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Le dressage du taureau en dix images – Partie 2

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Enseignement de Maître Tokuda donné lors de la sesshin du 24 au 26 novembre 1995

Le dressage du taureau en dix images

Tokuda Senseï
Tokuda Senseï

3. Percevoir le taureau

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J’entends la chanson du rossignol.

Le soleil est chaud, le vent est doux, les saules sont verts le long de la plage.

Aucun taureau ne peut ici se cacher !

Quel artiste peut dessiner cette tête massive, ces cornes majestueuses ?

Commentaire : Quand on entend la voix, on peut sentir intuitivement sa source. Dès que les six sens fusionnent, on a franchi la porte. Quelle que soit la porte d’entrée, on voit la tête du taureau ! Cette unité est celle du sel dans l’eau, de la couleur dans un matériau teint. La moindre parcelle n’est pas séparée du soi.

4. Saisir le taureau

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Je le saisis dans une lutte terrible.

Sa forte volonté et sa puissance sont inépuisables.

Il s’élance vers le haut-plateau loin au-dessus du brouillard,

Ou il se dresse dans un ravin impénétrable.

Commentaire : Il habita longtemps la forêt, mais je l’ai attrapé aujourd’hui ! Son engouement pour les paysages détermine sa direction. Désirant une herbe plus tendre, il vagabonde loin. Son esprit est encore buté et sans bride. Si je désire qu’il se soumette, je dois lever mon fouet.

Commentaire de Maître Tokuda

Le combat avec soi-même commence. Le garçon et le bœuf tirent la corde chacun de leur côté. C’est un moment très dur de l’entraînement. La rencontre avec le maître se présente de la même façon.

Quand le maître vous pose une question et vous presse d’y répondre, si vous trouvez une réponse et que vous lui soumettiez, il vous répondra probablement : « Non. » Pourtant, ce moment est très important. En effet, si vous êtes attaché à vos propres idées, vous commencerez à discuter avec lui. Mais le maître ne discute jamais avec l’étudiant et quand il dit « non », c’est « non ». Ce moment est crucial dans la relation maître et disciple. Si l’étudiant a confiance en son maître, il doit accepter le « non » et abandonner ses propres idées. Si le maître dit : « Vous n’êtes pas d’accord avec moi ? », il veut tout simplement vous faire comprendre que vous avez tord. Le maître a l’autorité du Dharma et ne discute jamais avec ses disciples. Et si le disciple a une confiance totale envers son maître, il accepte que le non soit « non », il abandonne ses idées et se débarrasse de ses concepts. Ensuite, le disciple doit concentrer toute sa force, non seulement intellectuelle mais celle du corps-esprit, pour trouver une autre réponse qu’il soumettra au maître. Et si, encore une fois, le maître dit « non », à nouveau le disciple doit abandonner ses idées. Pour le disciple commence alors une période extrêmement difficile où il doit se combattre lui-même. C’est le passage dans les ténèbres. Il ne s’agit pas des ténèbres ou du doute dans l’esprit seulement, le corps entier devient doute. Ce n’est pas un doute parmi d’autres, c’est le doute. Si vous parvenez à résoudre ce doute, vous résolvez tous vos problèmes. Durant cette période, « la corde » entre le maître et le disciple devient très tendue, comme dans l’image 4 montrant le jeune garçon qui lutte pour saisir le bœuf.

D’un autre côté le maître – à condition qu’il s’agisse d’un maître authentique –, c’est aussi vous-même. A ce moment de l’entraînement, vous pouvez vous rendre compte si l’éveil de votre esprit d’éveil est correct ou non. En effet, ayant déjà derrière vous quelques années de pratique du zen, vous pourriez être tenté de vous laisser aller et de vivre simplement en continuant à vous asseoir en zazen ou en lisant des livres sur le bouddhisme. Mais dès que cette aiguille, ce doute, entre profondément dans votre esprit, vous ne pouvez plus l’ignorer. Le véritable maître, c’est être sincère envers soi-même. Dans la Bible il est dit: « Je vomis les tièdes » : si vous n’êtes ni chaud, ni froid, vous ne pourrez jamais résoudre vos problèmes.

Shikantaza signifie « juste s’asseoir ». Cette traduction, bien que très belle, est dangereuse, car on peut s’asseoir pendant quinze ou vingt ans sans qu’il ne se passe quoi que ce soit et c’est pourquoi, dans l’école Soto, on insiste pour que l’assise soit comparable à celle d’un dragon prêt à s’envoler dans le ciel. A l’origine, vous avez des ailes qui vous permettent de voler et pourtant vous êtes assis comme une bouche de vache ! Ce n’est pas ainsi que vous pourrez résoudre les problèmes.

Zazen peut être comparé à l’image d’allumer un feu : dans les temps anciens, pour allumer du feu, il fallait frotter le bois jusqu’à ce qu’il s’échauffe et dès que la fumée apparaissait ça et là, ne pas s’arrêter de frotter. Dire qu’il est inutile de rechercher l’éveil parce qu’à l’origine nous sommes déjà éveillés peut nous amener à penser qu’il suffit de s’asseoir, avec le danger que zazen devienne une routine. Le véritable zazen consiste en la réalisation de soi-même à chaque instant et c’est pourquoi il demande beaucoup d’énergie. Vous n’êtes ni poisson ni viande, qui êtes-vous ? Une bouse de vache ! Je suis désolé, je ne devrais pas dire une chose pareille, mais le point sur lequel je veux insister est que ce genre de pratique molle ne pourra jamais résoudre les problèmes.

5. Domestiquer le taureau

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Le fouet et la corde sont nécessaires,

Autrement il pourrait s’écarter sur quelque route poussiéreuse.

Bien dressé, il devient naturellement doux.

Alors, sans entraves, il obéit à son maître.

Commentaire : Quand une pensée survient, une autre pensée la suit. Quand la première pensée surgit de l’illumination, toutes les pensées suivantes sont vraies. A travers l’illusion, on rend toute chose fausse. L’illusion n’est pas causée par l’objectivité ; elle est le résultat de la subjectivité. Tenez l’anneau du nez serré, et n’admettez pas même un doute.

Commentaire de Maître Tokuda

Votre entraînement devient plus harmonieux et la corde n’est plus tendue. Le bœuf suit naturellement le garçon. Vous pratiquez chaque jour mais bien que votre entraînement soit devenu assez bon, c’est insuffisant et c’est pourquoi il faut passer à l’image suivante.

6. Le retour sur le dos du taureau

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Sur le dos du taureau, lentement je retourne à la maison.

Le chant de ma flûte vibre dans le soir.

Je dirige le rythme sans fin avec mes doigts en battant la cadence de l’harmonie palpitante.

Quiconque entendra cette mélodie me rejoindra.

Commentaire : Cette lutte-là est terminée ; gain et perte s’équivalent. Je chante la chanson du bûcheron du village, je joue les airs des enfants. Sur le dos du taureau, j’observe les nuages là-haut. Je monte toujours, qu’importe celui qui souhaite peut-être me faire revenir.

Commentaire de Maître Tokuda

Le garçon chevauche le bœuf en jouant un air folklorique à la flûte. Il est courant que de grands maîtres fassent de la poésie, que ce soit en japonais, en chinois ou même en français. Ces textes ont à la fois une portée philosophique et poétique.

A ce stade, il n’y a plus de garçon sur le dos du bœuf ni de bœuf qui porte le garçon. C’est l’harmonie totale, il n’est plus nécessaire de diriger le bœuf, il se dirige lui-même.


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Le dressage du taureau en dix images – Partie 3
Le dressage du taureau en dix images – Partie 4




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