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Les débuts de l’Islam en Chine

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Les commencements


L’histoire a retenu que des Arabes ont noué des relations avec la Chine et fait avec elle des échanges commerciaux, principalement par voie maritime, dès avant 500 après J.C. et que quelques-uns d’entre eux s’y sont installés, surtout sur les côtes méridionales, dans la province actuelle de Canton.


La mosquée de Xi'ang, une des plus anciennes mosquées en Chine
La mosquée de Xi’ang, une des plus anciennes mosquées en Chine


La dynastie Tang (618-907) a marqué un âge d’or des relations extérieures de l’empire chinois. Celui-ci, sûr de son patrimoine culturel, accueillit alors volontiers les influences extérieures et se montra prompt à assimiler les formes et les thèmes culturels des pays avec lesquels il entrait en rapport. Il en vint même à admettre la diffusion de croyances religieuses étrangères, comme le bouddhisme, rejoint par une grande floraison : zoroastrisme, manichéisme, nestorianisme, en plus de l’islam.


Cette ouverture s’est d’abord limitée au commerce et à l’art militaire. Depuis des siècles, les marchands étrangers faisaient le voyage de la Chine à travers l’Asie centrale et s’infiltraient dans l’empire. Selon les sources historiques, à Chang’an, des commerçants venus du centre et de l’ouest de l’Asie vendaient des vins en bouteille et des bijoux. Le négoce des matières précieuses était surtout le fait des Persans, experts reconnus dans l’estimation des pierres dotées de pouvoirs magiques. Les communications maritimes connurent un développement rapide. Des vaisseaux de transport faisaient la navette entre Canton, Chuanzhou, Hangzhou, Yangzhou et les ports du Golfe persique.


Mahomet vivait encore quand, selon la légende, quatre de ses premiers disciples vinrent en Chine répandre l’islam parmi les Arabes qui y résidaient. Abu Waqqas l’aurait prêché à Canton, en y faisant construire en 627 le premier minaret, utilisé en même temps comme phare pour les bateaux, d’où son nom de Guangta. Saad Lebid Alhabshi serait allé dans le Fujian, à Changzhou et à Quangzhou, où fut construite la première mosquée, appelée Qilinsi ou mosquée de la licorne.


En tout cas, moins de dix ans après l’hégire (622), une communauté musulmane s’est déjà formée sur les franges de la Chine, en attendant que le processus d’expansion de l’islam pousse les Arabes vers les régions de l’Asie centrale, leur fasse battre la Perse en 636, à Kadisiyad, et rejoindre le Khorassan, aux confins des royaumes tributaires de la Chine. Ce processus entraîne aussi la conversion à l’islam des tribus d’origine turque et mongole du centre de l’Asie, déjà en rapport avec l’empire chinois. L’entrée officielle de l’islam en Chine date de 651, quand arrivent en première ambassade à Chang’an les envoyés du calife abbaside Osman Ibn Affan. Ils exposent à l’empereur Yongwei de la dynastie Tang l’histoire du califat, ses us et coutumes et les bases de la foi islamique. Dans la suite des siècles, spécialement des Tang aux Song du sud (618-1125), se succéderont quarante-sept autres ambassades arabes, venues par terre ou par mer, pour des buts pacifiques ou à cause de conflits armés.


Une bataille entre troupes arabes et chinoises a lieu à Talas en 751, parce que Tashkent, pays tributaire de la Chine, a demandé de l’aide contre la traîtrise de la Chine qui veut l’annexer. Mais ce n’est qu’un épisode secondaire puisqu’en 755 le jeune empereur chinois Su Tsung appelle à la rescousse les troupes musulmanes du calife abbaside Abu Ja’far Al-Mansur pour mater la rébellion d’An Lushan, que des délégations officielles des sultans ommayades d’Arabie continuent de venir dans le sud et que les relations commerciales se maintiennent. Les échanges restent si fructueux qu’en 760 on dénombre quatre mille familles arabes dans la seule ville de Chang’an (aujourd’hui Xi’an), capitale de la dynastie Tang.


Avec le continuel va-et-vient des marchands et l’installation de soldats musulmans en Chine, des communautés musulmanes se développent en nombre et en influence dans les principales villes de la route de la soie et dans les ports les plus fréquentés des côtes chinoises. Elles ont le monopole du commerce des marchandises arabes, jouissent de privilèges et d’une relative autonomie de gestion (elles ne peuvent toutefois traiter les affaires commerciales que dans le quartier qui leur est assigné). On les appelle Fanke, hôtes étrangers. Ils habitent des Fanfang, quartiers étrangers. Dirigés d’ordinaire par un chef responsable, Fanzhang ou Qadi, ils vivent regroupés autour de leur mosquée et de leur propre cimetière. Ils se mêlent aussi aux Chinois par le biais des mariages entre un musulman et une femme chinoise.


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Les Chinois ont d’abord donné aux Arabes des noms divers, surtout dans le sud. Puis, probablement à cause de la prédominance au nord des musulmans de Perse, ils ont désigné tous les musulmans du nom persan de Tashih, en distinguant les « Tashih habillés en blanc » au sud, les Arabes, et au nord les « Tashih habillés en noir », les Persans. « Il n’y avait pas seulement des Arabes : ils appartenaient à neuf autres groupes ethniques, en majorité persans. Mais tous étaient musulmans. Des marchands juifs venaient nombreux aussi en Chine, au point qu’ils purent réclamer la construction de deux synagogues à Kaifeng, capitale du Henan. Chose étrange, ce ne sont pas les Arabes qui ont exercé l’influence islamique en Chine, ils n’ont été que son avant-garde. Quand les musulmans chinois, même dans le Fujian et à Canton, récitent le Coran, leur prononciation et leur intonation restent nettement persanes. Bien que la lecture soit encore faite en arabe, leur alphabet de base, leurs idiomes, leur langage familier et le vocabulaire de leurs prières sont persans plus qu’arabes. Cependant rites et modes de prière sont uniformes. Les musulmans chinois suivent l’école hanafite avec une teinte de pensée chiite ».


Cependant la prospérité et l’influence des musulmans dans les quartiers où ils vivent éveillent peu à peu des sentiments hostiles dans la population chinoise, jusqu’à la persécution ouverte de 878, quand l’insurgé Banshua (Huang Chao) s’empare de Canton et ordonne le massacre des étrangers. Selon Abu Zaid, voyageur arabe de l’époque, « les personnes bien informées des évènements de la Chine rapportent qu’en plus des Chinois massacrés, ont péri cent vingt mille mahométans, juifs, chrétiens et mages qui vivaient dans la ville comme commerçants ». Après le massacre, beaucoup de musulmans se camouflent en prenant un nom chinois. Une autre persécution soudaine des musulmans, surtout persans, a déjà éclaté en 787 quand les forces rebelles de Tian Shen Kong tuent cinq mille étrangers à Yangzhou (la Yonju de Marco Polo), alors port important sur le Yangseu-kiang, dans le Jiangsu actuel.


NDLR

Traduction EDA d’un article publié en italien dans le numéro 21 de CINA OGGI

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