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Un bref aperçu de l’enseignement du Bouddha – Dominique Thomas

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Un bref aperçu de l’enseignement du Bouddha

Dominique Thomas

Extrait du Tendrel n° 58

Si l’enseignement du Bouddha a, bien sûr, été oral au départ, il fallut bien vite poser par écrit Ses précieuses Paroles pour enrayer toute déviation possible. Les textes dont nous disposons actuellement sont le fruit de ce travail de compilation, agrémenté d’une multitude de commentaires ultérieurs écrits par les grands maîtres notamment indiens et tibétains qui suivirent la voie enseignée par le Bouddha. Tous ces enseignements appartiennent, ou sont dagpo.jpgdirectement reliés, à ce que l’on nomme les trois Corbeilles ou Tripitaka. Il y a tout d’abord le Vinaya qui traite des règles de comportements à respecter notamment lorsqu’on s’engage dans la voie monastique, les Soutras qui retranscrivent fidèlement les paroles prononcées par le Bouddha Sakyamouni et enfin l’Abhidharma qui donne une description du monde, de ses constituants, de la cosmologie et du fonctionnement de l’esprit.
Les paroles du Bouddha constituent bien évidemment un tout mais on les classe cependant selon trois niveaux, appelés les Trois Tours de Roue du Dharma, la roue étant, depuis les temps anciens, un symbole de puissance et de dynamique.

Le premier cycle d’enseignement fut donné à Sarnath, dans le Nord de l’Inde, près de la cité de Varanassi plus connue aujourd’hui sous le nom de Bénarés. Il s’agit des Quatre Nobles Vérités dont on pourrait dire qu’il s’agit à la base d’un constat :

  • Le constat de l’insatisfaction et de la souffrance expérimentées continuellement par les êtres.
  • Le constat du fait que l’origine de cette souffrance n’est pas la réalité mais la manière dont l’esprit appréhende cette réalité.
  • Puisque l’origine de la souffrance n’est pas la réalité elle-même, il est possible de s’en libérer et d’accéder à l’au-delà de la souffrance, terme dont l’équivalent en sanscrit est nirvana.
  • Il existe un chemin permettant à tous les êtres sans exception de se libérer de cette cause de souffrance et de ses conséquences.

Ces Quatre Nobles Vérités constituent le fondement ce que l’on nomme le Petit Véhicule, le Hinayana ou bien encore le Théravada.

Le deuxième Tour de Roue du Dharma est principalement l’enseignement sur la vacuité, l’absence de réalité propre des phénomènes tant extérieurs qu’intérieurs. Bien sûr, il y a la souffrance, l’origine de la souffrance, l’au-delà de la souffrance et le chemin de la libération, tout ceci est vrai mais relativement vrai. A un niveau plus subtil, il est impossible de mettre le doigt sur une entité, subtile ou concrète, ayant une existence réelle. A l’image d’un rêve ou d’un arc-en-ciel, la manifestation peut être expérimentée mais elle est de l’ordre de l’illusion. Cet enseignement extrêmement profond fut donné par le Bouddha à Rajgir, en un lieu nommé le Pic des Vautours. Il sera largement développé quelques siècles plus tard par Nagarjuna et d’autres grands maîtres. Il constituera ce que l’on appelle le Madhyamika ou Voie du Milieu et servira de base au Mahayana, le Grand Véhicule.

Le Troisième Tour de Roue du Dharma est un nouvel éclaircissement de la voie vers l’éveil. Il distingue notamment les enseignements ultimes des enseignements circonstanciels et d’un niveau relatif, qui furent donnés par le Bouddha en fonction de la capacité de compréhension de son auditoire. On y trouve également tout ce qui concerne la nature de l’esprit ou courant de conscience : loin d’être pur néant, cette absence de réalité est dynamique, lumineuse et sage. Au-delà de toute notion d’existence et de non-existence, elle est l’union de la sagesse et de la compassion. Les circonstances dans lesquelles fut donné ce troisième Tour de Roue du Dharma sont plus incertaines : il est dit que cela eut lieu en partie à Rajghir mais le plus souvent sous une forme trop subtile pour être perceptible par les êtres ordinaires.

Ce bref aperçu permet de constater à quel point la compassion du Bouddha est grande. Il nous accompagne pas à pas vers la réalisation de l’être, selon une progression qui veille à nous éviter de sombrer dans des points de vue erronés. L’ordre selon lequel son enseignement fut donné est d’une grande importance : les Quatre Nobles Vérités nous montrent la nécessité de bien nous imprégner de la situation dans laquelle nous nous trouvons et du chemin à parcourir. Ce serait un leurre que de vouloir immédiatement se convaincre que tout ce qui nous arrive n’est qu’illusion. L’enseignement sur la vacuité révèle que ce n’est pas simplement ce qui nous arrive qui est illusoire mais que c’est l’ensemble de la relation duelle « expérimentateur / chose expérimentée » qui est en cause. D’un autre côté, le troisième Tour de Roue du Dharma, par son évocation de la nature de l’esprit, nous évite de sombrer dans une sorte de nihilisme sans toutefois commettre l’erreur de croire en l’existence d’une entité permanente faite de sagesse et de compassion, puisque la nature de ce courant de conscience se situe au-delà de tout extrême d’existence et de non-existence.

Quelques sujets de réflexion sur l’origine de la souffrance

Plusieurs termes sont fréquemment utilisés pour désigner l’origine de l’état d’insatisfaction et de souffrance dans lequel nous nous trouvons : ignorance, désir, attachement, saisie égocentrique …

Sans vouloir, bien sûr, appréhender par l’intellect toute la profondeur et la subtilité des paroles du Bouddha, il peut cependant être opportun de nous interroger :

  •  » Qu’est-ce qui fait que je ne suis pas satisfait ou satisfaite dans telle ou telle situation de ma vie quotidienne ?  »

Il y a toujours de multiples raisons mais, en y regardant bien, il est facile de constater que toutes sont en lien avec une idée que nous avons de la réalité : ce serait bien s’il n’y avait pas cet embouteillage, si elle avait mieux su me comprendre, si j’avais davantage de temps pour …

En d’autres termes, ce n’est pas tant la situation elle-même qui nous fait souffrir que le décalage qu’il y a entre elle et ce que nous aurions souhaité qu’elle soit. Notre esprit n’est pas présent à la réalité mais aux concepts qu’il élabore à partir d’elle. Ce décalage et la confusion qui en résulte, source de quelques désagréments dans les exemples anodins donnés ici, se retrouvent à des niveaux beaucoup plus subtils quant à l’existence même de l’être. Mais avant d’aborder ce sujet, il convient au préalable de prendre conscience de certaines aptitudes de notre esprit.

Imaginons que vous êtes dans votre jardin par un bel après-midi et que vous vous apprêtez à lire un bon livre dans votre fauteuil. Au moment où vous vous asseyez, vous apercevez du coin de l’œil, votre voisin derrière la haie en train d’épier ce que vous faites. Il est toujours curieux comme une chouette mais vous avez décidé de faire semblant de rien et de profiter de l’instant. Pourtant vous avez beau essayer de lire, votre esprit est troublé. Cette présence vous pèse ; en fait vous ne pensez qu’à ça et cela vous énerve à un point tel que vous refermez avec colère votre livre. Votre après-midi est fichu à cause de ce voisin et vous quittez votre fauteuil.

Mais au moment où vous vous relevez, vous découvrez que les fenêtres de la maison voisine sont fermées et vous vous souvenez d’ailleurs que ce fameux voisin est parti en vacances et qu’il ne rentrera que dans une semaine. Une ombre ou un simple mouvement de feuilles vous a fait croire à sa présence et cela a suffi pour susciter en vous de l’insatisfaction, une émotion de colère et des gestes d’irritation. Cet exemple banal montre qu’une chose n’a pas besoin d’exister pour être agissante. Il suffit que l’esprit s’empare d’un mouvement fugitif de la pensée et qu’il s’y accroche pour que cette absence de réalité se concrétise et nous entraîne dans la confusion et la souffrance. Il s’agit là bien sûr d’un exemple très grossier mais il est révélateur de la capacité illimitée de l’esprit à donner réalité à ce qui n’en a pas. Nous pouvons alors nous poser une autre question, plus profonde celle-ci : l’ego a-t-il vraiment besoin d’exister réellement pour être efficace dans sa capacité à véhiculer la souffrance ou suffit-il à la conscience d’être convaincue de son existence ?

Source : www.dhagpo-kagyu.org

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