– Extrait de Religions & Histoire, 42, janvier-février 2012
Article de Damien François, p. 62-63
Histoire et particularismes du bouddhisme sherpa
Le bouddhisme pratiqué par les Sherpas peut être qualifié de complexe tant il est teinté d’autres systèmes de croyances, comme par exemple le bön, religion prébouddhique du Tibet, ou les croyances développées de manière autochtone sur des bases vernaculaires. Ses origines remontent néanmoins sans conteste au bouddhisme tibétain, tantrique et lamaïque, de tradition nyingmapa (bouddhisme « des anciens »). L’un des traits qui distingue ce bouddhisme de ceux pratiqués plus au sud (Inde, Sri Lanka) ou à l’est (Chine, Japon, Corée, Vietnam), voire au sud-est du Népal (Thaïlande), est le rôle important accordé aux lamas (« moines », « hommes de savoir »). Les adeptes du bouddhisme nyingmapa ou « bonnets rouges » se démarquent des adeptes de la tradition gelugpa, les « bonnets jaunes », autre secte bouddhiste à la tête de laquelle se trouve le dalaï-lama. Le bouddhisme éclectique des Sherpas pourrait en fait être qualifié de bouddhisme des peuples de montagne (les Pahari) car, dans les grandes lignes, il est également partagé par les Tamangs et les Bothe, exilés tibétains vivant au Népal. Il faut néanmoins remarquer que le bouddhisme des Tamangs est plus éclectique encore car fortement mélangé à des éléments hindous et chamaniques.
Bel exemple culturel du bouddhisme sherpa des temps présents : le Mani Rimdu, évènement religieux à la croisée de la cérémonie et du spectacle pour touristes, célébré dans deux grands centres bouddhiques du Khumbu, Tengboche en automne et Thame au printemps. « Le mani rimdu est aussi un jeu pratiqué par les moines pour instruire la population des bases du bouddhisme tantrique tibétain et de l’existence des mauvais esprits qui les menacent […]. Vers 1940, pour la première fois, fut réalisé un drame dansé par les moines, le Mani Rimdu. C’est la célébration de la victoire du bouddhisme sur la religion bön, l’ancien culte du Tibet dans lequel des sacrifices humains étaient pratiqués. C’est l’exorcisme des esprits du mal qui avaient réussi à se faire idolâtrer par les hommes sous les directives du clergé bön. » (Jean-François Véziès, Les fêtes magiques du Népal, cité dans Henri Sigayret, Himalaya népalais. Essai de toponymie et lexique, p. 186-187)
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