En 1993, un an après « The Future », annoncé comme son dernier disque, Leonard Cohen est devenu moine zen sous le nom de Jikan (le Silencieux). Il était revenu à la « vie civile » en 2001, à 67 ans, en nous offrant « Ten New Songs » (Columbia/Sony). Bernard Loupias l’avait alors longuement rencontré pour « le Nouvel Observateur ».
Un jour, Allen Ginsberg demanda : « comment peut-on concilier sa foi juive avec une pratique continue du zen ? »
Leonard répondit : » Eh bien, pour commencer, dans la tradition du Zen que j’ai pratiquée, il n’y a pas de service de prière et il n’y a pas d’affirmation de déité. Donc, théologiquement, il n’y a pas d’opposition aux croyances juives. »
« Je ne veux pas d’attaches. Je veux tout recommencer à nouveau », a-t-il dit un jour. Leonard Cohen était encore en Inde récemment. Juif et bouddhiste, ce lecteur attentif de la Bible, des grands mystiques juifs comme des sutras, méditait-t-il dans un ashram les Veda, un des plus anciens textes sacrés de l’humanité ? Serait-ce là l' »expérience fondamentale » qu’il évoque discrètement dans l’entretien qui suit (à moins qu’il ne s’agisse d’une nouvelle passion amoureuse ? Mystère…), à laquelle il attribue la tonalité à nouveau radicalement introspective de ces admirables « Ten New Songs »?
Cet album fait suite, neuf ans plus tard, à « The Future », son album le plus « politique », hanté par la folie meurtrière des hommes et le désastre universel. Dans ce nouveau recueil, d’une totale sobriété musicale et littéraire, il est d’abord question pour nous de comprendre qu’il n’est d’autre issue que de vivre avec nos « invincibles défaites ». La solution ? L’amour, malgré tout : alors que tous nos vaisseaux sombrent, acceptons, dit-il, d’être « envoyés par mille baisers de fond » (« thousand kisses deep »)…
Le Nouvel Observateur. Comment va Joshu Saski Roshi, votre maître zen ? Une rumeur a récemment annoncé son décès…
Leonard Cohen. Mais c’est faux! Il est dans une forme incroyable. Il a 94 ans et bénéficie d’une santé radieuse, grâce à ma cuisine! [Rires.]
Vous l’aviez rencontré en 1969. Vous êtes devenu moine zen à plein temps en 1993, et vous vous êtes installé auprès de lui au monastère de Mount Baldy. Y vivez-vous toujours ?
Non, je suis rentré à Los Angeles il y a environ deux ans. Je vis près de ma fille Llorca, dans un petit duplex, et mon fils Adam vit au coin de la rue.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans le bouddhisme ?
Quand je me suis lancé dans ces études, ce n’était pas en raison d’aspirations spirituelles très profondes. Mon problème immédiat était l’organisation de ma vie, pour laquelle je n’étais pas très doué! [Rires.] Et j’ai trouvé la discipline du monastère très utile…
Pourquoi avez-vous décidé de quitter ce refuge ?
Une certaine période de ma vie était très naturellement parvenue à son terme. J’ai donc demandé à Roshi la permission de redescendre de la montagne afin de reprendre mon travail.
En savoir plus : http://tempsreel.nouvelobs.com/culture/20161111.OBS1068/leonard-cohen-j-ai-toujours-aime-le-christ.html