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Hélène Marinetti : Le Sanskrit, le Son et le Sens, de l’Etre humain divin

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LE SANSKRIT, LE SON ET LE SENS, DE L’ETRE HUMAIN A L’ETRE DIVIN


Helene_Marinetti.jpgDiplômée de latin-grec, Hélène Marinetti[[Site web : H.M : Il est d’une richesse formidable. On peut former des mots à l’infini. Par exemple, il y a plusieurs mots sanskrits pour désigner «la pensée», rendant compte de différents aspects de ce mot et des plans de conscience impliqués.
Parmi eux, on trouve Manas, mental perceptuel relié aux sens ; Citta, qui est plutôt l’étoffe consciente, comprenant aussi l’inconscient et la mémoire ; Caitanya est un niveau de conscience supérieur ; Cetas pourrait se traduire par l’esprit réflexif ; Buddhi est l’intellect discriminant, capable d’intuition ; Dhî est la pensée, mais Tarka est la pensée qui doute, examine etc. Ce sont les mots les plus habituels. Ces différentes racines peuvent être associées à des préfixes qui en affinent, développent ou orientent le sens : MAN, CIT, BUDH, DHÎ, TARK etc. De plus, le même mot peut prendre des sens différents, variant selon le système philosophique, l’époque, l’auteur même. Le mot MÂYÂ en est un exemple. Dans le Veda, il désigne l’univers manifesté (ce qui est «mesurable» exactement ) ; dans le Vedanta, c’est la grande enchanteresse qui crée l’Illusion. Différents niveaux de langage, qui ne s’excluent pas mais ajoutent du sens, au contraire. Chaque mot est une brique subtile, pour construire un pont vers l’éternité.

A. : De quoi est composé un mot sanskrit ?

H. M. : La plupart du temps, un mot sanskrit est formé à partir d’une racine, qui a presque toujours un sens d’action. Cette racine sert de base pour former toutes sortes de mots, à l’aide de préfixes et de suffixes, par dérivation, comme dans toutes les langues indo-européennes. La polysémie du sanskrit est remarquable. Souvent le même mot peut avoir plusieurs sens : un sens de base, qui peut se décliner, sur le plan de la psychologie, de la vie spirituelle, désignant aussi un art, une fleur ou un arbre, un animal ou un astre. La variabilité est quelquefois déconcertante. Casse-tête pour les traducteurs. Mais cette ouverture du champ, cette constellation de sens rend cette langue fascinante. Elle nous parle de l’Unité d’une vie unifiée, non fractionnée en une multiplicité de compartiments étanches. Elle communique la vie qui se poursuit, sans rupture, de plan en plan. Présence constante de ce fil sacré qui relie tous les plans de conscience.

A. : Comment enseignez-vous le sanskrit ?

H.M : J’enseigne le sanskrit depuis vingt ans. J’ai mis au point un cours par correspondance d’à peu près mille pages et une vingtaine de cassettes audio, ce qui m’a demandé cinq années de travail. Mes élèves mettent également quatre à cinq ans à le parcourir ! Il faut ressentir un appel, une sorte de vocation, disposer de temps et être persévérant si on veut étudier le sanskrit.

A. : Qui sont ceux qui apprennent le sanskrit ?

H.M. : Ceux qui montrent de l’intérêt sont souvent des enseignants et pratiquants du yoga, des thérapeutes, énergéticiens, des linguistes ou amateurs de langues, des chercheurs spirituels. Parmi mes élèves, il y a ceux qui font le cours par correspondance, à leur rythme, et aussi ceux – ce sont souvent les mêmes – qui suivent mes cours et séminaires, dans le sud, pour pratiquer d’une manière vivante le chant, l’étude des textes et de la langue. La vibration du sanskrit est toujours au centre de ces activités.

A. : Que recherchent-ils ?

H.M. : L’étude de cette langue concerne tous ceux qui sont à la recherche d’une conscience plus claire, d’un intellect plus lumineux, ceux qui désirent aller au-delà des apparences, pour se relier à une vérité plus haute, par l’intuition. C’est une rencontre avec la Beauté, la Transcendance. L’expérience de la vibration des Mantra (2) est transformante. On touche à l’essentiel, à la vérité et à la force. On va toucher la lumière, le divin.

A. : Pouvez-vous expliquer ce concept de lumière ?

H.M. : La racine DIV signifie «briller, être lumineux». Le mot latin dies vient de cette racine sanskrite. Notre mot «Dieu» dégage tout à coup un sens particulier, lorsqu’il résonne avec le sanskrit : dieu, c’est la lumière. Le mot Deva signifie «être de lumière», éternel et puissant gardien de l’ordre cosmique. Les Deva mentionnés dans la Bhagavad-Gîtâ représentent aussi les fonctions de nos organes de connaissance. Dans l’œil, dans l’oreille, dans le nez… se trouve un petit dieu, gardien des portes, qui capte ce qui vient à la conscience, éclairant notre champ d’expérience. Il faut veiller à bien le nourrir ! D’un mot et de sa constellation de sens et d’usages, on passe de l’expérience individuelle à une conscience universelle, parce que tout est relié, tous les plans, de l’humain au divin. Dans le Shivaïsme, on dit que chaque syllabe de l’alphabet est une matrice, une petite mère – mâtrikâ-, où réside l’éclat de la conscience. C’est ainsi que cette langue véhicule la lumière, ou le divin.
Quelle merveille !
J’ai une devise : «Samskritam sukham»
Le sanskrit est délice.


(1) Mesure hindouiste du temps qui dure 432 000 ans.

(2) Dans l’hindouisme et le bouddhisme, support de méditation, formule très condensée, ou série de syllabes assemblées en fonction de leur seule efficience magique intrinsèque, répétée de nombreuses fois suivant un certain rythme.

Par Hélène Marinetti

Source : Revue Acropolis

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