26.08.2010
Dans une vision optimiste, on peut considérer que la Chine vient d’accomplir un petit pas dans la bonne direction concernant la peine de mort dont elle détient le record mondial. De manière plus réaliste, Amnesty International a estimé pour sa part que les projets de réforme concernant l’application de la peine de mort en Chine « risquaient de ne pas aboutir à une baisse significative des exécutions ».
Le gouvernement chinois a en effet annoncé lundi une réduction du champ d’application de la peine capitale, avec la suppression de treize des 68 crimes passibles de la peine de mort. En particulier, la fraude fiscale ou le trafic de reliques culturelles en sont désormais écartés, ainsi que la condamnation à mort de personnes au-delà de 75 ans.
Ça pourrait sembler dérisoire, et, comme le souligne à juste titre Amnesty, risque fort de ne pas avoir d’impact immédiat sur les chiffres d’exécutions capitales chinoises, dont le nombre exact est un secret d’Etat. Jusqu’à dix mille par an, avait lâché un député chinois.
Pour autant, les récentes décisions chinoises vont dans le sens que m’avait décrit, au début des années 2000 à Pékin, un chercheur de l’Académie des sciences sociales chinoises, un think tank gouvernemental. Cet homme, qui se décrivait comme « abolitionniste à titre personnel », estimait que la peine de mort ne pourrait pas être abolie d’un seul coup en Chine, où la croyance en l’exemplarité reste dominante.
Ce chercheur, proche de certains secteurs du pouvoir, estimait donc qu’il fallait procéder par étapes :
– D’abord, donner à la Cour suprême le dernier mot dans les procédures impliquant la peine capitale. Le chercheur reconnaissait sans fard qu’en raison de l’incompétence d’une grande partie des juges, mais aussi du contrôle politique local sur les tribunaux, de nombreuses peines capitales étaient prononcées et exécutées à tort. Rappelons que ce n’est pas le juge seul qui prend les décisions importantes de justice, mais le secrétaire du Parti communiste du tribunal.
– Ensuite, disait-il, il faut commencer par restreindre le champ d’application de la peine de mort, afin de le ramener, au bout du processus, aux crimes les plus graves, comme la trahison en temps de guerre et les meurtres les plus crapuleux. Avant d’en geler l’application pendant plusieurs années et de passer à l’abolition complète.
Ce scénario, qui m’a été énoncé il y a sept ans à Pékin, a commencé à être mis en œuvre : en 2007, les condamnations à mort ont commencé à être étudiées en dernière instance à la Cour suprême de Pékin et non plus dans les cours régionales, et, cette semaine, c’est donc une première réduction du champ d’application de la peine capitale.
Wen Jiabao : « Nous ne pouvons pas abolir la peine de mort »
Amnesty International est évidemment dans son rôle d’aiguillon pour pousser le pouvoir chinois à aller plus loin et surtout plus vite. Catherine Baber, directrice adjointe du programme Asie-Pacifique d’AI, déclare ainsi :
« Nous sommes prêts à accueillir favorablement toute réforme qui permettrait de réduire concrètement le nombre d’exécutions en Chine. Cependant, nous craignons que ces révisions législatives n’aient pas véritablement d’impact. »
Évidement, cela ne signifie pas que le scénario du chercheur sera suivi jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à l’abolition totale de la peine de mort.
En 2005, le premier ministre chinois, Wen Jiabao, déclarait ainsi :
« Au vu de notre situation nationale, nous ne pouvons pas abolir la peine de mort. Et la pression internationale n’y changera rien ! Ce que nous faisons, c’est instaurer un système qui garantit que les condamnations à mort soient rendues avec prudence et justice. »
Alors, simple « modernisation » de la peine de mort, ou premiers pas sur la longue route vers l’abolition ? Il est trop tôt pour conclure, et, dans une certaine mesure, les deux ne sont pas incompatibles, du moins au début.
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Aperçu historique de la peine de mort en Chine
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Source: Rue89