Accueil Actus Un jeune Tibétain qui retrouve le sourire

Un jeune Tibétain qui retrouve le sourire

161
0

Quand Agnès Charron, présidente de l’association Liberté au Tibet, arrive, ce matin-là, au Centre d’accueil des demandeurs d’asile (Cada) de la rue Zuber, à Mulhouse, le visage de Tenzin Dekyong – ce sont ses deux prénoms – s’illumine et le jeune Tibétain salue sa visiteuse en la serrant dans ses bras. L’un et l’autre ne se connaissent que depuis la mi-aôut. La barrière de la langue les empêche de se parler sans l’intervention d’un interprète. Mais la complicité entre la militante associative haut-rhinoise et le demandeur d’asile de 25 ans est évidente, tout comme leur joie de se revoir.

tibetain-5.jpg

Un angoissant voyage

Les circonstances de leur rencontre ? On va y venir. Mais avant, quelques mots du parcours de Tenzin Dekyong. Ce fils d’agriculteurs a grandi dans un village du Kham, région traditionnelle du sud-est du Tibet, aujourd’hui à cheval sur plusieurs entités chinoises (la région autonome du Tibet et les provinces du Sichuan et du Yunnan). Après une scolarité courte, interrompue notamment pour épauler ses parents, le jeune Tibétain entre dans un monastère en 2009, relate-t-il dans un récit de vie préparé dans le cadre de sa demande d’asile. « J’ai commencé à étudier les bases du bouddhisme tibétain […] J’ai reçu la bénédiction du 14e Dalaï-Lama et je suis devenu un véritable moine bouddhiste. J’avais comme projet de m’exiler en Inde. » Mais, poursuit-il, sa demande de passeport est refusée par les autorités chinoises. Tenzin Dekyong proteste. Se sentant en danger, il décide de quitter le pays. Moyennant une forte somme d’argent, un réseau de passeurs lui permettra de gagner l’Europe avec de faux papiers, un voyage qu’il détaille ainsi : départ en avion, le 12 mai dernier, de Chengdu, la capitale de la province chinoise du Sichuan, pour Bangkok ; de là, cap sur Istanbul, via la Malaisie ; traversée en bateau pneumatique de la Turquie vers la Grèce ; vol pour l’Espagne, puis nouvel avion pour arriver, le 22 juin, à Paris. Ces semaines sont très éprouvantes. « J’étais tellement angoissé que je ne trouvais pas le sommeil, je ne dormais que deux heures par jour » , raconte aujourd’hui le jeune homme, arrivé dans l’Hexagone dans un état d’épuisement. « Les premiers jours, je dormais tout le temps » , dit-il en souriant.

« Maintenant, je suis libre »

Quand on lui demande quel était son sentiment en foulant le sol français, Tenzin Dekyong confie : « J’étais très, très content. Je me suis dit : maintenant, je suis libre. » De Paris, l’ex-moine repart tout de suite pour Nancy, avec un autre Tibétain. Là, il loge dans une famille tibétaine et noue des relations avec d’autres compatriotes. Il entame ses démarches de demande d’asile. L’Ofii (l’Office français de l’immigration et de l’intégration) lui trouve une place en Cada. Mais c’est à Mulhouse.

« J’étais très triste »

Tenzin Dekyong arrive au Cada mulhousien de la rue Zuber – qui est géré par l’association Appuis – le 1er août. Dans la Cité du Bollwerk, il ne connaît absolument personne. Il ne peut pas échanger avec l’équipe du Cada et les autres résidents, ne parlant que le tibétain (hormis quelques rudiments de chinois). Ses compagnons nancéiens lui manquent. « J’étais très triste » , résume-t-il pudiquement. Ahmed Lachhab, chef de service adjoint du pôle asile et réfugié d’Appuis, en témoigne lui aussi : « Il était vraiment très mal en arrivant chez nous. Il était tout seul. On ne pouvait pas communiquer. Il voulait repartir à Nancy. La seule chose qu’il savait dire, c’est : “Go Nancy”. »

Le jeune Tibétain est libre de retourner à Nancy. Mais en quittant la place en Cada qui lui a été attribuée à Mulhouse, il s’exposerait à perdre à la fois la petite allocation que l’État verse aux demandeurs d’asile en attente d’une décision et le droit à l’hébergement. « Ce serait ce qu’on appelle un refus d’orientation » , explique Ahmed Lachhab. Alors pour pouvoir faire comprendre à Tenzin Dekyong cet enjeu très important pour lui, mais aussi pour lui permettre de sortir de sa détresse en renouant des contacts dans sa langue, l’équipe du Cada s’est mise en recherche de personnes tibétophones. Elle a pris attache avec l‘association Liberté au Tibet, qui s’est émue de la situation de Tenzin Dekyong et s’est immédiatement mobilisée.

Le jour même, Agnès Charron a invité le jeune demandeur d’asile mulhousien à venir passer le week-end chez elle, à Bennwihr. Par une heureuse coïncidence, elle et son mari recevaient chez eux deux amis népalais. « Ce sont nos guides quand nous allons au Népal et ils sont de l’ethnie sherpa, ils parlent un dialecte tibétophone. » Les deux hommes ont bien volontiers accepté de jouer les interprètes entre Tenzin Dekyong et le couple alsacien. « Ça lui a permis de communiquer pendant ces deux-trois jours. Et on l’a emmené en montagne, dans le massif du Hohneck, avec un repas en ferme-auberge le soir, ça lui a beaucoup plu. »

« On l’a emmené dans le massif du Hohneck, ça lui a beaucoup plu »

La présidente de Liberté au Tibet a aussi adressé un message aux adhérents et sympathisants de l’association pour évoquer la situation de Tenzin Dekyong et lancer cette invitation (toujours d’actualité, ceux qui ont envie d’y faire écho peuvent contacter le Cada au 03.89.51.03.83) : « Si vous avez du temps, merci de lui en consacrer un moment en lui faisant visiter la ville ou la campagne, en passant un moment avec lui, en lui apprenant quelques rudiments de français. Il est impatient de pouvoir s’exprimer et de pouvoir nous comprendre. »

L’initiative a déjà permis à Tenzin Dekyong de visiter le zoo de Mulhouse, par exemple. C’est aussi grâce au réseau de Liberté au Tibet que le jeune homme a pu entrer en contact avec deux autres Tibétains arrivés avant lui à Mulhouse : Nyima Dorjee et Tennam Choezin Khokze (lire ci-dessous) qui a traduit nos échanges avec le nouvel arrivé. « J’ai aussi donné le numéro de téléphone de Tenzin aux Tibétains que je connais, pour qu’ils lui passent de temps en temps un coup de fil, pour l’aider à garder le moral » , complète Agnès Charron.

Ces divers échanges et rencontres ont rapidement adouci le blues de l’ex-moine bouddhiste, qui a retrouvé le sourire. « On a observé une transformation fondamentale, on a vraiment une autre personne ! » , se réjouit Ahmed Lachhab. Aujourd’hui, Tenzin Dekyong n’est plus dans l’optique de quitter Mulhouse, une ville qu’il trouve « très jolie ». Il va débuter des cours de français individuels avec une enseignante retraitée bénévole au Cada. Et s’il obtient un titre de séjour, ce qu’il espère bien sûr de tout cœur, l’ex-moine se mettra en quête d’un emploi. « J’aimerais travailler comme cuisinier. »

Source : www.lalsace.fr

Previous articleQuand le robot Pepper se convertit au bouddhisme
Next articleShanghai – Déplacement d’un vieux temple bouddhiste