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vén. Shinjin — Qu’il est loin ton Chemin, Bouddha

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VEN. SHINJIN : QU’IL EST LOIN TON CHEMIN BOUDDHA…


Introduction à mon cycle d’enseignements sur 3 ans.

Ven._Shinjin.bmpA un élève qui me demandait à quoi il s’engageait en venant participer à la méditation et aux cours de Base sur l’Enseignement du Bouddha, je lui répondis « Uniquement à découvrir et à rencontrer ta nature de Bouddha ; c’est à dire, à partir de la compréhension juste, réaliser l’amour et la compassion qui sont en toi ». C’est à cela que nous convie depuis plus de 2500 ans l’enseignement d’un Homme, témoin de son Éveil ; rien de plus d’ailleurs que ce que le Me Jésus a enseigné. Alors, c’est sur ce chemin que je vous invite, dès maintenant, à vous mettre en marche, chemin que chacun parcourra à son rythme, à ses capacités d’intégration, à ses niveaux personnels. Ceci sans prendre ombrage de ses « ratés d’allumage », de ses doutes s’ils génèrent des remises en questions salutaires, non des ressassements perturbateurs et erronés ou des enthousiasmes réactivement débordants et ravageurs. C’est un chemin que chacun entreprendra de son propre chef, personne ne pouvant le faire à sa place, à son rythme, selon sa compréhension et ses facultés personnelles. Bouddha a dit: « Je vous ai ouvert le chemin, à vous de le prendre ».

Ce chemin ne sera valable qu’à ces conditions seulement:
– Ne pas vouloir entreprendre ce chemin pour prouver quelque chose, ou montrer sa soi-disant supériorité spirituelle (j’ai fréquemment entendu parler de la supériorité de ceux qui se mettaient en chemin par d’éminents vénérables, des trois véhicules ; on croit rêver … )
– ne pas vouloir faire la même chose que son voisin,
– ne pas vouloir absolument imiter l’enseignant,
– ne pas se culpabiliser de ne pas y arriver du premier coup, ni vouloir arriver à tout prix
– ne pas médire en sourdine de celui qui a des difficultés à assimiler, ni envier celui qui progresse facilement,
– ne pas s’abstraire silencieusement du groupe pour marquer sa différence,
mais par contre, il sera profitable à vous qui avez décidé d’:
– entreprendre ce chemin non pour (l’ambition), mais parce qu’il fait partie de vous-mêmes et qu’il vous réunit avec vous-mêmes et l’Univers
– apprendre à comprendre d’abord ce que vous êtes, pour mieux comprendre les autres ensuite,
– aspirer à devenir en harmonie avec vous-même pour être vraiment en harmonie avec tous vos semblables.

Telle est la Voie qui mène à l’extinction de la Souffrance.

Aussi longtemps que nous nous concevons comme ayant quelque chose à faire pour devenir différent, nous restons pris au piège : celui de l’état d’esprit d’être un moi et nous ne pouvons jamais comprendre correcte-ment quoi que ce soit. Si vous opérez de la sorte, peu importe le nombre d’années durant lequel vous méditerez ou vous pratiquerez, vous ne comprendrez jamais l’enseignement, vous serez ainsi toujours à côté du but. La manière directe de voir les choses maintenant, c’est à dire tout ce qui apparaît et disparaît dans votre esprit ou votre conscience mentale ne signifie nullement que vous rejetiez quelque chose. Cela veut dire que vous regardez d’une autre manière, une manière dont vous n’aviez jamais pris la peine de regarder auparavant.

Vous cherchez une vision et une compréhension de ce qui est ici. Ainsi, si vous rentrez dans cette salle de méditation en pensant : « je dois passer cette heure à chercher le Bouddha, à essayer de devenir quelque chose, à essayer de me débarrasser de toutes ces pensées mauvaises qui m’assaillent, je dois m’asseoir et pratiquer fort pour essayer de devenir ce que je devrais devenir…, donc je vais rester assis ici pour essayer de me débarrasser de certaines et par contre essayer d’obtenir d’autres choses en m’accrochant à celles-ci », votre pratique méditative (concentration correcte s’il en est …) tient de l’acharnement, de l’effort démesuré, contraignant, mais se soldera toujours par un échec.

Mais, si au lieu d’avoir cette attitude « agrippante », vous rentrez ici en étant conscients tout simplement des états de votre esprit, en voyant surgir, en perspective, le désir de devenir, le désir d’abandonner quelque chose, le désir de faire quelque chose ou par contre l’impression que vous n’y arriverez jamais, que vous êtes déjà un expert ou malheureusement un profond ignorant, vous commencerez à prendre conscience, à voir que tout ce que vous expérimentiez est en fait une condition changeante, mouvante, impermanente.

Regardez comment vous vous voyez dans la perspective de vouloir devenir Bouddha plutôt que de mettre en vous quelque chose en marche correspondant à votre nature propre de Bouddha, masquée par votre ignorance du chemin pour la réessentialiser. C’est ce que l’on appelle l’attention ou sathi. Cette attention correcte ou sammâ sati fait l’objet d’une longue étude, un bon semestre dans la contemplation studieuse de l’Octuple Noble Sentier.

Le Bouddha Gautama était quelqu’un dont la sagesse provenait de l’observation attentive de la Nature, des états de l’esprit et du corps. Ne croyez pas que cela est impossible à chacun de nous, nous avons tous un esprit et un corps, il nous reste plus qu’à les observer. Cette observation ne tient pas, n’est pas due à des pouvoirs extraordinaires ou particuliers, mais bien à une ordinarité magistrale, celle de voir. Le temps n’est pas différent de celui où vivait le Bouddha, les gens ne sont pas plus différents maintenant, avec leur lot d’avidité, de haine, d’orgueil, d’ignorance, d’ego débordant de toutes part, de peur et de colère.

Ne réfléchissez pas sur les doctrines bouddhiques, sur les multiples niveaux de réalisations, nous ne feriez qu’introduire la confusion dans votre mental déjà envahi de doutes. Vous n’avez pas à comparer votre état à celui d’une échelle des valeurs que vous trouveriez soi-disant dans un grimoire miraculeux. Ce qui est important, c’est la connaissance de vous-mêmes que vous allez acquérir afin qu’aucun état du corps ou du mental ne vous soit plus étranger et ne vous maintienne plus dans l’ignorance.

Si vous me rétorquez: « je ne peux pas faire tout cela, je ne suis qu’une personne ordinaire, un simple laïc, quand je pense à faire tout cela, je me rends compte que c’est une tâche écrasante pour moi et que je ne pourrai jamais y arriver », je vous répondrai: « si vous décrétez que vous ne pourrez pas le faire, en y ayant mûrement réfléchi, vous ne pourrez pas le faire, c’est certain. Un point c’est tout. Mais, si vous arrêtez d’y réfléchir et que vous commencez à le faire, à le mettre en marche simplement, modestement dans la mesure de vos moyens, de votre compréhension, de vos capacités d’assimilation, vous verrez… »

Ainsi vos pensées sur… telles ou telles choses, aspects, voire même les doctrines ne vous amèneront qu’au doute. Ceux qui réfléchissent, leur vie durant, sur la Vie, ne sont-ils pas ceux qui ne peuvent quasiment rien faire et ne font rien en fait. Par contre, si vous estimez que cela doit être fait, faites le, immédiatement, sans retard, ni répit. Je parle souvent des messages que la vie nous adresse au travers des différentes situations auxquelles nous sommes confrontés quotidiennement: la déprime, la maladie, le bonheur. Ces messages contiennent tous des leçons, des occasions d’apprendre qui vous sont offertes à votre insu. Sachons en profiter pour développer cette compréhension qui lève progressivement le voile de notre ignorance.

Apprenez d’abord, continuer ensuite silencieusement à pratiquer l’écoute et l’observation de votre mental, de votre corps, faites-en même un certain mode de vie. Vous observerez au fur et à mesure que la compré-hension des situations se clarifiera d’elle-même. Vous constaterez, au fur et à mesure de votre progression dans cette compréhension, que vous n’aviez pas à vouloir obtenir ce que vous aviez déjà, et qu’il n’y avait rien à rejeter puisque ce rien fait aussi partie de la compréhension. Cette compréhension vous amènera petit à petit à l’absence de crainte de vouloir ou de ne pas avoir eu, cette compréhension se base sur l’enseignement du Bouddha en particulier celui du N.O.S.

C’est celle du Noble Octuple Sentier qui mène à la cessation de la souffrance ou dukkha-nirhoda. Cette noble vérité est connue sous le nom de Sentier du Milieu ou Majjimâ Patipadâ, puisqu’elle est censée nous permettre d’éviter les deux extrêmes :
– l’abandon aux plaisirs des sens et à leur dépendance, menant à l’insatisfaction et à la souffrance,
– la recherche du bonheur reposant sur la mortification et l’excès d’ascèse, ceci étant douloureux et sans profit.

Quel est-il dans les grandes lignes ce Noble Octuple Sentier ?

– Compréhension juste (sammâ ditthi)
– Pensée juste (sammâ sankappa)
– Parole juste (sammâ vâcâ)
– Action juste ( sammâ kammanta)
– Moyens d’existence justes (sammâ ajîva)
– Effort juste ( Sammâ vayâmâ)
– Attention juste (sammâ sati)
– Concentration juste (sammâ samâdhi)

Il n’est pas une partie, même la plus infime, des enseignements du Bouddha qui n’y fasse à quelque part référence de près ou de loin, étant le fil conducteur de celui-ci. Il convient de dire qu’il est plus efficace et efficient de développer ces différents paliers le plus simultanément possible selon les capacités de chacun, car ces huit étapes du N.O.S. sont interdépendantes et interactives.

Au même titre que les Trois Caractéristiques, les Trois Confiances, les Cinq Agrégats, les Cinq Étapes, les sept Obstacles, les Dix liens… tout disciple de Bouddha, qui se respecte ou se veut comme tel, doit connaître le N.O.S. sur le bout des neurones. J’ai remarqué souvent que beaucoup de fidèles n’en avaient que des connaissances imparfaites, voire erronées. Certaines écoles le dénomment Nirvâna, à savoir l’état final auquel il amène si on suit toutes ses prescriptions à la lettre (vous savez ce que je pense de la lettre …), de là à être un fin lettré, il n’y a qu’un pas … certainement le premier dans le N.O.S. (à ne pas redoubler sauf pour les chiens !).

Mais est-ce dans une application aveugle et non discernante que le disciple du Bouddha réalisera la véritable essence de ce chemin, de cette Voie qui cristallise la compassion altruiste ? Est-ce aussi dans une imitation, condamnée par Bouddha lui-même, que le disciple forgera son propre chemin ? Est-ce aussi dans une soumission dévote à quelconque little-feet gourou que le disciple trouvera la quintessence de son être, de sa nature propre de Bouddha ?

Il me semble modestement que le disciple doit entreprendre ce chemin par lui-même, de sa propre initiative, non conditionné par quelqu’aspiration élitiste, ni surtout par quelque conditionnement opératif, voire culpa-bilisant d’un maître qui ne serait pas au-dessus de tout soupçon. Maître qui le dirigerait péremptoirement, lui imposerait une manière de faire, de voir, plutôt que de l’inviter à définir sa ligne directrice et ses options en le laissant pratiquer son entier libre-arbitre.

Trop de gens encore s’imaginent avec la meilleure volonté du monde que le maître est là pour les guider dans le Chemin « tout cuit d’avance » comme on fait une visite guidée du château de Chambord, d’Amboise ou de Versailles. C’est au disciple et ce n’est qu’à lui seul de faire ses découvertes, ses expérimentations, d’en tirer ses déductions et conclusions qui lui appartiennent en propre, faisant de son chemin, non celui des autres ou de quelque gourou manipulateur, mais le sien propre qui l’amènera à sa libération, à son nirvâna (avec ou sans nanas…).

Il faut éviter de croire aussi que le chemin est éloigné, inaccessible ; loin de là, il se concrétise par notre pratique quotidienne, attentive et persévérante, dans la prise de conscience et la compréhension correcte de l’interrelation entre nous et ce qui nous entoure. Le Chemin est ce que nous en faisons jour après jour, heure après heure, il est sous nos pas dans l’Ici et Maintenant. Alors, nous pouvons entonner : « Qu’il est près ton chemin, Bouddha …! » Peut-être trop près pour être pleinement appréciable et apprécié … ? Parce qu’il est sous nos pas à l’insu de notre plein gré comme l’aurait dit Richard Virenque et que nous y marchons dessus sans le savoir comme le disciple gentilhomme !!


Par le vén. Shinjin

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