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Hommage à Claude B. Levenson

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Claude_Levenson.jpgUne grande âme a quitté son corps le 13 Décembre : Claude B. Levenson s’est envolé vers des cieux auspicieux.

L’annonce de sa disparition a bouleversé et choqué tous ceux qui avaient eu la chance de la connaître ou ne serait-ce que de la croiser. Tous ses amis tibétains regrettent une grande amie de la culture tibétaine.


Infatigable passionnée, Claude a cumulé en une seule vie plusieurs trajectoires qui allaient toutes dans le même sens : la vérité, la justice, la connaissance, l’information. Très jeune, elle s’intéresse à la linguistique (russe, sanskrit, chinois) et à la philosophie. L’Inde et ses multiples religions la fascine. La Chine aussi. Sinologue et tibétologue, elle s’engagea dans un combat sans faille auprès de la cause tibétaine. Ses Newsletters et livres furent des sources précieuses d’information et de réflexion, sur la condition tibétaine et, suivant ses termes, « sur la machine de propagande installée par le gouvernement chinois ». Ecrivain et journaliste, elle soutiendra toujours les causes qui lui semblaient nobles, le Tibet et la Birmanie, entre autres.


Le nombre de réactions sur Buddhachannel montre l’émoi que sa mort cause. Jamais nous n’avons eu autant de messages de sympathie ou de tristesse profonde.
Toutes nos condoléances les plus sincères à sa famille, à son compagnon, Jean-Claude Buhrer. Laissez vos messages dans le forum ci-dessous.

Josiane et Alain Delaporte-Digard, et toute l’équipe de Buddhachannel


Retrouvez ci-dessous un extrait de l’interview de Claude L. Levenson par Anne Brigaudeau, une manière d’entendre encore sa voix qui continuera à flotter à travers le monde, comme les drapeaux tibétains qui flottent dans les vents himalayens en dispersant leurs mantras sacrés.

« Le Tibet est un enjeu pour toute la planète »

Pour vous, le Tibet est un enjeu pour toute la planète. Pourquoi ?

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Au cœur de la haute Asie, le Tibet est le château d’eau du continent : tous les grands fleuves en partent. Cette eau est un enjeu majeur pour la Chine et l’Inde, deux pays  qui représentent à eux seuls la moitié de la population mondiale. C’est aussi un enjeu stratégique : qui domine le Tibet domine l’Asie. Ce n’est pas par hasard que la Chine a mis le grappin dessus. Enfin,  c’est un enjeu pour la démocratie, les droits de l’homme et le droit à l’autodétermination des peuples. Le Tibet symbolise aujourd’hui tous les grands défis que doit relever la planète : politiques (droit à l’autodétermination), démocratiques, environnementaux, sans compter les conflits frontaliers qui ne peuvent se résoudre que par le dialogue.



N’y a t-il pas un hiatus entre le dalaï-lama, qui ne parle pas d’indépendance, mais d’autonomie, et les jeunes générations de Tibétains de l’intérieur, plus radicaux ?


C’est vrai. C’est le paradoxe tibétain. Les jeunes générations sont plus intransigeantes, même si la figure du dalaï-lama reste partout respectée. Mais il faut aussi écouter ce que dit le dalaï-lama à ces jeunes Tibétains. Il leur laisse leur liberté et leur dit, « c’est votre avenir. Le Tibet vous appartient, c’est votre pays. A chacun d’agir » .

Pour Pékin, le Tibet est chinois.


Qu’est-ce qui permet d’affirmer que les Tibétains appartiennent à un pays différent ?


Pékin ne dit pas que le Tibet est chinois, mais que le Tibet appartient à la Chine, nuance. Or, comment un pays peut-il appartenir à un autre ? Entre la Chine et le Tibet, il y a une différence de langue, de vision du monde, de religion, d’histoire. Ce n’est pas une minorité, mais une civilisation et un peuple différents. Quand il a été envahi, le Tibet avait toutes les caractéristiques de l’Etat nation : un territoire, une langue, une histoire, une administration, une armée, un drapeau, des relations sommaires, mais existantes, avec ses voisins notamment l’Inde, le Népal, le Bouthan. Autant de caractéristiques qui suffisent aujourd’hui à d’autres nations pour se voir reconnues comme telles. Voyez le Kosovo  qui se cherche un drapeau, alors que le Tibet en a un depuis le début du XXème siècle. Malgré cela, les tentatives du Tibet pour adhérer à l’Onu ont été freinées à l’époque par l‘Inde et la Grande-Bretagne. On a dit aussi que c’était un pays trop petit pour vivre  seul alors qu’il y a aujourd’hui une quarantaine de pays dans le monde de moins d’un million d’habitants, et une cinquantaine qui ne sont pas viables, dont le Kosovo. Mais Bernard Kouchner se mobilise pour le Kosovo, et pas pour le Tibet…




Pourquoi le dalaï-lama ne porte-t-il pas cette revendication d’indépendance ?


Parce que c’est un moine et qu’il est porteur de paix. Par réalisme, parce que la Chine n’accepterait pas l’indépendance et qu’aucun Etat ne soutiendrait pareille revendication. Mais le dalaï-lama n’interdit pas aux autres d’être favorable à l’indépendance.




Est-ce que le combat pour le Tibet peut servir les Chinois ? 


Le Tibet, c’est une loupe qui montre les contradictions de la Chine : ouverture économique, mais aucune ouverture sur le plan des droits de l’homme. Les Chinois n’ont même pas accès à des droits pourtant prévus par leur Constitution. Aucun respect non plus des droits du travail les plus élémentaires dans « l’atelier du monde ».  Les délocalisations en Chine, ça nous revient aussi en boomerang. C’est pour ça que le combat pour le Tibet est aussi un combat pour l’ensemble de la Chine, et pour l’Occident. Mais il est difficile pour une dictature de lâcher du lest.



Y a-t-il  une politique de sinisation accélérée au Tibet ?


A Lhassa en 1984, il y avait 50.000 habitants dont 2000 Chinois, sans compter les forces de l’ordre. Aujourd’hui, il y a de 300 à 400.000 habitants, dont 60 à 70.000 Tibétains maximum, plus les forces de l’ordre.  Lhassa est maintenant une ville chinoise. Les autorités affirment qu’il y a 92% de Tibétains dans la région autonome (qui regroupe la moitié de l’ancienTibet), mais leurs statistiques ne sont pas fiables.

Est-ce que la cause tibétaine trouve des relais en Chine ?
Oui,  parce qu’ il y a une forte présence touristique chinoise au Tibet, encore renforcée par le train Pékin-Lhassa. Les Chinois y vont nombreux, mais ils se rendent compte que c’est un autre pays. Et les Chinois sur place, qui s’y installent pour des affaires ou du commerce, veulent tous retourner d’où ils viennent après leur vie professionnelle. Au Tibet, ils ne se sentent pas chez eux. ils sont de plus en plus nombreux à comprendre que c’est un autre pays.

Deuxième raison : avec l’effritement de l’idéologie communiste et le capitalisme effréné qui coûte très cher aux Chinois, il y a un retour aux traditions locales, dont le bouddhisme. Et pour quelques millions de bouddhistes chinois, le meilleur représentant de leur religion, c’est encore le Dalaï-Lama.



LA VISION GEO-POLITIQUE DE CLAUDE B. LEVENSON

DANS LE DUEL CHINE-INDE.

Le vieux rêve chinois d’accés aux mers tropicales est en cours de réalisation par le jeu d’alliances de circonstance. Après le Pakistan auquel Pékin a naguère fourni de la technologie nucléaire tout en s’assurant une base dans le port en eaux
profondes de Gwadar, et le Népal désormais promu au rang de partenaire privilégié depuis la chute de la monarchie, le gouvernement chinois choie la junte birmane dont il est le principal fournisseur en armes et qu’il soutient fermement dans les instances internationales en échange de bases de radar dans les
petites îles Coco. Plus récemment, Pékin a avancé ses pions jusqu’au Sri Lanka, par le biais d’un investissement d’un milliard de dollars dans la construction d’un centre logistique de transbordement maritime à Hambantota, dans le sud de l’île. En contrepartie, la diplomatie indienne appuie le gouvernement de
Colombo dans sa lutte contre le « séparatisme » tamoul. New
Delhi voit dans l’égrenement de ce « collier de perles » (qui comprend également des points d’ancrage dans les ports de Chittagong au Bangladesh et de Sittwe en Birmanie) une tentative à peine masquée d’encerclement visant à réduire sa zone d’influence dans la région…

www.claudelevenson.net/lettres/politiqueInternationale.pdf


LES LIVRES DE CLAUDE B. LEVENSON

Claude B. Levenson continue à combattre pacifiquement à travers ses écrits. Lisons ou relisons tous ses livres.

– Le Tibet, PUF, « Que sais-je ? », 2008, (ISBN 978-2-13-056543-7)
– Tibet : la question qui dérange, Albin Michel, 2008, (ISBN 2226180753)
– Tibet, Tibétains, Un peuple, un regard, avec Jean-Claude Buhrer, Glénat, 2010, (ISBN 2723475093)
– Le Dalaï-Lama : Naissance d’un destin. Paris, Ed. Autrement, 1998
– Dormir, rêver, mourir : explorer la conscience avec le Dalaï-Lama, dalaï-lama et Francisco Varela, Nil éditions, 1998, (ISBN 2841110990)
– Le Dalaï-Lama, Ed. Grand Caractère, 1999
– Tibet : un peuple en sursis, avec des photos de Pierre-Yves Ginet, Actes Sud, 2000
– La messagère du Tibet (roman), Ed. Philippe Picquier, 1997, Poche, 2001
– Aung San Suu Kyi, demain la Birmanie, avec Jean-Claude Buhrer, Ed. Philippe Picquier, 2003, (ISBN 2877303748)
– Sergio Vieira de Mello – Un espoir foudroyé, avec Jean-Claude Buhrer, Éditions Mille et Une Nuits, 2004, (ISBN 2842058267)
– Le chemin de Lhassa, Éditions Lieu commun, Paris, 1985, (ISBN 2867050421)
– Ainsi parle le Dalaï-Lama, Éditions Lieu commun, Livre de poche Balland, Paris, 1991
– Le Seigneur du Lotus blanc, biographie du dalaï-lama, Éditions Lieu commun, Livre de poche, 1987, (ISBN 2867050871)
– D’Asie et d’ailleurs, avec Jean-Claude Buhrer, Éditions Balland, 1991, (ISBN 2715808941)
– La montagne des trois temps, Éditions Calmann-Lévy, 1995, (ISBN 2702124100)
– La Chine envahit le Tibet : 1949/1950, Éditions Complexe, 1995, (ISBN 2870275803)
– Symboles du bouddhisme tibétain, avec Laziz Hamani, Éditions Assouline, 1996, 1999, (ISBN 2843231450)
– Kailash, Joyau des Neiges, Carnet de voyage au Tibet, Éditions Olizane, 1996, (ISBN 2880861608)
– Tibet, otage de la Chine, Ed. Philippe Picquier, 2002, Poche, 2005, (ISBN 2877305961)
– L’ONU Contre Les Droits De L’homme, avec Jean-Claude Buhrer, Éditions Mille et Une Nuits, 2003, (ISBN 2842057511)
– L’An prochain à Lhassa, Éditions Philippe Picquier, 2006, (ISBN 2877308308)
– Tibet, d’oubli et de mémoire, avec Gianni Baldizzone et Tiziana Baldizzone, préface du Dalaï-Lama, Éditions Phébus, 2007, (ISBN 2752902271)
– Le bouddhisme, PUF, « Que sais-je ? », 2007, (ISBN 978-2-13-056323-5)
– Birmanie : des moines contre la dictature, avec Jean-Claude Buhrer, Éditeur : Mille et Une Nuits, 2008, (ISBN 9782755500554)

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