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Chine – Taoïsme et communisme (1949-1979)

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Chine – Une politique hostile

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D’entrée de jeu le gouvernement communiste applique aux centres taoïstes le même traitement qu’aux autres religions, au bouddhisme en particulier, en les considérant eux aussi comme des groupes « contrôlés principalement par les classes réactionnaires de l’intérieur qui s’en servent pour dominer ». Sa politique initiale s’oriente en deux directions. D’une part l’expropriation de nombreux temples et monastères et de leurs biens fonciers en vertu de la réforme agraire. On y installe des écoles, des ateliers, des casernes, ou les logements des paysans à qui les terres ont été distribuées. D’autre part le clergé taoïste est contraint de « participer à la production », ce qui revient en bien des cas à sa laïcisation forcée. Par exemple les daoshi restés au temple Baiyun Guan de Pékin sont réduits en 1950 à un effectif de vingt-quatre, qui va continuer de baisser. La pression pour leur engagement dans les activités productives ne se relâche pas et se sert de chaque campagne de rééducation du peuple. Ainsi, lors du lancement des « communes populaires », en 1958, les coopératives agricoles bouddhistes-taoïstes publient le rapport suivant : « Cette année, sous la direction correcte et avec les encouragements du Parti et du gouvernement, nous, boudhistes et taoïstes de Nanyue, avons suivi une série de leçons sur le socialisme qui ont amélioré notre conscience socialiste, nous ont fait clairement comprendre la lutte entre les différentes positions et nous ont aidés à vaincre le capitalisme sur le front économique, politique et idéologique. Nous avons également exprimé notre entière adhésion aux communes populaires… Nous nous engageons à organiser les religieux de nos coopératives, âgés de 45 à 65 ans, pour qu’ils participent à la production et au travail des cuisines selon leurs capacités physiques, de manière à améliorer leur position… ». Le pouvoir cherche à éliminer des aspects du taoïsme qu’il juge inacceptables : terrains et bâtiments vacants, personnel religieux improductif, quêtes d’aumônes,etc. Une affaire qui a fait du bruit a été la destruction de statues de grande valeur dans l’un des centres taoïstes les plus fameux, sur le mont Wudang Shan (Hubei) : en 1955 et 1956, les autorités locales vendirent, au poids, des centaines de statues de bronze à des fonderies. La nouvelle suscita de telles protestations que les autorités de la province durent intervenir pour ramener le calme.


Le taoïsme subit aussi une vigoureuse hostilité du gouvernement contre ses pratiques superstitieuses, assimilées à celles de la religion populaire, et surtout contre les menées souterraines des sociétés secrètes qui tirent de lui leur inspiration. La politique officielle est d’interdire toutes les pratiques superstitieuses et de dénoncer les sociétés secrètes comme des organisations contre-révolutionnaires, en arrêtant leurs chefs. En 1953, par exemple, le comité militaire de Shanghaï les a expressément interdites : « La notification indique clairement la mise au ban de la « secte de l’unité » (Yiguan Dao), de la « secte des neuf temples » (Jiugong Dao) et de trois autres douzaines de cultes taoïstes réactionnaires… Ces cultes trompent les masses… pendant qu’en fait leurs membres sont engagés secrètement dans des activités contre-révolutionnaires ».


Beaucoup des affiliés des sectes se sont insurgés contre les mesures de restriction. Ils ont continué leurs activités religieuses et politiques. Ils ont aussi offert une protection à des agents nationalistes. Habitués à vivre cachés, à se déplacer très vite, ils donnent du fil à retordre aux autorités. Celles-ci ont beau se vanter d’en avoir arrêté et éliminé un grand nombre, elles n’en finissent pas de rapporter leurs mouvements en bien des provinces. Ils doivent d’avoir survécu à leurs capacités de mimétisme, d’adaptation, à la souplesse de leur organisation interne et à des activités illégales : fraudes, extorsions de fonds, qui les distinguent à peine des sociétés secrètes à buts illégaux. La presse offcielle annonce fréquemment des condamnations aux travaux forcés et des exécutions capitales de membres de ces sociétés et de religieux taoïstes.

Le contrôle par l’association taoïste


Plus tard un autre aspect de la politique officielle à l’encontre des organismes religieux a été le contrôle absolu exercé sur eux de l’intérieur par les autorités gouvernementales. La campagne pour les trois autonomies lancée dans ce but à la fin des années 50 a conduit à la fondation de l’association taoïste chinoise en 1957.


Le comité préparatoire se réunit en novembre 1956 et la première assemblée nationale se tient au mois d’avril suivant au Baiyun Guan à Pékin: Yue Chonddai, du temple Taiqing Gong de Shenyang, est élu président et Chen Yingning, secrétaire. L’assemblée accueille des représentants des centres taoïstes même éloignés. Elle fixe ses buts officiels: « Unir tous les fidèles taoïstes du pays, continuer à développer les traditions positives de la religion, participer activement à la construction socialiste de la patrie sous la direction du gouvernement du peuple, aider le gouvernement à mettre en application la politique religieuse, stimuler et promouvoir la recherche sur le taoïsme, s’opposer à l’hégémonisme et protéger la paix mondiale ».


En fait, le gouvernement veut donner une unité d’organisation à la foi taoïste, traditionnellement très divisée, afin de pouvoir mieux contrôler les manifestations religieuses et sociales de ses sectes et sociétés secrètes. En gage de leur bonne volonté, les autorités gouvernementales financent la restauration de temples et de monastères célèbres.


L’association taoïste tient sa deuxième assemblée nationale en 1961 : Chen Yingning est élu président et Lai Yuhang, secrétaire général. Sous l’impulsion du nouveau président, l’Association, en plus de ses engagements antérieurs, ouvre un institut de recherche chargé de la publication d’oeuvres historiques et du « Bulletin de l’association taoïste chinoise » (Zhongguo Daoxiehuikan), lance des cours de formation pour le personnel des centres religieux, encourage des échanges avec l’étranger.

L’élimination des « superstitions contre-révolutionnaires »


Au début de la Révolution culturelle en 1966, l’association taoïste est dissoute et ses activités sont arrêtées, les quelques temples encore en activité sont fermés ou occupés par des unités de production agricole. Leur patrimoine culturel et artistique est inexorablement détruit et toute activité religieuse, absolument interdite. Les rares daoshi sont dispersés, contraints de se marier et de se séculariser ou condamnés comme « contre-révolutionnaires » à la rééducation dans des camps de travail. Décrivant plus tard la situation des taoïstes pendant la Révolution culturelle, la phraséologie officielle répètera: « Pendant ces dix années de chaos, les temples et les monastères ont été fermés, le clergé taoïste a été chassé et renvoyé à la maison ». Quand la Révolution culturelle éclate, il reste peu de daoshi au Baiyun Guan de Pékin, astraints à étudier les écrits de Mao. Les bâtiments sont en majeure partie transformés en salles de cours, laboratoires, bibliothèques et salles de réunion, ornés partout d’inscriptions du genre : « La bienveillance du Parti communiste est vaste comme la mer, les mérites de Mao Zedong sont hauts comme les montagnes » .


Autre exemple, le sort du centre taoïste de Louguantai 12 près de Xi’an dans le Shaanxi, qui comptait 140 daoshi en 1949. Pendant les dix années de désordres à partir de 1966, Longuantai comme tous les autres centres culturels et historiques subit de graves dommages. Beaucoup de ses monuments et de ses objets de valeur historique et culturelle sont détruits, de même que dix mille rouleaux d’écritures et de livres, des milliers d’articles eligieux. Le sanctuaire des « Trois purs » (San Qing), et le temple Zongsheng Gong dans lequel il se trouve, édifiés sous la dynastie Yuan et vieux de 670 ans, sont réduits à un amas de décombres. Pendant la même période le temple Shuojingtai est occupé par une unité de travail et ses daoshi sont chassés.

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