhalation et chaque exhalation, vous y
êtes. Ceci indique que vous pratiquez de la bonne manière. Si
ce n’est pas correct, vous errez encore. Si vous errez encore,
alors arrêtez la méditation et ré-établissez la présence d’esprit
sur la respiration. En cours de méditation, s’il survient le désir
de faire l’expérience d’autres choses, ou s’il vous arrive en fait
de faire l’expérience de divers phénomènes psychiques, tels
que des lumières vives ou des visions de palais célestes ou
d’autres choses similaires, ne craignez rien. Soyez attentifs à
de tels expériences et continuez à faire la méditation. Parfois
vous pouvez être en train de méditer et la sensation de la
respiration disparaît complètement. Il peut vraiment sembler
que ça ait disparu et vous effrayer. En fait, il n’y a pas lieu
d’avoir peur, ce n’est que vos pensées qui ont disparu, la
respiration est toujours là, mais elle s’opère simplement à un
niveau beaucoup plus subtil que d’habitude. Une fois qu’une
période de temps appropriée est passée, la sensation de
respiration reviendra d’elle-même.
Au début il faut pratiquer ainsi pour rendre l’esprit paisible.
Chaque fois que vous vous asseyez pour méditer – que ce soit
sur une chaise quelque part, dans une voiture ou sur un bateau
– vous devriez être capable de calmer l’esprit tout de suite en
focalisant l’attention sur votre objet de méditation. Vous devez
pratiquer à un tel point que, si vous montez en train pour
voyager quelque part, vous devriez être capable de vous
asseoir et entrer dans un état de calme, presque
immédiatement. Si vous vous êtes entraîné à fond comme ça,
vous serez capable de méditer n’importe où. Ça veut dire que
vous avez déjà de la vision pénétrante dans le chemin de la
pratique et pouvez utiliser cela comme base pour contempler
les objets de l’esprit : les vues, les sons, les odeurs, les goûts,
les sensations tactiles et les idées. Soyez conscients de toutes
les attirances et les aversions21 dont vous faites l’expérience
pour les choses et ne faites rien de ces états mentaux. Si vous
faites l’expérience d’un objet agréable, connaissez-le comme
agréable; si vous faites l’expérience d’un objet désagréable,
connaissez-le comme désagréable. Ceux-ci font partie de la
réalité conditionnée. Qu’ils soient bons, mauvais ou quoiqu’ils
soient, ils ont tous les mêmes caractéristiques, ils sont tous
aniccam, dukkham et anatta. Ces choses sont incertaines, alors
ne vous y attachez pas, ne vous y accrochez pas. C’est un
enseignement ou un mantra que vous devriez continuer à vous
répéter. Si vous continuez à voir ces trois caractéristiques,
pañña naîtra tout seul. Le coeur de la méditation vipassana est
de jeter chaque objet de l’esprit dont vous faites l’expérience
dans ces trois « fosses » d’aniccam, dukkham et anatta. Quoique
ce soit, que ce soit bon, mauvais ou pire, jetez-le dans ces trois
fosses et très vite vous commencerez à gagner de la sagesse
et de la vision pénétrante. Pañña commencera à naître par
petites quantités, ce qui est exactement ce dont il s’agit dans la
méditation. Persévérez à faire des efforts consistants dans la
matière. Vous avez gardé les cinq préceptes depuis de
nombreuses années maintenant, alors il est temps de vraiment
faire des efforts dans la méditation. Vous devez acquérir de la
vison pénétrante dans la vérité des choses pour que vous
puissiez lâcher prise, renoncer aux choses et être en paix.
Je ne suis pas très bon pour tenir de longs discours sur le
Dhamma. C’est difficile à tout mettre en mots. Si quiconque
veut savoir comment je pratique, il faut qu’ils viennent vivre ici.
S’ils restent ici assez longtemps, ils apprendront. Dans le passé
je me suis déplacé à pied pour aller étudier et pratiquer avec
différents maîtres. Je n’allais pas pour parler aux gens. J’allais
pour écouter divers Maîtres enseigner le Dhamma, je
n’essayais pas de leur enseigner. Tout ce qu’ils enseignaient,
j’écoutais; même s’ils étaient jeunes et qu’ils n’avaient pas une
grande réputation, j’écoutais, je n’allais pas pour discuter – je
ne voyais pas le besoin de discuter. Ce qui était important et
valait qu’on s’y intéresse, impliquait la renonciation et le lâcher
prise. Tout le but de la méditation est la renonciation et le lâcher
prise des choses. Finalement il est vain de faire de grandes
quantités d’études formelles. Jour après jour vous vieillissez de
plus en plus et si tout ce que vous faites c’est étudier les mots,
c’est comme courir après un mirage – vous ne saisissez jamais
vraiment la chose pour de bon. Il y a beaucoup de styles et de
méthodes de pratique et je ne les critique pas, tant que vous
comprenez ce qu’est la vraie signification et le véritable but de
la pratique. Si par exemple les pratiquants ne se tiennent pas
strictement au Vinaya, même s’ils ne font pas forcément si faux
que ça, je dirais qu’ils découvriront que c’est impossible
d’atteindre le succès ultime dans la pratique. C’est comme
d’essayer de contourner magga ou de sauter sila, samadhi et
pañña. Certaines personnes vous disent de ne pas vous
attacher à samatha, qu’il ne faut pas vous déranger avec ça et
qu’il suffit de directement passer au vipassana, mais dans ma
propre expérience, si vous essayez de sauter samatha et de
juste faire vipassana, ça ne mène pas au succès.
Ne méprisez pas la façon de pratiquer et la fondation que
nous ont laissés Tan Ajahn Sow, Tan Ajahn Mun, Tan Ajahn
Tongrut et Tan Chao Khun Upali. Si vous vous entraînez en
suivant dans les traces de ces Maîtres, c’est la voie la plus
directe à l’illumination, parce qu’ils ont en fait réalisé le
Dhamma pour eux-mêmes. Ils n’ont pas contourné la sila, ils
ont essayé d’être scrupuleux et impeccables avec ça. Leurs
disciples avaient le plus grand respect à la fois pour leur maître
et les régulations du monastère et pour la façon de pratiquer. Si
le maître vous disait de faire quelque chose, vous le faisiez. S’il
vous disait que vous faisiez quelque chose de faux et qu’il fallait
arrêter, vous arrêtiez. Ces maîtres enseignaient à pratiquer
avec détermination et sincérité jusqu’à ce que vous voyiez et
vous fassiez l’expérience de résultats dans votre propre esprit.
Par conséquent les disciples des grands Maîtres de forêt
avaient le plus profond respect et étaient en admiration devant
le maître, parce que c’était en suivant ses pas qu’ils en sont
venus à voir et à comprendre le Dhamma.
Alors essayez la manière que je vous ai suggérée. Si vous
faites la pratique, vous verrez et ferez l’expérience des résultats
par vous-même. Si vous pratiquez vraiment et investiguez la
vérité, il n’y a pas de raison que vous n’en fassiez pas
l’expérience exactement comme je vous l’ai décrit. Je dis que si
vous pratiquez de la bonne manière – ce qui signifie le
renoncement, parler peu, lâcher prise des vues et de la vanité –
les kilesa seront incapables de prendre pied dans l’esprit. Vous
êtes capable d’écouter paisiblement ceux qui disent ce qui n’est
pas vrai, tout comme vous êtes capables d’écouter ceux qui
disent la vérité, parce que vous savez comment contempler la
vérité par vous-même. Je dis que ceci est possible, si vous
faites vraiment des efforts dans la pratique. Mais ce n’est en fait
pas souvent que les érudits viennent pratiquer, il y en a encore
trop peu d’entre eux qui le font. J’ai un sentiment de regret que
nombre de mes coreligionnaires soient ainsi et j’essaie
constamment de les encourager à en venir à pratiquer et de
commencer à contempler.
Il est admirable que ceux parmi vous qui vous êtes formés
précédemment comme érudits ayez réussi à venir ici pour
pratiquer; vous avez vos propres qualités à offrir à la
communauté. Dans la plupart des monastères de village par ici,
c’est l’étude des écritures et la théorie qui sont mises en valeur,
mais finalement, ils étudient ce qui ne fait que continuer encore
et encore en un flux sans fin et ininterrompu. Ils ne parviennent
en fait jamais à interrompre le flux et à terminer. Ils ne font
qu’étudier ce qui est santati et sandhi, ou ce qui fait apparaître
la naissance continuelle. Si vous pouvez arrêter l’élan mental,
vous pouvez vraiment utiliser votre connaissance théorique
comme base de recherche et d’investigation de la cause de la
souffrance. Parce que la vraie nature de l’esprit ne dévie pas de
ce que vous avez appris dans les livres, c’est en accord avec
ce que vous avez étudié. Mais si vous étudiez sans jamais
pratiquer, vous ne saurez jamais vraiment. Une fois que vous
avez pratiqué, vous pouvez acquérir une connaissance
profonde, en voyant et en comprenant clairement dans l’esprit
les choses que vous avez étudiées dans les livres. L’important
c’est de commencer à pratiquer.
Alors allez vivre dans une petite hutte dans la forêt, faites
l’effort de vous former et d’expérimenter avec les
enseignements. C’est mieux que de simplement étudier la
théorie. Pratiquez le fait de débattre intérieurement du Dhamma
avec vous-même, de vivre en solitude et d’observer votre esprit
et votre coeur. Quand l’esprit est tranquille, il est dans un état
de normalité. Quand il quitte cet état de normalité, quand
diverses pensées et l’imagination apparaissent, alors c’est
sankhara.
Ces sankharas vont continuer à conditionner l’esprit,
alors soyez prudents et maintenez la conscience que vous en
avez. Une fois que l’esprit quitte l’état de normalité, il ne sera
plus samma patipada. Il ira soit en direction de
kamasukhallikhanuyoga soit dans celle de
attakilamathanuyoga. Ces deux tendances sont citta sankhara
qui conditionnent l’esprit. Si le conditionnement est sain, l’esprit
revêt des caractéristiques saines; si le conditionnement est
malsain, l’esprit en revêt des malsaines. Le processus se fait
dans l’esprit. Si vous pratiquez la conscience, en observant
l’esprit de près, c’est en fait très intéressant. Je serais heureux
de parler de ce seul sujet toute la journée.
Une fois que vous êtes conscient des mouvements de
l’esprit, vous pouvez voir le processus de conditionnement.
L’esprit a été élevé et formé par les souillures. Je le vois
comme une place centrale. Ces choses que nous appelons
cetasika (les facteurs mentaux) sont comme des visiteurs qui
viennent et restent à cette place. Parfois cette « personne-ci »
vient visiter, parfois cette »personne-là » et parfois quelqu’un
d’autre. Ils viennent tous rester à cet endroit unique. Toutes ces
visites qui naissent de l’esprit, nous les appelons facteurs
mentaux.
La façon de pratiquer est d’éveiller l’esprit et en faire « ce
qui sait », à attendre et se surveiller lui-même. Dès qu’un visiteur
approche, vous devez agiter votre main pour leur interdire
l’entrée. Où pourraient-ils s’asseoir alors que toute la journée
vous occupez le seul siège disponible, votre conscience étant
là au milieu, à recevoir tous les visiteurs qui viennent? Voilà ce
que veut dire « Buddho » : une conscience ferme et inébranlable.
Si vous pouvez soutenir cette conscience, elle gardera l’esprit.
Vous n’avez qu’à vous asseoir et à établir la conscience à cet
unique endroit, parce que c’est à cet endroit que sont venus
tous les visiteurs, depuis le temps où vous étiez un bébé,
pendant toute votre vie, jusqu’à présent. Alors vous devez
apprendre à tous les connaître et voici comment. Vous
maintenez simplement « Buddho ». Tous ces visiteurs vont
vouloir façonner et concocter l’esprit de différentes manières,
en conditionnant par là-même votre expérience. Ces états
conditionnés qui sont produits par les actions des visiteurs sont
appelés « facteurs mentaux ». Quelle que puisse être leur nature
et où qu’ils puissent mener l’esprit n’est pas la chose
importante. Votre boulot est d’apprendre à connaître ces
visiteurs qui passent. Chaque fois que les visiteurs arrivent, ils
vont voir qu’il n’y a qu’une chaise de disponible et tant que vous
l’occupez, ils n’auront nulle part où s’asseoir. Ils viennent avec
l’intention de parler avec vous, mais il n’y a nulle part qu’ils
puissent s’installer. Quel que soit le nombre de fois que ces
visiteurs viennent, ils continuent de voir la même personne
assise dans la même chaise à recevoir des invités, et cette
personne ne semble jamais partir. Combien de fois vont-ils
continuer à revenir? Tout ce que vous avez à faire est de resté
planté là à les recevoir et vous viendrez à tous les connaître.
Tout ce dont vous avez fait l’expérience depuis que vous avez
connaissance du monde viendra vous rendre visite à cet
endroit. Il n’y a que ça à savoir.
Si vous observez et contemplez le Dhamma à cet unique
endroit, vous serez capable de développer la vision pénétrante
capable de tout pénétrer. C’est ici que vous observez,
investiguez et contemplez pour vous-même.
Ça c’est juste des paroles au sujet du Dhamma, je ne peux
pas tellement parler de grand’ chose d’autre. C’est comme ça
que je parle du Dhamma, mais au bout du compte, ce ne sont
que des paroles au sujet du Dhamma. Ce qui est approprié
maintenant c’est en fait de pratiquer. Lorsque vous commencez
à le faire, vous vivrez diverses expériences au cours de la
pratique. Il y a évidemment des directions données à suivre qui
vous disent où aller et quoi faire… si ceci arrive, faites cela, et
ainsi de suite, mais souvent lorsque vous avancez et que ça ne
marche pas bien, vous devez réfléchir et ajuster votre
approche. Il peut vous arriver de devoir parcourir un long trajet
avant d’arriver à un panneau de direction, avant que vous ne
vous rendiez compte de la bonne route à suivre. Ça se résume
au fait que vous apprenez en commettant des erreurs et en
travaillant avec votre expérience jusqu’à ce que vous ayez
établi la bonne façon de pratiquer et que vous soyez au-delà du
doute. Si vous n’avez toujours pas découvert la bonne façon de
pratiquer, vous allez forcément tomber sur des doutes ou des
obstructions; alors vous devez continuer à pousser et à fouiller
à cet endroit-là. Une fois que vous investiguez, considérez-les
depuis plusieurs angles de vue, discutez-en à fond avec vousmême,
ceci marquera votre esprit vraiment profondément et
vous saurez quoi faire. Si vous vous retrouvez vraiment coincé,
vous pouvez consulter le maître, qui a beaucoup d’expérience à
confronter les obstacles en formant l’esprit et il pourra vous
conseiller sur la manière de pratiquer avec ces obstacles et de
les dépasser. Avoir accès à un maître peut être d’une immense
valeur – quelqu’un qui soit passé par là, qui connaît le terrain.
Quelqu’un à qui amener votre confusion, quelqu’un avec qui
parler de votre pratique.
Considérez la pratique avec des objets de l’esprit tels que
le son. Il y a entendre, et il y a le son – vous pouvez être
conscient du son sans en faire quoi que ce soit. Faites une
utilisation de phénomènes naturels comme ça pour contempler
la vérité, jusqu’à ce que l’esprit soit capable de séparer l’esprit
de l’objet. Il est possible de faire cette distinction parce que
l’esprit ne sort pas pour s’impliquer avec les choses. Lorsque
l’oreille entend un son, observez pour savoir si l’esprit est
emmêlé ou emporté par lui. Est-il dérangé? Si vous pouvez
savoir ou voir rien que ça, vous serez capable d’entendre des
sons sans être dérangés par eux. C’est ça la culture et
l’établissement de la présence d’esprit juste ici, à portée de
main. Ce n’est pas quelque chose que vous devez aller faire
quelque part d’autre. Même si vous voulez éviter le son, vous
ne pouvez pas vraiment y échapper. Ce n’est vraiment possible
« d’échapper » au son qu’en pratiquant. Ça veut dire former
l’esprit jusqu’à ce qu’il soit suffisamment ferme dans la pratique
de la présence d’esprit pour être capable de lâcher prise lors du
contact d’un sens. Il y a toujours l’ouïe, « entendre », mais au
même instant vous lâchez prise de l’objet. Dans ce cas, lorsqu’il
y a la présence d’esprit, ce lâcher prise est naturel. Vous laisser
le son être tel qu’il est. Vous n’avez pas à lutter pour séparer
l’esprit de l’objet, la séparation vous est suffisamment évidente
parce que vous pratiquer l’abandon, le lâcher prise. Même si
vous étiez enclin à suivre le son, l’esprit ne le poursuivrait pas.
Une fois que vous êtes pleinement conscient des formes,
des sons, des odeurs, des goûts, des objets tangibles et des
pensées, vous les verrez clairement tels qu’ils sont dans la
réalité, avec l’œil intérieur de la sagesse. Ils sont dominés par
les trois caractéristiques universelles de aniccam, dukkham et
anatta. Chaque fois que vous entendez un son, par exemple, il
y aura une vision pénétrante immédiate dans ces trois
caractéristiques pendant que vous faites l’expérience du
processus d’ouïe. C’est comme si vous ne l’entendiez plus,
vous ne l’entendez plus de la façon habituelle, parce que vous
voyez que l’esprit est une chose, et que l’objet en est une autre.
Mais cela ne veut pas dire que l’esprit n’est plus en train de
fonctionner. La présence d’esprit est en train de suivre les
évènements de près et de surveiller l’esprit à chaque instant. Si
vous êtes capables de développer votre pratique à ce niveau,
ça voudra dire que où que vous soyez et quoi que vous fassiez,
vous serez occupé à investiguer le Dhamma. Ça c’est
Dhamma-vicaya ou un des facteurs d’éveil essentiels22. Si ce
facteur est présent dans l’esprit, ça signifie qu’il y aura une
considération et une réflexion intensives et soutenues du
Dhamma qui se fera à tout moment, et ceci défera et relâchera
progressivement votre attachement au corps, aux sensations,
aux perceptions, aux pensées et à la conscience. Rien ne sera
capable de déranger ou de faire intrusion dans l’esprit lorsqu’il
est absorbé par son travail de réflexion.
Chez celui qui est expérimenté et qui a développé la
concentration, ce processus de réflexion et d’investigation se
fait automatiquement dans l’esprit – ce n’est pas quelque chose
auquel il faut penser ou qu’il faut créer. L’esprit sera
immédiatement adepte de la contemplation quelle que soit la
direction dans laquelle vous le dirigiez. Si vous pratiquez
comme ça, il y a une chose de plus qui se passe : une fois que
vous avez établi la présence d’esprit avant de vous endormir,
vous n’aurez plus l’habitude de ronfler, de parler dans votre
sommeil, de grincer des dents ou de vous tortiller dans tous les
sens. Si la méditation est établie dans l’esprit, tout ça disparaît.
Même si vous dormez profondément, lorsque vous vous
réveillez vous vous sentirez comme si vous n’étiez pas
endormi, et vous ne vous sentirez pas fatigué ou l’envie de
dormir. Dans le passé vous avez peut-être pu dormir en ronflant
sans compter, mais si vous développez vraiment l’éveil, ça ne
peut pas arriver. Comment pouvez-vous ronfler si vous ne
dormez pas vraiment? Ce n’est que le corps qui s’arrête et se
repose. Avec ce niveau de présence d’esprit, l’esprit est éveillé
à toute heure du jour et de la nuit. C’est Buddho : connaître,
éveil, clair et brillant de sa propre joie intérieure. A ce niveau
l’esprit a sa propre énergie qui s’auto-entretient et il est libre de
somnolence, même s’il ne dort pas dans le sens normal. Si
vous avez développé votre méditation à ce niveau, vous serez
capable de continuer pendant deux ou trois jours sans sommeil.
Même à ce moment-là, si vous commencez à vous sentir
fatigué parce que le corps s’est épuisé, vous pouvez vous
focaliser sur votre objet de méditation et entrer dans un état de
samadhi profond immédiatement, et grâce à votre habileté,
vous pourriez n’avoir besoin d’y rester que cinq ou dix minutes
pour vous sentir rafraîchi comme si vous aviez dormi toute un
jour et toute une nuit.
En ce qui concerne le fait de ne pas dormir, si vous êtes
au-delà de vous soucier du corps, alors il n’y a pas de
problème, mais vous devez savoir quelle quantité est juste.
Vous devez réfléchir sur l’état du corps et ce qu’il a traversé et
ensuite ajuster votre sommeil selon ses besoins. Quand vous
avez atteint ce niveau de pratique, vous n’avez pas besoin de
dire consciemment au corps ce qu’il doit faire, il se le dit lui même.
Il y a une partie de l’esprit qui est constamment en train
de vous pousser doucement à avancer. Même si vous vous
sentez paresseux, vous ne serez pas capable de vous laisser
aller aux humeurs parce qu’il y aura toujours cette voix vous
encourageant et vous suscitant à faire un effort appliqué. Vous
atteindrez un niveau où vous ne pouvez plus stagner, où la
pratique prend soin d’elle-même. Essayez! Vous avez déjà
assez étudié et reçu suffisamment d’enseignements, il est
temps d’utiliser ce que vous avez appris pour vous former.
Au début, kayaviveka (la réclusion physique) est très
importante. Il est bon de réfléchir à l’enseignement du
Vénérable Sariputta que kayaviveka est la cause de l’apparition
de cittaviveka (la réclusion mentale) et cittaviveka est la cause
de l’apparition de upattiviveka (la réclusion vis-à-vis des
souillures ou Nibbana). Certaines personnes disent que ce n’est
pas important et que si vous êtes paisible, vous pouvez vivre
n’importe où. C’est vrai, mais dans les premières étapes de
votre pratique, vous devez voir kayaviveka comme étant
vraiment nécessaire. Un jour vous devriez essayer de rester
dans un lieu de crémation solitaire, à des lieues de quiconque,
ou d’aller méditer dans un endroit de désolation et vraiment
effrayant. Faites de la pratique un défi pendant toute la nuit,
pour que vous sachiez vraiment ce que ça fait ressentir.
Dans mes premières années, je croyais aussi que
kayaviveka n’était pas si important. Ce n’était qu’une opinion
que j’avais qui, dans les faits, ne venait pas de l’expérience.
Une fois que j’ai commencé à pratiquer, je me suis mis à
appliquer les enseignements du Bouddha à ma méditation et je
me suis rendu compte comment au début kayaviveka donnait
naissance à cittaviveka. Quand vous vivez encore en ménage,
quel genre de kayaviveka obtenez-vous? Dès que vous passez
la porte d’entrée il y a de la confusion et des complications,
parce qu’il n’y a pas de réclusion physique. Si vous quittez la
maison et que vous allez dans un lieu de réclusion, alors
l’atmosphère de pratique est complètement différente.
Vous devez comprendre pour vous-même l’importance de
kayaviveka lorsque vous commencez à pratiquer. Une fois que
vous gagnez kayaviveka, vous avez besoin d’un maître qui
vous donne des enseignements et des conseils dans les
domaines où vous comprenez encore mal, parce qu’en fait,
c’est là où vous comprenez mal que vous pensez comprendre
correctement. Si vous avez un maître habile, il peut vous
conseiller jusqu’à ce que vous voyiez où vous vous trompez.
C’est d’habitude exactement là où vous pensiez que vous aviez
raison, parce que votre malentendu recouvre toute votre
pensée.
Certains moines érudits ont beaucoup étudié et investigué
les textes minutieusement, mais je recommande aux gens de
s’adonner à la pratique. Lorsqu’il est temps d’étudier, ça va bien
d’ouvrir les livres et d’apprendre la théorie et la forme
conventionnelles, mais lorsqu’il est temps de livrer bataille aux
souillures, il vous faut dépasser la théorie et les conventions. Si
vous essayez de vous battre en suivant de trop près le modèle
des livres, vous ne serez pas capable de vaincre vos
adversaires. Si vous voulez vraiment vous attaquer aux
souillures, vous devez aller au-delà des livres. C’est ainsi que
doit être la pratique dans la réalité. Les livres n’ont été compilés
qu’avec l’intention de fournir des enseignements sous forme
d’exemples. Si vous vous attachez trop aux livres, ils pourraient
même vous valoir de perdre votre présence d’esprit, parce qu’ils
ont été écrits sur la base des sañña et des sankhara des
auteurs, qui n’ont pas forcément compris que tout ce que font
les sankhara, c’est conditionner l’esprit. Avant même que vous
ne vous en aperceviez, ils sont partis vers les tréfonds de la
terre rencontrer des serpents magiques (nagas), et quand ils en
reviennent ils se mettent à parler le langage des serpents et
personne n’arrive à comprendre ce dont ils parlent. C’est tout
simplement fou.
Les Maîtres de la forêt n’ont pas enseigné à pratiquer
comme ça. Vous pouvez imaginer que les choses dans les
livres sont excitantes et intéressantes, mais ce n’est pas
comme ça. Nos maîtres nous ont montré la voie pour
abandonner les souillures et déraciner nos vues, notre vanité et
notre sens du « moi ». C’est une pratique qui implique une
confrontation avec la chair et le sang des souillures. Peu
importe le degré de difficulté qu’il y paraisse, vous ne devez pas
trop vous hâter de rejeter ce que vous avez hérité de ces
maîtres de la tradition de forêt. Il est possible de se faire de
profondes illusions au sujet de l’esprit et la pratique de
samadhi, parce que dans le courant de la pratique, des choses
qui sembleraient normalement peu probables peuvent en fait
arriver, alors vous ne pouvez pas toujours vous fier à vous même.
Que feriez-vous dans une pareille situation? Je me
méfie toujours de cela.
Pendant mes premières deux à trois années de pratique je
ne pouvais toujours pas vraiment me fier à moi-même, mais
après avoir acquis plus d’expérience en méditation et avoir
gagné en vision pénétrantes dans la dynamique de l’esprit, il n’y
avait pas de problèmes. Quelle que soit la chose qui se
manifeste au cours de la pratique, laissez faire. N’essayez pas
d’y résister. Si vous comprenez comment pratiquer, toutes ces
choses cesseront d’elles-mêmes, deviendront inoffensives.
Elles deviennent des objets de contemplation; vous pouvez les
utiliser comme matériau pour votre méditation et continuer de
façon détendue. Peut-être n’avez-vous pas encore essayé cela.
Vous avez déjà fait de la méditation auparavant, n’est-ce pas?
Parfois au cours de la méditation, des choses qui ne doivent
pas habituellement aller de travers peuvent le faire. Par
exemple vous pouvez vous asseoir avec une détermination :
« Cette fois pas question de traîner, je vais vraiment concentrer
l’esprit. » Mais ce jour-là vous n’arrivez à rien. Toutefois nous
aimons prendre des décisions comme celle-là. En fait j’ai
observé que la pratique se développe selon ses propres causes
et conditions. Certains soirs vous pouvez être assis en
méditation avec la pensée : « Bon, ce soir je ne quitte pas ma
paillasse au moins jusqu’à une heure du matin. » En pensant
comme ça vous vous êtes déjà mis dans un état d’esprit malhabile,
parce qu’en un rien de temps des sensations de
douleurs et d’inconfort vont envahir vos sens de toutes les
directions, au point de devenir si insupportable que vous
pourriez même penser que vous allez mourir. En fait l’esprit se
donne une durée dans le temps pour être assis tout à fait
naturellement sans avoir à estimer ou fixer des limites. Il n’y a
pas de point fixe ou de temps particulier à atteindre dans la
pratique. Qu’il soit sept, huit ou neuf heures, ce n’est pas la
chose la plus importante; continuez simplement de méditer, en
maintenant votre égalité d’âme et sans forcer les choses. Ne
soyez pas trop compulsif ou fixé dans vos vues des choses, et
n’essayez pas de contraindre votre cœur avec des déclarations
trop ambitieuses, comme : « Cette fois-ci je vais vraiment y
arriver pour de bon ! » C’est bien sûr ces fois-là que les choses
deviennent d’autant plus incertaines.
Il vous faut permettre à l’esprit de se détendre. Laissez la
respiration circuler facilement, sans la rendre trop courte ni trop
longue. N’essayer pas d’en faire quoi que ce soit. Laissez le
corps être à l’aise et continuez à investir des efforts dans la
méditation. Une voix se fera entendre pour demander :
« Combien d’heures vas-tu pratiquer ce soir? À quelle heure
cesseras-tu ta méditation? » Elle ne cessera de revenir pour
vous interroger, alors interrompez-la : « Eh toi, n’interfère pas! »
Vous devez continuer à la maîtriser, parce que toutes les
pensées de ce type-là ne sont que les souillures sous une
forme ou une autre, venues vous déranger. Ne leur prêtez
aucune attention, mais réprimandez-les : « Que je désire cesser
tôt ou tard, ce n’est pas de vos oignons! Même si je devais être
assis en méditation pendant toute la nuit, ça ne fera de tort à
personne, alors fichez-moi la paix » Continuez à les interrompre
ainsi et puis continuez à pratiquer à votre propre rythme. En
laissant l’esprit être à l’aise, il deviendra calme et vous
gagnerez une meilleure compréhension du pouvoir de
l’attachement et combien vous êtes affecté par la tendance à
créer des histoires et à donner une importance indue aux
choses. Il peut sembler que ça prenne une éternité (peut-être
plus que la moitié de la nuit) avant de découvrir que vous
pouvez vous asseoir avec aise, mais c’est une indication que
vous avez trouvé la bonne voie dans la méditation. Après vous
aurez des visions pénétrantes de combien votre attachement et
accrochement sont vraiment des souillures et qu’ils existent
parce que l’esprit se fait prendre par les fausses vues.
Il y a des gens qui allument un bâton d’encens devant eux
avant de s’asseoir pour méditer et prennent ensuite une
décision dramatique de ne pas se relever avant que l’encens ait
complètement fini de brûler. Puis ils commencent à méditer,
mais après seulement cinq minutes ils ont déjà le sentiment
qu’une heure entière est passée. Quand ils ouvrent les yeux
pour regarder le bâton d’encens, ils sont surpris de voir qu’il est
encore long. Ils referment les yeux et reprennent la méditation
et en un rien de temps, ils jettent à nouveau un coup d’œil à
l’encens. Alors bien sûr leur méditation ne les mène nulle part.
Ne soyez pas comme ça, c’est comme être un singe. Vous
finissez par n’accomplir absolument aucun travail. Vous passez
tout le temps de la méditation à penser à ce bâton d’encens, en
vous demandant s’il est terminé ou non. Former l’esprit peut
facilement en venir là, alors n’accordez pas trop d’importance
au temps.
En méditation, ne laissez tanha ou kilesa connaître ni les
règles du jeu, ni ce qu’est votre but dans la pratique. La voix
des souillures viendra vous demander : « Comment vas-tu
pratiquer? Combien vas-tu en faire? Combien d’effort vas-tu y
mettre? Vas-tu faire tard? » Elle continuera à vous embêter
jusqu’à ce que vous fassiez une sorte d’accord. Si vous dites
que vous prévoyez d’être assis jusqu’à deux heures du matin,
les souillures vont tout de suite commencer à vous harceler.
Vous n’aurez même pas été assis une heure et déjà vous vous
sentirez agité et impatient de terminer la méditation. Ensuite les
obstacles apparaîtront pour dire : « Est-ce tellement affreux que
tu risques de mourir? Je croyais que tu allais vraiment
concentrer l’esprit et pourtant vois comme il est encore
incertain. Tu as fais un voeu et tu n’as pas pu le tenir. » En
pensant comme ça, vous ne faites que créer de la souffrance
pour vous-même. Vous devenez auto-critique et finissez pas
vous détester. Vous souffrez d’autant plus qu’il n’y a personne
d’autre à utiliser comme bouc-émissaire et à accuser pour les
draps dans lesquels vous vous êtes mis. Si vous faites des
voeux ou prenez des déterminations irréalistes, vous vous
sentez tenu par l’honneur de les garder jusqu’à ce que vous
ayez eu du succès ou que vous mourriez en le faisant. Pour
faire les choses correctement de cette façon-là, vous devez
pratiquer intensément, sans rémission. Une autre façon est de
pratiquer plus tendrement, sans faire de vœux déterminés, tout
en maintenant un effort soutenu et persistant à vous former.
Vous trouverez parfois que l’esprit devient calme et que la
douleur dans le corps s’atténue. Toute cette raideur et cette
douleur dans les jambes disparaîtra d’elle-même.
Il y a donc cette voie équilibrée dans la pratique qui signifie
que vous observez tout ce dont vous faites l’expérience. Quoi
que vous fassiez, contemplez-le minutieusement et
n’abandonnez pas le travail de la méditation. Certaines
personnes croient que lorsque la méditation formelle se
termine, tout s’arrête et qu’elles peuvent prendre une pause,
alors elles lâchent prise de leur objet de méditation et cessent
de contempler. Ne soyez pas comme ça! Continuez de réfléchir
sur tout ce dont vous faites l’expérience. Que vous rencontriez
des personnes bonnes ou mauvaises, riches ou pauvres,
importantes ou insignifiantes, jeunes ou vieilles, continuez à
tout contempler. Voyez comment tout fait partie de la
méditation.
Contempler et investiguer le Dhamma signifie que vous
devez observer et réfléchir sur les diverses causes et conditions
qui influencent l’esprit. Contemplez les différents objets de
l’esprit : grand ou petit, bon ou mauvais, noir ou blanc. S’il y a
de la pensée, notez que l’esprit « pense » et remarquez combien,
dans la réalité, ce n’est que ça. Pour finir, toutes les
impressions mentales peuvent être mises en tas comme
aniccam, dukkham et anatta, pas pour s’en saisir et s’y
accrocher. Ça c’est le « cimetière » de tous les objets de l’esprit.
Jetez-les dans ces trois « fosses » et vous les verrez à la
véritable lumière de comment sont les choses.
Voir aniccam, par exemple, ne mène pas à la souffrance,
mais ça doit venir de la contemplation. Admettons que vous
acquériez quelque chose d’attrayant et qui vous plaise,
continuez à contempler cette sensation de bonheur. Il est
possible que vous utilisiez cette chose attrayante pendant un
certain temps et puis que vous commenciez à vous en lasser ;
et puis vous voulez vous en débarrasser ou la vendre; si vous
ne trouvez personne qui vous en débarrasse, il se peut même
que vous veuillez la jeter. Pourquoi ceci arrive-t-il? C’est à
cause d’aniccam. Si vous n’arrivez pas à le vendre ou à vous
en débarrasser, vous commencez à souffrir. C’est comme ça.
Une fois que vous avez vraiment vu ça clairement dans une
dimension, peu importe le nombre de fois que ça arrive, vous
parviendrez toujours à utiliser cette expérience pour vous aider
à voir au-delà des apparences. C’est la même histoire qui se
répète.
Des fois vous faites l’expérience de sons et de vues qui
sont déplaisants pour les oreilles ou les yeux, et qui amènent
de l’aversion. Notez ce sentiment de déplaisir et contemplez-le.
Peut-être qu’à un moment dans le futur les sentiments
changeront et vous commencerez à trouver du plaisir dans ce
qui vous déplaisait auparavant. Les choses que vous aimez
maintenant ont peut-être été la cause d’aversion dans le passé.
C’est comme ça des fois. Une fois que vous réalisez et que
vous voyez clairement par vous-même que toute expérience
plaisante ou déplaisante est aniccam, dukkham et anatta, alors
vous ne vous y attacherez pas. Vous en viendrez naturellement
à considérer tous les phénomènes comme égaux, avec la
même nature intrinsèque, et verrez toute chose comme étant
simplement des Dhamma apparaissant dans la conscience.
Mais je n’ai fait que parler de mon expérience dans la
pratique ici, telle qu’elle est pour moi, sans vouloir en faire quoi
que ce soit de spécial. Lorsque vous venez parler du Dhamma
avec moi, c’est mon boulot de vous dire ce que je sais. Mais
dans le fond, ce n’est pas quelque chose dont il vous faut parler
tout le temps, la meilleure chose est de se mettre à pratiquer.
C’est comme quand vous appelez un ami pour l’inviter à aller
quelque part ensemble. Vous leur demandez : « Y vas-tu? » et il
dit oui, alors vous partez les deux tout de suite, simplement et
sans histoires. C’est ça la manière de pratiquer.
Si vous faites l’expérience de différentes sortes de
nimitta23 pendant la méditation, telles que des visions d’êtres
célestes, avant tout il est important d’observer l’état de l’esprit
de très près. N’oubliez pas ce principe de base. L’esprit doit
être calme pour que vous fassiez l’expérience de ces choses.
Soyez vigilant de ne pas pratiquer avec le désir de faire
l’expérience de nimitta, ni avec le désir de ne pas en faire
l’expérience. S’ils apparaissent, contemplez-les et ne les
laissez pas vous induire en erreur. Réfléchissez au fait qu’ils ne
sont pas vous et qu’ils ne vous appartiennent pas. Ils sont
aniccam, dukkham et anatta, tout comme les autres objets de
l’esprit. Si vous en faites l’expérience, ne laissez pas trop votre
esprit s’y intéresser ou s’étendre sur eux. S’ils ne disparaissent
pas d’eux-mêmes, ré-établissez la présence d’esprit. Mettez
toute l’attention sur la respiration, en prenant quelque
inspirations très profondes. Si vous prenez trois inspirations très
profondes vous devriez être capable d’interrompre les nimitta.
Vous devez continuer de rétablir la conscience de cette
manière à mesure que votre pratique continue.
Ne voyez pas ces choses comme étant vous ou vous
appartenant. Ils ne sont que des nimitta qui peuvent décevoir
l’esprit et l’induire à ressentir de l’attrait, de l’aversion ou de la
peur. Les nimitta induisent en erreur et sont incertains. Si vous
Nimitta : un signe ou une apparition qui peut avoir lieu en termes de vision, d’ouïe,
d’odorat, de goût, de toucher ou d’impression mentale et qui naît basé sur la citta et non pas
l’organe du sens y-relatif. en faites l’expérience, ne leur donnez pas une importance indue
et ne courrez pas après, parce qu’ils ne sont pas vraiment vous.
Dès que vous faites l’expérience de nimitta, vous devez
immédiatement retourner votre attention pour examiner l’esprit
lui-même. N’abandonnez pas ce principe de base dans la
pratique. Si vous oubliez ce principe, vous aurez tendance à
être embrouillé par les nimitta et pouvez être induit en erreur ou
même devenir fou. Il se peut que vous soyiez parti si loin que
vous ne puissiez plus converser sur la même longueur d’onde
avec d’autres gens. Quelle que soit l’expérience que vous
fassiez, la chose à laquelle vous pouvez vous fier le plus et
dont vous pouvez être le plus certain, c’est votre propre
sagesse. Si vous faites l’expérience de nimitta, observez
l’esprit. Il doit être calme, pour que vous en fassiez l’expérience.
La chose importante est de voir nimitta comme non-soi. Ils
peuvent être utiles à quelqu’un avec de la sagesse, mais
nuisibles à quelqu’un qui n’en a pas. Continuez de pratiquer
jusqu’à ce que vous ne soyez plus excité par les nimitta. S’ils
apparaissent, ils apparaissent ; s’ils n’apparaissent pas, ils
n’apparaissent pas. N’en ayez pas peur. Si votre sagesse s’est
développée jusqu’au niveau où vous faites confiance à votre
propre jugement, vous n’aurez pas de problème. Au début vous
êtes excité par les nimitta parce qu’ils sont nouveaux et
intéressants et il y a un désir d’en faire l’expérience. Vous en
êtes satisfaits et ça c’est une forme d’illusion. Vous n’avez peutêtre
même pas envie d’être attiré par eux, mais ça arrive et
vous ne savez pas quoi faire ni quelle est la bonne façon de
pratiquer, et ils deviennent alors une source de souffrance. Si
l’esprit se retrouve de bonne humeur à cause d’eux, n’en faites
pas cas. Etablissez la conscience de la bonne humeur et
connaissez-la comme une souillure et quelque chose qui est
elle-même incertaine. C’est ça la manière sage de lâcher prise
de votre attachement. N’essayez pas de le faire en vous disant
: « Je ne veux pas être de bonne humeur, pourquoi y a-t-il de la
bonne humeur? » Ça c’est la mauvaise manière de le faire. C’est
méditer avec la vue erronée. C’est aller de travers juste ici, à
portée de main, et non pas là-bas au loin. Il n’y a aucune raison
de craindre nimitta ni n’importe quel autre aspect de la
méditation. Je ne fais que vous décrire certaines des choses
qui peuvent arriver, parce que j’ai fait certaines expériences;
toutefois vous devez emporter ceci et contempler par vous même
si ce que j’ai dit est juste ou faux. Voilà, ça suffit pour
l’instant.
– [retrouvez la partie 1 de cette présentation.->https://www.buddhachannel.tv/portail/spip.php?article3004
]
– retrouvez la partie 2 de cette présentation
Puissent tous les êtres se libérer de la souffrance.
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