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L’Artiste et le Sacré

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L’ARTISTE ET LE SACRE [[Sélection d’Antoine Ginekis pour www.buddhachannel.tv ]]



jacques_brosse2-2.jpg« Quelles que soient les définitions que l’on ait pu donner de l’art, toutes créditent plus ou moins l’artiste d’une sorte de mission, spirituelle ou mystique, sinon religieuse, et même d’une forme d’apostolat indirect. G.F Haendel disait : « Je serais bien fâché si je ne fais que plaisir à l’humanité. Je prétends la rendre meilleure. » N’est ce pas l’ambition inavouée de tout artiste : meilleure et plus lucide, plus consciente ?



On entre en art comme on entre en religion, en acceptant d’avance les contraintes, les sacrifices, le désintéressement que cela exige. L’artiste introduit en quelque sorte l’esprit dans la matière, il la spiritualise. Dans ces conditions, parler d’art « sacré » serait un pléonasme, et n’a de sens que dans la mesure où l’art contemporain s’est volontairement désacralisé. Dès son origine, l’art fut sacré. Les artistes préhistoriques étaient, on le reconnaît aujourd’hui, des chamanes, médiateurs entre le visible et l’invisible, oeuvrant pour les initiés qui avaient seuls accès aux salles cachées dans les profondeurs de la terre où avaient lieu leurs cérémonies et leurs initiations. Ce qu’ils ont gravé et peint sur les parois étaient leurs visions extatiques, projetées sur la roche, dont la représentation était conditionnée par des saillies et les creux de celles-ci, ainsi que l’on peut aisément le vérifier en visitant les grottes ornées. Ces chamanes introduisaient ainsi un certain ordre, une certaine harmonie dans ce qui, pour les non-initiés, n’était qu’un chaos confus. A. Malraux a justement remarqué : « Il semble que tout art commence par la lutte contre le chaos, par l’abstrait ou le divin. »


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« Le génie, c’est l’enfance retrouvée à volonté. »


Charles Baudelaire



Semblable mission fait – ou plutôt faisait – de l’artiste un être à part, quelque peu inquiétant, ambigu, et l’on pourrait même dire amphibie, puisqu’il vit à la fois dans les deux mondes. Ambiguë est sa place dans la société, tout aussi ambiguë est sa personnalité. Cette ambiguïté, l’artiste, plus ou moins consciemment, la cultive et l’utilise. Toute vocation artistique est retour volontaire à l’enfance, à sa relative indétermination, à l’émerveillement de ses premières découvertes, de ses premiers émois. C’est là ce que résume Baudelaire en sa mémorable formule : « Le génie, c’est l’enfance retrouvée à volonté. »



Cette enfance est d’ailleurs idéalisée, remodelée. Ce n’est plus celle que nous avons vécue, mais celle dont nous nous souvenons, dont nous croyons nous souvenir et dont nous avons gardé la nostalgie. C’est une enfance reconstituée, devenu archétypale, presque mystique. Elle caractérise la clarté du regard, son éblouissement, la fraîcheur des impressions premières qui devaient définitivement marquer l’être. C’est cet état de grâce que veut revivre l’artiste et qu’il nous invite à retrouver en nous. »



Pourquoi_Naissons_Nous.jpgExtrait de Pourquoi Naissons-Nous? Et autres Questions Impertinentes, de Jacques Brosse, aux éditions Albin Michel.

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