3 décembre 2008
Passionnée de culture thaïe au point d’en avoir appris la langue, Michèle Bise a quitté Genève pour s’établir en Thailande, où elle a ouvert un chenil au centre du pays pour assurer une digne fin aux chiens errants de Bangkok.
Des chiens errants, faméliques, claudiquant sur trois pattes après avoir été heurtés par une voiture, la Thaïlande en recense par centaines de milliers. Cette situation a ému Michèle Bise, au point d’avoir ouvert un refuge pour ses «canins cabossés», à Uthai Thani, à 285 km de Bangkok.
«Le problème est particulièrement aigu dans la capitale, où vivent 11 millions d’habitants, raconte cette quadragénaire genevoise. C’est une des contradictions du peuple thaïe, pourtant à majorité bouddhiste: les chiens errants sont mal perçus et parfois pourchassés, sous prétexte qu’ils abîment les voitures et défendent leur territoire, alors que c’est dans leur nature.»
A Bangkok, leur nombre est estimé à près de 200’000. «Ils sont souvent maltraités et ne se laissent pas attraper facilement, ajoute-t-elle. On retrouve quotidiennement des portées entières abandonnées dans les temples.»
L’Asie, elle connaît bien
L’Asie, Michèle Bise connaît bien. A 20 ans, l’étudiante genevoise l’a parcourue pendant une année sabbatique, seule, sac au dos. A Bangkok, elle rencontre une enseignante, Sombut Singkaew, originaire d’une province située au nord-ouest de la capitale.
«Elle m’a tout appris de la culture et de la langue thaïes, ainsi que sur le bouddhisme, auquel elle m’a convertie. Sombut habite dans un quartier pauvre de Bangkok, le district de Thonburi, où le temple est fréquenté par des chiens errants. Un jour, une chienne y a mis bas avant de finir empoisonnée. Un seul chiot de la portée a survécu. Nous l’avons appelé Ning et il est devenu notre mascotte.»
Pendant quinze ans, Michèle Bise accomplira de nombreux allers et retours avec la Thaïlande, qui est peu à peu devenue sa seconde patrie: «Avec Sombut, nous avons commencé à nourrir les chiens du quartier de Bangkok où elle vit depuis une dizaine d’années. Ils étaient plus de 60. On les a vaccinés et stérilisés, puis on les a transférés dans une fondation à Kanchanaburi. N’étant pas satisfaite de leurs conditions de vie là-bas, nous avons alors construit notre propre structure à Uthai Thani. Actuellement, nous avons une septantaine de pensionnaires.»
«Le regard d’un chien qui souffre…»
En juin 2008, Michèle Bise décide de quitter Genève pour aller vivre et travailler en Thaïlande, pour le compte d’un grand groupe hôtelier. L’occasion de se rapprocher de ses protégés à quatre… ou à trois pattes!.
«Selon le bouddhisme, les animaux font partie de la chaîne. C’est une complémentarité au même titre que celle de l’homme et la femme. Quand je vois le regard d’un chien qui souffre, cela me touche à un point que vous ne pouvez imaginer. Chez un être humain, j’accepte plus facilement des étapes comme la maladie, la mort, parce que souvent, il arrive à exprimer sa souffrance», confie cette Fribourgeoise née à Genève.
En comptant un couple de gardien et la nourriture, le refuge a besoin de 55’000 baths (1500 francs) par mois pour faire vivre une septantaine de chiens soit 55 francs par jour pour nourrir 150 chiens. Il y a aussi les frais de vétérinaire. La Fondation Brigitte Bardot lui a accordé récemment un don de 2000 euros.
Viande canine
Comme dans d’autres pays d’Asie, la viande de chien figure parfois au menu en Thaïlande, surtout dans l’est, près de la frontière laotienne et cambodgienne.
«Il existe une industrie de viande canine avec des réseaux. Des Thaïlandais passent avec des voitures équipées de cages et marchandent les chiens avec les paysans: des fontaines d’eau potable contre des chiens…»
«S’il faut faire une pesée d’intérêt entre êtres humains et animaux, je dirais humblement que je répartis mon énergie pour faire en sorte que ma vie ait une utilité pour les deux.»
La viande, parfois mélangée à d’autres viandes, est servie sous forme de boulettes. La peau est utilisée pour fabriquer des sacs et des chaussures.
Dans un pays où la misère humaine est parfois difficile à cacher, est-il raisonnable de s’occuper des chiens plutôt que des gens? «Je suis impliquée dans la Fondation Jan & Oscar, créée par la Vaudoise Laurence Astrand après le tsunami de décembre 2004, dont l’objectif est de scolariser des enfants défavorisés.»
En dix-huit ans, Michèle Bise a effectué toutes sortes d’actions pour l’enfance dans ce pays, à son échelle. «S’il faut faire une pesée d’intérêt entre êtres humains et animaux, je dirais humblement que je répartis mon énergie pour faire en sorte que ma vie ait une utilité pour les deux.»
Parallèlement à ses études (une licence en relations internationales et un diplôme en droit international en HEI), Michèle Bise a travaillé comme aide soignante aux Hôpitaux universitaires de Genève: «Pour ce qui est de mon engagement auprès des personnes et des chiens errants de Thaïlande, j’ai toujours fait en sorte que ma vie ait un sens pour les autres. C’est ma ligne de vie.»
Par Olivier Grivat de retour de Bangkok
Source : www.swissinfo.ch
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