ZEN CORÉEN
Il faut se délivrer du souci et des conditionnements psychiques.
Se libérer de la vie identifiée à l’existence d’un moi,
rejeter les prétentions de la raison discursive à régenter nos vies.
Congédier le monde illusoire de la dualité, se détacher de tout vouloir, lâcher prise, se laisser aller.
» Montagne profonde et bois épais conviennent à une vie retirée,
Tranquillité des alentours, rareté des gens : exaltation surabondante.
Ici l’on se rassasie de la saveur de la pureté,
Soudain oubli de l’existence : spontanément on laisse aller. « (Kihwa).
Ne plus courir après les apparences, se désencombrer du poids du monde,
retrouver une expérience originaire du monde.
» On marche sous la lune, lève le regard : monts dressés, abrupts,
On enfourche le vent, tend l’oreille : eaux froides, glaciales.
Le registre de vie de qui cherche la Voie n’est que ceci :
A quoi bon, insignifiantes, infimes, les attaches du monde ? « (Kihwa).
Dépasser toute forme de pensée figée, se délier,
vivre dans le dépouillement et la solitude.
Bonheur d’une vie simple.
» Matin de givre, on ramasse des châtaignes gelées,
Soir de brume, on cueille des plantes fanées.
Bol grossier où l’araignée fait sa toile,
Cendres froides où l’oiseau trace des glyphes. « (Pou).
N’être plus que pure activité vitale fondue dans le dynamisme universel qui constitue et dissout.
Atteindre un état de parfaite désappropriation,
trouver le chemin qui mène à l’absolu, s’enivrer d’être,
connaître cet état dans lequel rien ne manque plus,
où tout vous appartient :
plénitude, suffisance, liberté, sérénité.
Peut-être alors s’ouvrira le chemin qui mène à l’absolu.
» Avoir la passion de voir la Voie, c’est s’égarer dans la Voie,
Vouloir à tout prix chercher la paix tourne en inquiétude.
On atteint la paix par l’oubli de la paix, voir par l’oubli de voir :
Une fois cela compris, tout est simplifié. « (Ch’ungji).
La compagnie des nuages, le murmure de l’eau ou l’éclat du torrent,
le chant des pins, le thé qui fume, les bambous pliant sous le vent,
l’ermitage sous la lune…
La contemplation, l’intuitif, le brut et le beau,
l’essentielle simplicité d’une expérience toujours à la limite de l’indicible.
» Jaunes chrysanthèmes, verts bambous, rien d’autre
Lune claire, vent pur, ce n’est pas la poussière.
Tout, partout, est à nous,
On y puise à son gré, on en use à sa guise.
Au pied du mont Seul, il fait bon vivre,
Riz peu coûteux, bois abondant, voisinage suffisant.
Candide, le vieux rustique, sans malice
À la demande donne à tous le feu du foyer. « (Kyonghan).
Ivresse de brumes, griserie de nuages
– Anthologie de poésie bouddhique coréenne (XIIIe au XVIe s.)
– Gallimard, » Connaissance de l’Orient «