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Vers une Société plus féminine

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Lu sur www.buddhaline.org


Par Jean-Claude Cartier


Sommaire :

– Une égalité encore relative

– Une économie masculine

– Une écologie féminine

– syché et Techné

– La part d’ombre


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Une égalité encore relative



Aujourd’hui, les femmes commencent à récolter les fruits d’une revendication qui remonte au temps des suffragettes et qui a pris son essor dans les années soixante. Beaucoup de droits restent, bien entendu, à conquérir, et l’égalité est encore loin d’être atteinte dans bien des domaines ; mais il est vrai que, par rapport à l’Européenne du 19ème siècle ou à la musulmane des pays intégristes, la femme occidentale moderne jouit d’un statut qu’aucune de ses sœurs n’avait connu dans toute l’histoire du patriarcat.



Certains hommes, de leur côté, s’ouvrent de plus en plus aux aspects féminins de leur psyché, ce qui les conduit, d’une part à mieux comprendre les femmes, à les seconder dans les tâches ménagères et à les accueillir sur les lieux de travail, voire aux postes à responsabilités, et d’autre part à aborder le monde – et à se comprendre eux-mêmes – d’une manière plus complète et moins violente.



Ce monde, lui aussi, semble commencer à se
féminiser, avec ses diverses tendances à ne plus avoir systématiquement
recours aux guerres pour régler les divergences entre nations, à se préoccuper d’écologie et non plus seulement d’économie, ou à tolérer de plus en plus les différences…



Tout ceci tendrait à démontrer que ce ne sont pas seulement les femmes, mais bien le féminin qui retrouve voie au chapitre, à notre époque ; et que la société future verra peut-être enfin naître une culture équilibrée où le féminin et le masculin pourront également s’épanouir.



Cela dit, femmes et hommes n’ont jamais été plus seuls – et condamnés à l’incommunicabilité – qu’en ce début du 21ème siècle où les divorcés et autres célibataires sont légions. Jamais, non plus, les problèmes psychologiques et affectifs, pour ne pas dire les maladies mentales et les suicides, n’ont été aussi nombreux.



A aucun moment de son histoire l’humain ne s’est trouvé aussi brutalement réduit au rôle de consommateur… quand ce n’est pas de produit de consommation. La valeur mercantile du corps de la femme, par exemple, relève certainement plus d’un mépris machiste du féminin que d’une volonté de le glorifier. D’autre part, il nous faut bien admettre que beaucoup de femmes renient purement et simplement leur féminité pour accéder aux pouvoirs autrefois réservés aux hommes, méprisant ainsi les valeurs féminines d’une manière pour le moins pathologique.



Quant au monde, jamais, non plus, il n’avait été aussi violemment menacé par l’armement nucléaire, la pollution ou la surpopulation…



La réalité psychologique des femmes et le statut du féminin se portent-ils donc si bien que ça ?




Une économie masculine



Le monde moderne apparaît indéniablement, sous bien des rapports, comme paradoxal : exclusion et solidarité, capitalisme et socialisme, matérialisme et spiritualisme, gaspillage et écologie, s’y côtoient étrangement. En fait, nous assistons proprement au fondu enchaîné entre deux sociétés, l’une fondée sur des valeurs masculines, probablement en train de disparaître dans un épouvantable chaos comme s’écroula l’empire romain à son époque ; et l’autre, plus féminine, apparemment en train d’émerger très timidement et dans des balbutiements bien souvent grotesques.

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«la société future verra peut-être enfin naître une culture équilibrée où le féminin et le masculin pourront également s’épanouir.»




Alain Mamou-Mani (1) résume cette situation en mettant en rapport une éco-nomie masculine et une éco-logie féminine, actuellement en affrontement pour ce que chacune des deux parties considère comme le salut de l’humanité.



Dans l’antiquité, précise cet auteur, seules les femmes s’occupaient de l’économie, dans la mesure où ce terme, pris dans son sens étymologique (oïcos logos), signifiait  » la marche de la maison « . Mais, peu à peu, cette économie se masculinisa. Ce fut, tout d’abord, la tendance croissante à accumuler les produits de l’agriculture et à distribuer l’excédent de la production dans des villes de plus en plus importantes, où se développa une nouvelle classe sociale, les bourgeois qui, pour faciliter ce type de transactions, systématisèrent l’emploi de l’argent. Nous étions ainsi passés d’une ère où l’homme s’épanouissait dans un environnement naturel, à l’ère de l’humanité des villes, d’une humanité 100% culturelle.



A partir de cette étape, l’homme en question voulut conquérir d’autres espaces et d’autres hommes… et leur imposer ses propres valeurs. Peu à peu, encore, la religion se sépara du séculaire et de la science. En réalité, la nouvelle religion devenait l’économie.


Et, en fin de parcours, nous en arrivons à la domination de l’homme sur toute la planète… et à l’épuisement des ressources naturelles.




Une écologie féminine



En réaction à cet immense gâchis, un mouvement résolument inverse s’est élevé depuis les années soixante, prônant le rejet de la société de consommation, le retour à la terre, la paix et l’amour, la recherche d’une alliance avec le cosmos et d’un dialogue avec Dieu…


Parallèlement à l’émergence de cette contre-culture ou de la création d’associations comme Greenpeace ou la S.P.A., l’establishment se dotait d’institutions telles que les offices de protection de la nature, les parcs naturels, les ministères de l’environnement…


Toutes ces orientations, plus que le seul M.L.F., ont sans aucun doute contribué au renouveau du féminin dans une société où la domination exclusive des valeurs masculines nous conduisait tout droit à l’autodestruction.




Psyché et Techné



Un autre aspect de la domination actuelle du masculin sur le féminin peut s’observer à travers la toute puissance de la technique qui, de toute évidence, est l’expression de la volonté virile de contrôler les lois de la nature, voire de les asservir. Il n’est d’ailleurs que de constater quelle place occupent les innovations technologiques dans la vie du  » grand public « , par rapport à la quasi inexistence d’intérêt touchant aux nouvelles productions artistiques, pour comprendre à quel point Techné écrase Psyché.



Car il ne s’agit pas, comme le dit si bien Jean Letschert (2), d’aller rendre des hommages hypocrites aux muses dans ces cimetières que l’on appelle  » musées « , mais bien de danser en leur vivante et vibrante compagnie ; et, pour l’artiste, de se laisser inspirer par elles afin de produire des images dans lesquelles le collectif pourra se reconnaître et l’individu partir à la recherche de toutes les formes du logos…



Dans l’antiquité, les muses, filles de ce Zeus qui présidait à l’éclair de Conscience, et de Mnémosys, la mémoire, descendaient de la Montagne pour inspirer le poète et l’artiste, et ainsi régénérer le monde visible et lui donner un sens. La Muse, alors, était un rêve s’incarnant dans le sensible pour lui conférer une forme. Mais aujourd’hui où la  » mise en forme  » de notre conscience passe par ce que l’on appelle  » information  » – et une information, qui plus est, épouvantablement incontinente -, tous les grands paradigmes, y compris l’image du féminin, sont irrémédiablement désacralisés et banalisés.



Et c’est sans doute ce qui fait dire à Jean Letschert, comme à beaucoup de spiritualistes, que la technique et la pléthore d’information stérilisent la psyché et tuent les Muses.




La part d’ombre



Il ne faudrait toutefois pas rendre le patriarcat responsable de l’état du monde. Agnès Favard (3) nous le rappelle fort pertinemment : les femmes ne se sont jamais levées pour pacifier la terre.



Selon cet auteur, il n’y a, en effet, ni matriarcat ni patriarcat, mais une humanité, composée pour moitié d’hommes et de femmes. Et les structures de civilisation ne sont que le signe du degré d’évolution du psychisme humain.



Or, dit-elle encore, dans le psychisme actuel, Eros n’en a pas fini avec son frère d’ombre Thanatos. Et, tant que nous n’aurons pas converti cette part d’ombre en puissance de vie, le féminin ne pourra pas advenir.



Sommes-nous donc encore loin d’assumer le véritable féminin ?



Pour Agnès Favard, en tous cas, la meilleure façon de le manquer est précisément de croire qu’on l’assume !


(1) Alain Mamou-Mani : Economiste, auteur de  » Le mariage de l’économie et de l’écologie  » – Payot.


(2) Jean Letschert : Artiste symboliste, philosophe védantiste, auteur de  » Le Temple Intérieur  » – Trigramme.


(3) Agnès Favard : Psychothérapeute et formatrice, fondatrice de l’ITREC, auteur de  » Y a-t-il une révolution du féminin ? « .


Jean-Claude Cartier

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