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Le roi du développement durable est thaïlandais — par Tristan Lecomte

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Depuis 1974, Bhumibol Adulyadej, souverain de la Thaïlande, milite pour une économie d’autosuffisance. Espérons que son exemple marquera l’histoire… La chronique de Tristan Lecomte.

On connaît de la Thaïlande ses paysages de rêve, son tourisme de masse et sa cuisine raffinée, mais au-delà de ces clichés, on connaît trop peu son roi, Bhumibol Adulyadej (Rama IX) et ses thèses sur le développement, mises en pratique dans différentes parties du pays par des millions de petits producteurs agricoles.

Roi depuis 1946, il est le souverain ayant connu le règne le plus long de l’histoire. Toujours au pouvoir, il prône depuis 1974 le modèle de l’économie d’autosuffisance (« self-sufficiency economy »). Il encourage les petits producteurs agricoles a rechercher avant tout l’autosuffisance alimentaire, la diversification de leur production et une moindre dépendance de l’achat de produits manufacturés. Plus largement, il propose une attitude de modération, d’intégration dans l’écosystème et d’organisation coopérative et solidaire au sein des communautés villageoises.

Très inspirées du bouddhisme, et proches des thèses localistes de penseurs tels qu’Ernst « Fritz » Schumacher, auteur de Small is beautifull, les idées du roi ont longtemps fait sourire les « businessmen » de l’establishment thaï, en particulier durant les années 80 et 90 de boom économique. La crise de 1997 qui a fortement touché la Thaïlande, et plus globalement la crise mondiale actuelle du capitalisme et de ses ravages sur l’environnement donnent a présent à ses thèses une impression de modernité sans pareil.

Un des concepts sous-jacent a l’économie d’autosuffisance est celui « d’immunité sociale » que le producteur et sa communauté doivent rechercher grâce la diversification de leurs ressources et la recherche avant tout de l’autosuffisance alimentaire, avant de s’engager a corps perdu dans le développement de cultures de rentes intensives et le consumérisme. Ainsi, face a une économie mondialisée et le développement débridé d’une agriculture intensive mécanisée et de la monoculture partout dans le Monde, qui n’a jamais vraiment enrichi les agriculteurs, le Roi n’a cessé de prôner un modèle de développement modéré, étape par étape, et surtout très diversifié.

Il préconise par exemple très concrètement que chaque producteur divise sa ferme en quatre, avec 30 % dédié à la culture de riz, destiné prioritairement a la consommation familiale, le surplus pouvant être commercialisé, 30 % dédié a la construction d’une réserve d’eau pour pouvoir subvenir aux besoins agricoles même en cas de sécheresse, 30 % dédié aux cultures vivrières, potager, arbres fruitiers, mais aussi élevage de poules, canards, vaches et buffles, tant pour l’alimentation de la famille que la production d’engrais naturels pour les cultures et enfin 10 % pour l’habitation et les accès a la ferme.

Ainsi, il donne une illustration très pratique et accessible a tous de sa théorie. Il a développé des fermes modèles et centres d’apprentissage partout dans le pays suivant ce schéma, à commencer par la ferme bio modèle qu’il a installée au cœur même de son palais royal en plein Bangkok…

C’est un roi de terrain, trop âgé à présent pour se déplacer, mais qui a parcouru le pays pendant des dizaines d’années, inlassablement, pour aller à la rencontre des petits producteurs et leur proposer autre chose que le modèle intensif et la pensée unique. Un roi visionnaire qui a osé aller a contre-courant de cette pensée unique, en prônant l’agriculture biologique, les techniques agro-écologiques et les principes de moralité inspirés de la spiritualité bouddhiste: la modération, la coopération, le respect du vivant sous toutes ses formes. Le roi du développement durable, de l’agriculture biologique et du commerce équitable en quelque sorte. Espérons que son exemple marquera l’histoire et inspirera nos dirigeants politiques à favoriser toujours plus ces orientations et pratiques durables et à défendre une véritable vision du développement.


Tristan Lecomte

Source: L’Express

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