Accueil Espace Bouddhiste Interreligieux Le Bardo Thodol, le « Livre des Morts tibétain »

Le Bardo Thodol, le « Livre des Morts tibétain »

181
1

——————

LE BARDO THODOL

bardo-todol.jpgLe Bardo Thodol, sous-intitulé « Livre des Morts tibétain » n’est pas un guide des morts mais un guide de tous ceux qui veulent dépasser la mort, en métamorphosant son processus en un acte de libération. Car nous passons, en mourant, par les mêmes étapes que celles que nous traversons dans les stades progressifs de la méditation. Par la coupure automatique de l’enveloppe corporelle, la mort nous donne visiblement une occasion exceptionnelle de nous libérer de l’emprise de nos instincts obscurs, et nous permet d’apercevoir la lumière libératrice, ne serait-ce qu’un instant.

Bardo signifie « intervalle », Thô veut dire « entendre » et Dol « libération ».
Les étapes que la conscience va parcourir, ses premiers pas dans l’au-delà, sont décrites au mourant — puis à son effigie après ses funérailles — selon une chronologie rigoureuse. Afin d’espérer être libéré de la roue des incarnations successives, le Samsara, la connaissance de cet itinéraire et de ses nombreux pièges est indispensable à celui qui est en passe de se défaire de son incarnation du moment. Une connaissance qui, si l’on n’y a pas accédé de son vivant, reste permise jusqu’à l’instant même du grand passage.

Le transfert de la conscience

Le Bardo Thodol doit être lu, correctement et distinctement, soit par un lama, soit par un « frère de la foi », soit par un ami intime, à l’oreille de l’agonisant, puis du défunt.
Si le corps a disparu, le lecteur évoque le mort dans sa pensée et opère comme s’il était présent devant lui.

La première condition à réaliser est celle du transfert de la conscience. En d’autres termes, il convient, durant la période d’agonie, d’alerter sans cesse la conscience de manière à lui permettre de se retrouver intacte après la mort et sans avoir subi d’interruption.
La mort est presque toujours précédée par un état d’asphyxie bienfaisante, et les eschatalogues modernes (commentateurs du Bardo compris) sont d’accord, en général, pour admettre qu’une période d’inconscience identique existe après la mort.

Le voyage dans l’au-delà commence avec le dernier souffle. Ainsi débute la traversée dangereuse qui peut durer jusqu’à sept fois sept jours, soit quarante-neuf jours, sauf si le karma est particulièrement lourd, auquel cas le trépassé est conduit à renaître avant terme. Ajoutons que le processus de la mort est revécu par le défunt tous les sept jours.

Extraits

 » Noble fils (un tel), maintenant que ta respiration a presque cessé, voici pour toi le moment de chercher une voie car la lumière fondamentale qui apparaît lors du premier état intermédiaire va poindre. Ton Lama t’avait déjà montré cette lumière, la Vérité en Soi (Dharmata) vide et nue, comme l’espace sans limites et n’ayant pas de centre, lucide ; c’est l’esprit vierge et sans tache. Voici le moment de le reconnaître. Demeure donc ainsi en elle. Moi aussi je te la ferai découvrir « .

 » … Au centre de ce corps, représente-toi le canal subtil central, de l’épaisseur de la tige d’une flèche, vide et transparent de lumière. II s’ouvre au sommet du crâne et se termine en bas prés du nombril. Dans la région du coeur, il fait une sorte de noeud sur lequel la vitalité apparaît comme un point vert lumineux avec, á son centre, le caractère rouge HRI qui est la nature spirituelle soi-même. Une aune environ au-dessus du crâne, visualise clairement le Bouddha Amitabha avec tous ses signes distinctifs merveilleux. … » .

Dans le Bardo

Le Chönyid Bardo ou expérience de l’incertitude de la réalité (la conscience du défunt tente de faire la part des  » hallucinations  » et de la réalité)

Le Bardo Thodol n’est d’aucune utilité pour les saints. Les hommes évolués spirituellement demeurent dans les régions hautes.Le Bardo Thodo est surtout destiné aux individus ordinaires pour les aider à subir les angoisses et les incertitudes du Bardo d’en bas.

Les désirs de la conscience vont se manifester au mort en prenant « corps » sous forme d’hallucinations répétées qui tentent d’accaparer son esprit. Le bardo lui enseigne à ne pas se laisser capter par ces apparitions fantastiques, terrifiantes, qui prennent l’aspect de démons. L’art tantrique tibétain a représenté ces phénomènes hallucinatoires comme autant de divinités aux symboles bien précis. On les appelle Makalat. Elles apparaissent grimaçantes, encombrées de tout un arsenal de crânes, de crocs, crochets, coutelas, poignards, bâtons, lances, etc., qui les rendent agressives. Mais il ne faut pas s’y tromper. Cet aspect terrifiant signifie seulement qu’elles sont là pour tuer la peur, non pour la susciter. En fait, ces apparitions ne sont que des projections nées de la conscience même du mort. Elles n’ont de réalité qu’en son esprit. Il convient de les reconnaître pour s’en libérer sans crainte, comme n’étant qu’une émanation de l’ego. Tous les poisons, les émotions confuses ressenties dans la vie vont ainsi resurgir.

Après sept jours de nouveaux efforts pour détecter la nature de ces images célestes, les dieux apparaissent sous leurs formes terrifiantes et les images s’obscurcissent.

Extraits

Vision des divinités paisibles – Vairocana

 » … Accompagnant cette lumière, une pâle lueur du monde des dieux, blanchâtre et terne te frappera. A cause de ton mauvais karma, tu chercheras, á ce moment-lá, á fuir la lumière bleu clair, éclatante, qui est la sagesse de la sphère de tout objet de connaissance. Tu ressentiras la peur et l’angoisse. Par contre, la terne lueur du monde des dieux t’attirera agréablement… A ce moment-lá, tu ne dois pas avoir peur de la lumière bleu clair éclatante et transparente ; c’est la lumière de la sagesse suprême. Ne crains rien! On l’appelle la lumière du Tathagata , elle est la lumière fondamentale de la sphère de tout objet de connaissance. Mets ta foi en elle, abandonne-toi en elle, pense qu’elle est la lumière de la compassion de Baghavan Vairocana ! Supplie-la! Le Baghavan Vairocana est venu te tirer des passages difficiles de l’état intermédiaire. C’est la lumière de la compassion de Vairocana. N’aspire pas á la lueur du monde des dieux, blanchâtre et terne, n’y aspire pas, ne la désire pas, ne t’y attache pas! Si tu t’y attaches, tu erreras dans les états divins, tournant dans les six états d’existence. Cette lueur blanchâtre étant un obstacle á la voie de la libération, ne tourne donc pas ton regard vers elle, regarde la lumière bleu clair, brillante, appelle-la et, plein d’aspiration envers Vairocana, adresse avec ferveur cette prière que tu répéteras après moi :  » Hélas! maintenant que j’erre á cause de mon profond aveuglement dans le cycle des existences, que sur le chemin de lumière qui fait apparaître la sagesse de la sphère de tout objet de connaissance, le Baghavan Vairocana me guide en avant! Que sa sublime parédre Akasadhatesvari (souveraine de l’espace céleste) me pousse par-derrière. Libérez-moi du chemin périlleux des peurs de l’état intermédiaire et conduisez-moi á la bouddhéité parfaite…. « 

Vision des divinités courroucées – vision de Padma-Heruka

 » …Noble fils, écoute sans distraction! Le onzième jour t’apparaît le très haut Padma-Heruka de l’ordre Padma des divins buveurs de sang. Sa peau est de couleur rouge sombre, il a trois têtes, six bras, quatre jambes écartées. La tête de droite est blanche, la gauche bleue, celle du milieu rouge foncé! De ses six mains la première á droite tient un lotus, celle du milieu un sceptre et la dernière une massue. La première á gauche une cloche, celle du milieu un crâne empli de sang et la dernière un petit tambour. La mére-divine Padma-Krodhesvari enlace son corps, de la main droite entoure son cou et de la gauche porte á sa bouche un crâne empli de sang. Le divin-père uni bouche á bouche avec la mére-divine sort du côté ouest de ton cerveau et t’apparaît. N’aie donc pas peur, ne crains rien. Ne t’en défends pas! Souviens-toi, reconnais-le comme le corps même de ton esprit puisqu’il est ton divin Yi-dam, ne le crains pas, n’aie pas peur! En vérité il est Amitabha le très haut uni â la mére-divine. Vénère-les avec dévotion. Si tu le reconnais vraiment, tu atteindras á l’instant même la libération !  » A ces mots, le mort reconnaîtra son Yi-dam divin, se fondra en lui et deviendra Bouddha.

Le Bardo d’en bas

La plupart des morts continuent longtemps à errer, de ci, de là, à la recherche du corps qui leur manque. Souvent, ils essaient de rentrer dans leur propre cadavre, bien que celui-ci soit déjà en cours de dissolution. La souffrance des errants est grande, à ce moment, à cause de leur impuissance à s’évader des étages inférieurs du Bardo.

 » …Noble fils, á ce moment-lá, tu t’arrêteras prés des ponts, des temples, des couvents, des cabanes et des huttes. Mais tu ne pourras pas y demeurer longtemps parce que ton esprit, n’ayant plus de corps ne peut se stabiliser nulle part. Tu te sens tourmenté, aigri et traqué. Tu grelottes. Ton esprit est éparpillé, chancelant et diffus. Tu n’auras alors qu’une seule pensée :  » Je suis mort, que puis-je faire ?  » Avec cette pensée, ton coeur devient vide et froid. Tu es rempli d’une tristesse intérieure sans borne. Ne t’attache pas á un endroit puisque tu dois errer. N’entreprends rien, laisse ton esprit demeurer dans son état naturel. Voila le moment ohm tu n’auras á manger que ce qui te sera consacré par sacrifice et oú tu ne pourras plus compter sur tes amis. Ce sont les signes que tu dois errer dans l’état intermédiaire du devenir. La joie et les tourments dépendront de ton karma. En te promenant dans ton propre pays, voyant tes voisins et même ton cadavre, tu penseras douloureusement :  » Me voila donc mort!  » Ton corps mental perd alors son assurance et tu te dis :  » Oh ! que ne donnerais-je pas pour avoir n’importe quel corps?  » Et tu te mettras á chercher un corps de toutes parts. Même si tu essayais d’entrer par neuf fois dans ton cadavre, celui-ci sera gelé si c’est l’hiver, ou décomposé si c’est l’été, ou encore ta famille l’aura brûlé ou mis en terre, ou alors les oiseaux et les rapaces l’auront dépecé, de sorte que tu ne trouveras rien á réintégrer parce que le temps s’est longuement écoulé depuis que tu erres dans le bardo de la Vérité en Soi. Voila pourquoi tu es si malheureux et que tu cherches á t’engouffrer dans les crevasses et les rochers. C’est la souffrance de l’état intermédiaire du devenir. Aussi longtemps que tu seras á la recherche d’un corps, tu ne connaîtras que la souffrance. N’en fais donc rien et au lieu d’aspirer á retrouver un corps, demeure sans distraction dans le non-agir…. « 

Si le le mort réussit à demeurer dans le vide de la plénitude de la lumière sans objet, il aura atteint la libération définitive, sera libéré des incarnations futures et accèdera ainsi au Nirvana.

Source: www.outre-vie.com->

LE LIVRE DU BARDO TODOL

Son Contenu

Bardo_todol.jpg

L’ouvrage contient la description des transformations de la conscience et des perceptions au cours des trois états intermédiaires qui se succèdent de la mort à la renaissance, ainsi que des conseils pour échapper aux réincarnations, ou du moins obtenir une meilleure réincarnation :
Le chikhai bardo ou étape du trépas, suivant immédiatement la mort : une lumière extrêmement brillante apparait qui est la vraie nature de l’esprit ; la personne suffisamment avancée sur le plan spirituel la reconnaitra et saura se fondre avec elle, et ainsi échapper définitivement aux renaissances. Dans le cas contraire, sa conscience s’estompe totalement pendant sept jours jusqu’à l’étape suivante.

Le chonyid bardo ou étape de l’expérience de la réalité : elle survient sept jours après l’étape précédente. La conscience se réveille et perçoit un mandala de 42 déités sous leur forme paisible ; après sept autres jours il est remplacé par un mandala de 58 déités courroucées. Si le défunt peut les reconnaitre comme des formes de réalité de la conscience et les « prendre pour mères », il peut encore éviter de poursuivre son chemin vers la renaissance, ou se préparer à une meilleure réincarnation.

Le sidpa bardo ou étape de la renaissance : après un certain nombre de jours, le défunt acquiert un corps mental doté des 5 sens ; il peut voir sa famille, circuler dans le monde en traversant les obstacles. Il a ensuite la vision de ses bonnes et mauvaises actions comptées respectivement à l’aide de pierres blanches et noires. Puis Yama se saisit de lui et le dévore organe par organe jusqu’aux os. Enfin arrive le moment de la réincarnation, à moins qu’une technique de dernier ressort, dite « obturation de l’entrée de la matrice », n’évite la venue au monde. Celle-ci peut se faire dans l’un des six états suivants : déité, déité inférieure, humain, animal, esprit avide, esprit torturé. Dans le cas d’une réincarnation humaine, la conscience est attirée par la vision du couple parental engagé dans l’acte sexuel.

Sont également décrits dans le texte trois autres bardos qui ne sont pas spécifiques à la mort, mais appartiennent à l’expérience des vivants : celui de l’état de conscience ordinaire, celui du rêve, celui de la méditation.

L’ouvrage mentionne les rituels à observer et les 4 prières récitées par les lamas. Dans le cas où le corps n’est pas présent, une effigie sur papier du défunt, appelée jangbu, est attachée à un bâtonnet et placée sur l’autel. À l’issue du rituel, le lama la brûle, libérant ainsi l’âme de ses fautes ; celle-ci se réincarne aussitôt.

La version intégrale contient de plus des descriptions des différents signes annonçant un proche trépas, et comment éventuellement en repousser l’échéance.
L’ensemble témoigne de l’expérience de la formation et de la dissolution des divers états de conscience, obtenue grâce à la méditation. Un parallèle a été fait entre le chikhai bardo et l’expérience de mort imminente. On reconnait également l’influence des croyances et pratiques pré-bouddhiques appelées Bön et des traditions populaires.

Previous articleLama Denys — Apprendre la Mort pour mieux vivre
Next articleSœur Emmanuelle : ‘ L’amour plus fort que la mort ‘ | Entretien avec Sofia Stril-Rever

Commentaires sont fermés