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Victor Hugo — Je payai le pêcheur

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Je payai le pêcheur qui passa son chemin,

Et je pris cette bête horrible dans ma main ;

C’était un être obscur comme l’onde en apporte,

Qui, plus grand, serait hydre, et, plus petit, cloporte,

Sans forme, comme l’ombre, et, comme Dieu, sans nom.

Il ouvrait une bouche affreuse, un noir moignon

Sortait de son écaille; il tâchait de me mordre,

Dieu, dans l’immensité formidable de l’ordre,

Donne une place sombre à ces spectres hideux.

Il tâchait de me mordre, et nous luttions tous deux ;

Ses dents cherchaient mes doigts qu’effrayait leur approche;

L’homme qui me l’avait vendu tourna la roche ;

Comme il disparaissait, le crabe me mordit ;

Je lui dis: Vis! et sois béni, pauvre maudit !

Et je le rejetai dans la vague profonde,

Afin qu’il allât dire à l’océan qui gronde,

Et qui sert au soleil de vase baptismal,

Que l’homme rend le bien au monstre pour le mal.

Jersey, grève d’Azette, juillet 1855.




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