18 décembre 2008
Qui veut commercer avec l’Empire du milieu doit d’abord en connaître l’histoire et maîtriser ses codes
Quand Yin Hong Loeb, consultante en relations franco-chinoises, propose aux membres du Rotary de Troyes de leur délivrer « quelques clés pour comprendre la Chine », personne ne s’attend à devoir plonger dans 6 000 ans d’histoire. Un détour pourtant indispensable pour comprendre comment un Chinois, pétri de confucianisme, de taoïsme et de bouddhisme voit le monde,
En Chine, l’harmonie sous toutes ses formes est si ardemment désirée qu’on se défie de tout conflit. Jusqu’à être incapable de dire non ! « La Chine est un monde implicite. Tout est régi par des codes, des rites, des communications de détours. Il n’y a pas de paroles », souligne Yin Hong Loeb qui, forte d’une double culture, chinoise et française, mesure parfaitement les incompréhensions. Elle évoque ainsi l’extrême importance accordée à l’âge, au culte des ancêtres, à la solidarité familiale et à la pudeur dans les contacts humains. « N’envoyez pas une collaboratrice au large décolleté en Chine », fait-elle observer.
Chez une grande entreprise occidentale qui n’arrivait pas à conserver ses ingénieurs, elle a dû donner ce conseil : « Embauchez des ingénieurs locaux. Les autres retournent dès qu’ils le peuvent auprès de leur famille. »
Cocotte-minute sociale
Sans langue de bois, elle reconnaît aussi que la culture chinoise engendre « un manque d’initiative et de sens critique, une société souvent arbitraire, des inégalités sociales et une corruption élevée. » L’ouverture au capitalisme voulue par Deng Xiao Ping est
venue se plaquer sur cette histoire et cette culture millénaires. La greffe a pris mais de graves lacunes demeurent.
En Chine, le court terme domine toujours. L’absence de droits des marques ou de copyright fait que rien ne sert de chercher à imposer un savoir-faire. « On est immédiatement copié. » Tout le monde vise donc le coup gagnant et passe à autre chose, quitte, effectivement, à prendre des libertés avec les règlements sanitaires.
Et la consultante de rappeler aussi les Occidentaux à leur responsabilité. Aujourd’hui, ce sont les entreprises étrangères implantées en Chine qui luttent contre toute réglementation écologique. Ce sont aussi elles qui vont bientôt inciter tous les Chinois à acheter leurs voitures ou leurs scooters. Et faire de la Chine un empire de la pollution…
Quid des droits de l’homme ? Yin Hong Loeb en admet l’importance mais, plaide-t-elle, « la notion de démocratie n’a jamais existé en Chine. » Et de rappeler que la Chine est une véritable cocotte-minute sociale qui doit réussir à intégrer des millions de paysans qui fuient leur campagne dans des villes qui comptent de plus en plus de riches au mode de vie de plus en plus luxueux. Un vrai casse-tête. D’autant que la crise – 75 % du PIB chinois est tiré par l’export – est en train de frapper durement le Sud. « Des usines ferment. Aujourd’hui, si le volume des exportations progresse, le bénéfice baisse », souligne-t-elle en évoquant les premières émeutes. « Si la crise s’aggrave, comment fait-on ? Il faut aider la Chine à progresser, mais ça ne peut pas se faire tout de suite ».
Par Bruno DUMORTIER
Source : www.lest-eclair.fr