En Thaïlande, depuis 2004, les conflits entre nationalistes musulmans et nationalistes bouddhistes ont repris dans le sud du pays.
Proportionnellement beaucoup plus nombreux que les musulmans avec 95% d’adeptes, les bouddhismes craignent de plus en plus pour la sauvegarde de leur religion.
Paranoïa ou réalité ?
Lorsque l’on regarde les chiffres, on met très vite de côté la paranoïa prétendue des moines bouddhistes. Pas moins de 2 000 personnes ont trouvé la mort depuis 2004. Les attaques qui eurent lieu dans les trois provinces du sud du pays visaient tant les mosquées que les pagodes, c’est-à-dire tant les musulmans que les bouddhistes.
Mais peut-on parler de guerre de religion pour autant ?
Les musulmans veulent l’indépendance que les bouddhistes leur refusent.
Il ne s’agit pas ici de convertir qui que ce soit, mais d’asseoir la domination de sa propre religion sur un territoire.
Le problème vient de quelques musulmans qui assassinent depuis plusieurs années les moines, proies hautement symboliques. Beaucoup de moines ont été assassinés en moto-taxi. Un ou deux hommes se jettent sur le moine, la moto étant à l’arrêt et lui tranche la gorge, avant de disparaître. Chaque semaine, plusieurs moines ont ainsi été tués. Pour pallier à ce problème, les moines voyagent maintenant dans des cages plastiques ou métalliques, ce qui diminuent le nombre de meurtres à la sauvette.
Ici, c’est la violence qui a d’abord été choisie depuis 2004 perpétrant la mort de 2000 thaïlandais, dont plus de 500 moines. Avec la montée du terrorisme et les divers attentats pour la plupart attribués à des extrémistes islamiques, il n’est pas difficile de comprendre la peur et la méfiance des bouddhistes à l’égard de la religion musulmane. Un éditorialiste du Bangkok Post, Sanitsuda Ekachai déclarait à ce propos : « cette campagne nationale en faveur de la religion (bouddhiste) s’inscrit dans un contexte caractérisé par une forte paranoïa au sein du clergé (bouddhique) dirigée contre l’islam du fait des violences dans le sud ».
Mais comment cohabiter si aujourd’hui la religion bouddhiste est reconnue comme religion nationale ? Quelle place pour les autres religions telles que l’islam, mais aussi la religion chrétienne ? Par ailleurs, faut-il accepter que moins de 5% de la population fasse pression sur le reste du pays en utilisant le terrorisme comme règle ?
Quelques jours après la publication du projet constitutionnel, des centaines de moines sont descendus de nouveau dans les rues pour protester. En effet, le texte ne mentionnait toujours pas de religion nationale.
Le 25 avril, 9 éléphants menés par des bonzes en robe couleur safran ont défilé dans les rues avec ce mot d’ordre : « tant que le bouddhisme ne sera pas inscrit dans la Constitution, les manifestations continueront. »
Alors comment rendre justice à 95% du pays sans pour autant de pas déprécier ni laisser pour compte les 5% restant ? Comment préserver l’unité de la nation ?
Ce que demandent les groupes bouddhistes est très précis. Ils veulent que l’article 2 de la Constitution soit modifié. Ainsi, « La Thaïlande a un régime de gouvernement avec le roi pour chef de l’Etat » se transformerait en « La Thaïlande a un régime de gouvernement avec le roi pour chef de l’Etat et le bouddhisme comme religion nationale ».
Revendication légitime ?
Ici, les groupes bouddhistes prétextent une obligation de l’Etat de préserver les lieux historiques bouddhistes du pays.
Dans le journal Bangkok Post, on pouvait lire dernièrement : « de telles craintes ne sont pas dénuées de fondement, mais pour autant elles ne justifient pas que le bouddhisme soit consacré religion officielle par la Constitution. Les bouddhistes sont sans doute animés des meilleures intentions, mais dans le sud, où les violences paraissent sans fin, le fossé d’incompréhension entre musulmans et bouddhistes se creuse toujours davantage, si bien que toute tentative d’officialisation du bouddhisme pourrait être facilement
Ainsi tous les thaïlandais, qu’ils soient bouddhistes ou non n’adhèrent pas au mouvement.
Ici le Bangkok Post montre très bien que cette revendication ne favorise pas la paix nationale thaïlandaise, si une note de considération envers les autres croyances n’est pas ajoutée par la même occasion.
Le premier ministre a déclaré ne pas écarter la possibilité d’inscrire la clause revendiquée dans le projet de Constitution qui sera soumis à un référendum en septembre prochain. Il a néanmoins ajouté que le gouvernement thaïlandais devait prendre en compte les autres religions telles que le christianisme et l’islam et qu à ce propos, une clause devrait être ajoutée à la future Constitution.
En juillet prochain un projet de Constitution définitif devrait être rendu officiel.
Si celui-ci ne répond pas aux attentes des deux parties les violences risquent de reprendre et les tensions de s’aggraver.
Quelle unité possible pour la Thaïlande ?
Adeline Journet pour www.buddhachannel.tv