La Réincarnation dans le monde grec
C’est principalement dans le monde grec que fleurit la doctrine de la réincarnation et de la métempsycose. En grec, métempsycose signifie « transmigration des âmes ». Dans cette doctrine, l’âme poursuit son évolution d’existence en existence humaine (réincarnation), et peut éventuellement s’incarner dans un animal ou un végétal (métempsycose).
C’est vers le vie siècle av. J.-C. que cette croyance apparaît dans le monde grec. Son origine n’est pas connue avec certitude. On n’en trouve pas trace chez Homère ou Hésiode, il est donc peu probable qu’elle provienne du passé mythique grec. Pour l’historien grec Hérodote, la croyance en la métempsycose serait d’origine égyptienne.
Mais Hérodote se trompe : les Égyptiens parlent de transformations des morts (surtout en oiseaux) ou de pérégrination des âmes (qui voguent, avant le Jugement des morts), ils n’affirment pas la réincarnation, pas la transmigration des âmes. Il est possible que la croyance en la réincarnation ait été inspirée par l’hindouisme. Les contacts entre la Grèce et l’Inde ont cependant été longtemps compliqués par le fait que la Perse, ennemi héréditaire des Grecs, se trouvait entre les deux civilisations (c’est tard, avec les conquêtes d’Alexandre le Grand, en 326 av. J.-C., que le monde grec et le monde indien ont été en contact soutenu).
L’orphisme, attesté dès 560 av. J.-C., soutient que « les âmes passent d’une vie en l’autre selon certaines révolutions et souvent entrent dans des corps humains »6. Poème : « Quand l’âme des bêtes et des oiseaux ailés a jailli hors du corps et que leur durée de vie les a quittés, cette âme… voltige… jusqu’à ce que un autre animal la ravisse, mêlée au souffle de l’air. » Il s’agit donc de palingénésie, d’un retour diversifié à la vie, plus que de réincarnation ou de métemsycose (il y a dans ces derniers cas passage d’une âme dans un corps).
Phérécyde de Syros, qui était actif vers 540 av. J.-C., est le premier à soutenir que l’âme est immortelle et qu’elle retourne successivement s’incarner sur terre.
Pythagore (vers 530 av. J.-C.) se souvient de ses existencs antérieures (Diogène Laërce, VIII, 4-5). Xénophane raconte qu’il arrêta le bras d’un homme en train de bastonner un chien en lui disant : « C’est l’âme d’un de mes amis. En entendant sa voix, j’ai reconnu cette âme. » L’âme transmigre parce qu’elle est immortelle et qu’elle est mouvement ; d’autre part, tous les êtres vivants sont frères, congénères (ce qui entraîne aussi le végétarisme). N’importe quelle âme, semblable à la poussière en suspension dans l’air, peut entrer dans n’importe quel corps (Aristote, De l’âme, 404a, 407 b). Pythagore ne donne pas d’explication morale.
La doctrine de la réincarnation influencera ensuite le poète Pindare.
-*« Et vous dont les âmes habitèrent successivement trois fois le séjour de la lumière et trois fois celui des Enfers sans jamais connaître l’injustice, bientôt vous aurez parcouru la route que traça Jupiter, bientôt vous parviendrez au royaume de Saturne, dans ces îles fortunées que les zéphyrs de l’océan rafraîchissent de leur douce haleine » (Olympiques, II).
Chez Platon, on trouve des discussions sur la réincarnation ou des allusions à celle-ci dans le Phédon (70c, 81b, 107d), le Phèdre (248d), le Gorgias (525c), et tout particulièrement dans le mythe d’Er de La République (X, 614 ss.). Pour Platon, 1000 ans s’écoulent entre une naissance et une re-naissance : existence de 100 ans suivie d’une purgation de 900 ans (Phèdre, 248-249 ; La République, X, 615). La punition n’a donc pas lieu sur Terre lors de l’incarnation mais sous terre (Phédon, 111e). Selon la loi qui veut que « chaque espèce d’âme verra son lieu de destination déterminé par similitude avec son occupation ordinaire », ceux chez qui domine les appétits grossiers du corps subissent la réincarnation ou plutôt la métempsycose en animaux libidineux, comme les ânes ; ceux chez qui domine la colère, la tyrannie, se réincarnent en bêtes de proie, loups, faucons, milans ; ceux chez qui domine la raison se réincarnent en animaux grégaires, abeilles, guêpes, fourmis (Phédon, 81-82). Platon lie donc transmigration des âmes et rétribution des âmes et immortalité.
Parmi les néoplatoniciens, la transmigration est acceptée par Plotin (il admet même la métempsycose, Ennéades, III.4.2), Porphyre, mais pas par Jamblique.