« L’attentat contre Charlie Hebdo, qui était lié à un sentiment d’offense d’une sensibilité religieuse, nous fait réfléchir sur notre propre capacité à rire de notre religion », souligne un Tibétain dont le post est publié sur le blog de la poétesse tibétaine Woeser.
« Cela m’a fait réfléchir sur notre sensibilité religieuse, et sur le droit à ridiculiser la religion et ses figures », écrit Gesar Gyaltso. « Le Tibet a une longue tradition de la satire, et bien des manières de ridiculiser les grands et les puissants. Les chansons satiriques tibétaines sont comparables aux caricatures politiques. Nous sommes religieux, mais nous sommes aussi capables d’être critiques vis-à-vis de notre religion. »
L’auteur cite un proverbe pour appuyer sa réflexion : « Les bons grains poussent sur les rives des fleuves, les lamas naissent dans les familles riches. »
Les fesses qui sentent l’encens
Même la réincarnation du dalaï-lama peut être un sujet de plaisanterie, dit-il, à propos des circonstances de la naissance du treizième dignitaire, celui qui précéda le dalaï-lama actuel. « Dans le village de Dagpo, un poème a circulé : ‘Jour glorieux. A Dagpo, Mme Doring a les fesses qui sentent l’encens’. » Car des femmes au Tibet s’étaient mises à brûler de l’encens pour purifier leurs parties intimes, dans le vain espoir de concevoir le prochain dalaï-lama, explique l’auteur.
Personne ne s’est jamais offensé de tels textes, poursuit-il. Récemment, le quatorzième dalaï-lama a même reconnu dans une interview à la BBC qu’il était possible qu’un dalaï-lama fût « idiot ». « Il est regrettable que cette tradition satirique s’efface, et que l’on ait appris à s’offenser, à être moins critiques vis-à-vis de notre propre tradition. »
COURRIER INTERNATIONAL
13 JANVIER 2015