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Jean d’Ormesson — « Dieu ? Je ne sais pas… »

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Entre roman et essai, Jean d’Ormesson s’interroge de façon très personnelle sur le sens de la vie.

Comment est née cette réflexion sur l’existence de Dieu ?

Le point de départ, c’est l’étonnement. J’ai toujours été doué pour l’étonnement, voire l’émerveillement. Je suis toujours surpris d’être là et j’ai beaucoup aimé mon époque. De façon naturelle, cet étonnement m’a amené à me poser le problème de Dieu. Je suis agnostique, c’est-à-dire que je ne sais pas. Mais je suis entouré de gens qui savent comme Claudel et Julliard, et d’autres qui savent que Dieu n’existe pas, Marx ou Sartre. Alors, j’ai essayé de montrer que si l’on ne peut pas prouver l’existence de Dieu, on ne peut pas, non plus, prouver son inexistence. J’ai tenté, en un mot, d’écrire le grand livre de l’univers. C’est pour cela que ce livre est un roman et non pas un essai. À cause de cet étonnement.

Diriez-vous que ce livre est en cohérence avec tout ce que vous avez déjà écrit ?

Totalement. On pourrait me dire, c’est parce que vous êtes vieux que vous parlez de Dieu. Mais non ! J’ai toujours été préoccupé par le temps qui passe et par l’idée de Dieu. Spinoza disait que la philosophie est une méditation de la vie et non de la mort, mais Montaigne disait l’inverse. Alors, je choisis de résumer cela d’une phrase : il faut toujours penser comme si Dieu existait et agir comme s’il n’existait pas.

Vous vous êtes surnommé l’écrivain du bonheur. Vos derniers romans, et celui-là en particulier, semblent vous démentir ?

Oui, j’ai été un écrivain du bonheur parce que j’ai beaucoup parlé de l’amour de la vie. La vie et moi, on s’est très bien entendus. Mais si on me proposait de la recommencer, je refuserais. Ne pas mourir doit être horrible. Ce doit être si délicieux de ne plus être soumis à ce temps qui nous harcèle. Oui, j’ai été un écrivain du bonheur, mais je sais aujourd’hui que la vie est très cruelle. C’est cet équilibre que je tente de trouver. Tous mes livres m’ont changé. Et celui-là peut-être plus que les autres. Je le porte en moi depuis des années. Quand j’étais jeune, je supportais mal les contrariétés. Mais j’ai acquis une sagesse peut-être… L’idée du bonheur, c’est de se changer soi-même avant de vouloir changer l’ordre du monde. Personne n’échappe au malheur, mais cette vallée de larmes qu’est la vie est aussi une vallée de rires.

Que vous inspire votre extraordinaire popularité auprès des jeunes générations ? On a l’impression que plus vous prenez de l’âge, plus vous devenez « branché »…

C’est vrai et c’est l’une des choses qui me fait le plus plaisir. Pendant des années et des années, je voyais arriver des jeunes filles ravissantes qui me disaient « Ma grand-mère vous adore ». Puis, c’est devenu, « Mon arrière-grand-mère vous adore ». Depuis 4 ou 5 ans, je vois venir à moi des vieilles dames qui me disent « Ma petite-fille vous aime beaucoup ». Ce délicieux revirement de situation, je le dois à des gens comme Julien Doré, qui me trouve sympa et ringard, et qui a fait tatouer mon nom sur son épaule. Je suis le seul académicien qui a un club rock à son nom. Plus sérieusement, si je ne suis pas trop démodé, c’est parce que je n’ai jamais été à la mode. Je n’ai jamais été existentialiste. Je n’ai jamais cru au nouveau roman. Quand j’écris, je ne pense jamais à ce que veulent les lecteurs. Car un écrivain qui pense à son public est un écrivain perdu. Il écrit des best-sellers et ces derniers, c’est bien connu, sont toujours des navets !


Source: Midi Libre

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