« Au cours de l’été 1225, un matin, avant l’aube, tandis que Dôgen méditait dans le zendô avec les autres moines, l’abbé Ju-ching faisait son tour d’inspection habituel. Ayant aperçu un moine qui s’était assoupi, il le semonça d’une voix furieuse : « La pratique de zazen, c’est de laisser tomber le corps-esprit. À quoi penses-tu arriver en somnolant ? » Ces paroles firent sursauter Dôgen qui méditait paisiblement. D’abord effrayé, il fut soudain envahit d’une joie qu’il n’avait jamais encore connue. Il comprit qu’il avait enfin rencontré ce qu’il recherchait depuis toujours. Aussitôt le zazen terminé, il alla trouver Ju-Ching dans sa chambre, alluma de l’encens et se prosterna. Son maître lui dit :
– Pourquoi fais-tu cela ?
– Je viens d’abandonner le corps-esprit.
– Tu les as réellement abandonnés. »
Il n’existe plus dès lors de séparation entre l’univers entier, l’ordre universel (le Dharma) et nous. plus de distinction entre le dehors et le dedans. Notre corps-esprit est devenu ce qu’il a toujours été, le corps de Bouddha.
(Maître Dôgen – Jacques Brosse).