À Noël, les chrétiens fêtent la naissance de Jésus. Mais en France, il y a aussi des athées et des croyants d’autres religions. Comment vivent-ils cet instant particulier ? Nous avons réuni, à Vannes, un protestant, une orthodoxe, un juif, un musulman, un bouddhiste, un catholique, une anglicane et un druide pour en parler.
Ce n’est pas encore la belle nuit de Noël, mais la neige a déjà étendu son manteau blanc sur le Morbihan. Autour d’une table, des croyants venus d’horizons divers croisent les mots et leur foi. Et si on parlait de Noël ? Vous savez, cette fête qui fait pousser les sapins dans les salons et les chariots dans les supermarchés.
Mais son essence et son esprit, qu’en fait-on ? « On peut fêter Noël en famille, sans dépendance au rituel, explique Sylvain Gouret, moine bouddhiste à Vannes. S’intéresser aux autres religions participe à son propre éveil. Mes enfants aiment Noël : pourquoi les en priver ? Mon engagement spirituel est personnel. Oui, j’ai un sapin chez moi. »
« C’est un bonzaï ?, enchaîne, en souriant, Jean-Pierre Letanche, protestant au temple de Vannes. Noël est une fête religieuse qui est sortie des églises. Et c’est très bien ainsi. C’est la fête des souvenirs de l’enfance. »
Pour Béatrix Brémond, de l’église orthodoxe celtique de Saint-Dolay, « l’esprit initial s’éloigne un peu. Chez les orthodoxes, la préparation reste très importante. Tout comme la messe de minuit qui dure trois heures. » Mais comment s’organiser au sein de familles ? « Il faut composer avec les croyances de chacun. J’en ai souffert. Pour moi, Noël se fête le 25 et non le 24 au soir. Aujourd’hui, on adapte les horaires des messes, sinon il n’y aurait plus personne… »
Y aura-t-il bientôt moins de fidèles dans les églises que de candidats pour ouvrir les huîtres ? « C’est un paradoxe : on attache presque plus d’importance au réveillon, poursuit Stéphane Girardot, catholique, animateur pastoral au lycée Saint-Paul de Vannes. La société civile a amené cette dimension de ‘gueuleton’. On sent un glissement. Mais les cadeaux et le bon repas, c’est aussi le symbole de la joie de se réunir. Noël n’est pas une fête sinistre. »
Chez les anglicans, l’Avent est essentiel. « Nous avons une démarche très oecuménique, explique Laura Hillman, Anglaise installée à Ploërmel. On se réunit entre personnes de différentes Églises pour chanter et lire ensemble, en attendant Noël. Pour les Anglais, c’est le repas du 25 qui compte. »
« On fêtait le solstice d’hiver »
Une envie de rassemblement qui existait avant la naissance du Christ, selon Pascal Lamour, druide à Vannes. « On fêtait le solstice d’hiver, entre le 21 et le 25 décembre. Dans un monde spirituel et symbolique, les cadeaux sont un pont entre le religieux et la société. Noël ne peut pas être déconnecté d’une histoire sociale. Quand les gens ont eu des voitures, ils se sont mis à sortir le soir du réveillon. Le commercial s’est greffé dessus. Aujourd’hui, certains fêtent Noël sans connaître le rapport au religieux. On retrouve les mêmes excès de la société : des tas de cadeaux qui ne servent à rien, revendus le lendemain sur Internet… »
Pour le catholique Stéphane, « ce n’est pas en croulant sous une avalanche de cadeaux qu’on reste à l’écoute de ceux qui souffrent. »
L’esprit de Noël, n’est-ce pas justement donner avant de recevoir ? « C’est surtout une envie de partager des choses ensemble, cadeaux ou pas, rebondit le bouddhiste Sylvain. Si on peut profiter du moment pour s’élever un peu, c’est parfait. »
Tous s’accordent à penser, qu’au-delà de la naissance de Jésus, Noël est aussi, et surtout, un moment de paix qui traverse les religions. « Chez les juifs, nous avons début décembre Hanouka, fête qui célèbre la victoire de la lumière sur les ténèbres, explique Jean-Claude Guez, de la communauté israélite de Lorient. C’est l’occasion d’offrir des cadeaux aux enfants et de manger des pâtisseries. Concernant Noël, il y a chez nous, comme dans toutes les religions, des intégristes, des pratiquants, des traditionalistes et des laïcs. Pour certains, il n’y a ni repas ni sapin. Pour d’autres si. La tolérance et la foi, dans le respect de l’être humain, sont essentielles. Si une fête peut aider à rapprocher les gens, alors tant mieux. »
Chez les musulmans, comme chez les juifs, il y a la règle et l’esprit. Certains s’adaptent aux us et coutumes de la société, se mêlant à l’ambiance de Noël sans s’attarder sur l’aspect religieux. Pour les enfants surtout. D’autres, comme Nabil Moudila, ne le fêtent pas, « pour être en accord avec le Coran ». Dans la religion musulmane, Jésus est le plus important prophète après Mahomet. Mais elle ne le reconnaît pas en Fils de Dieu.
« Chacun fait ce qu’il croit le mieux pour lui et sa famille, poursuit Nabil. Peut-être qu’un jour ma fille me demandera pourquoi ses amis, à l’école, fêtent Noël et pas nous. On lui expliquera. Nous avons aussi nos moments de célébration. »
Chaque religion ou croyance a son calendrier. Quand ils se mêlent, le temps d’une rencontre, c’est chouette aussi.
Édouard REIS-CARONA
– Source : Ouest France
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