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‘Bhoutan. Terre de sérénité’, de Matthieu Ricard : l’autre Pays du Bouddha

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11.12.2008

S’il existe une terre de sérénité, ce serait le Bhoutan. Matthieu Ricard en est convaincu. Après une thèse en génie cellulaire à l’Institut Pasteur de Paris, le moine qu’il est devenu, s’établissant en 1972 dans l’Himalaya pour étudier et pratiquer le bouddhisme, voit dans ce petit royaume, coincé entre la Chine et l’Inde, un modèle unique. Dans le contexte himalayen des plus instables, l’auteur met en lumière l’exception d’une contrée protégée, « en matière d’écologie, de spiritualité, de statut politique, d’architecture, de textile et autres artisanats, autant de spécificités qui le démarquent ».

Conference_Matthieu_Ricard_013_5073x1.jpgSitué au sud du Tibet, à la latitude du Maroc, le Bhoutan, grand comme la Suisse pour 700 000 habitants, subit le régime des moussons et jouit d’une grande diversité de paysages. Jungle inhospitalière au sud, sommets enneigés au nord, culminant à plus de 7 000 mètres ; forêts escarpées, où s’épanouissent plantes médicinales et rhododendrons, couvrant les trois quarts du pays ; culture des céréales, riz, blé, orge et sarrasin, au creux des vallées. Géographie et autosuffisance qui contribuèrent à son isolement.

« DRAGON TONNERRE »

Mais plus encore que la richesse naturelle du Drouk Yul (littéralement « pays du Dragon tonnerre »), ce qui frappe Matthieu Ricard, c’est la spiritualité liée à l’histoire de cette terre profondément bouddhiste. « Le pays tout entier est sacré, écrit-il, chaque vallée est un lieu de pèlerinage, et chaque roc, grotte ou rivière a une histoire. » Les photos des monastères accrochés à la roche, sur le flanc d’une falaise vertigineuse, témoignent de cet engagement spirituel. Ainsi Taksang, l' »antre du tigre », dans la vallée de Paro, l’un des lieux sacrés les plus impressionnants de l’Himalaya, est perché à 2 950 mètres, avec le petit ermitage d’une vieille nonne, seulement accessible par une échelle posée dans une entaille de la paroi, à 800 mètres au-dessus de la vallée.

Il y a vingt-cinq ans, Matthieu Ricard, qui est aujourd’hui l’interprète en français du dalaï-lama, accompagnait pour la première fois Dilgo Khyentsé Rinpoché, son maître spirituel, au Bhoutan. Il restera huit ans auprès de lui et deviendra l’un des proches de la famille royale.



Ce livre, qui commémore le centième anniversaire de la naissance de ce grand maître, décédé en 1991, est illustré des 180 clichés de M. Ricard, lui-même photographe, membre de l’agence Rapho. Des images qui montrent les panoramas époustouflants, le faste des cérémonies flamboyantes, les costumes arc-en-ciel des danseurs masqués qui tournoient des heures durant. Elles révèlent le quotidien des monastères, l’intimité des lamas en prière, celle de l’artisan à l’ouvrage, sur son métier à tisser, ou sculptant le bois, travaillant l’argile.

L’architecture robuste évoque les forteresses du Moyen Age. De pierre chaulée et de bois, aux ouvertures ornées des motifs de bon augure, les maisons comme les vastes complexes monastiques, qui logent des milliers de moines, ont une force qui défie les ans. Autant l’extérieur est sobre, autant les intérieurs révèlent une profusion de couleurs qui claquent, sur les murs peints de grandes fresques symboliques, de tentures aux tons chauds, de coussins, comme s’il fallait là encore tempérer le rude climat de l’hiver par des espaces accueillants.

Ce pays, resté longtemps fermé aux étrangers, invités à le visiter en nombre très limité et moyennant une taxe exorbitante, avait ainsi choisi de préserver ses traditions et sa culture millénaire en se tenant en marge de la modernité. Royaume fondé en 1908, doté d’une Assemblée nationale en 1953, le Bhoutan s’est ouvert à la démocratie en 2008. Le concept de bonheur national brut (BNB) qui remplace le produit national brut (PNB) doit assurer une meilleure qualité de vie aux citoyens. Les enfants sont en majorité scolarisés. Les us et coutumes se transmettent de génération en génération, comme la manière de se loger, de se nourrir, de s’habiller. Les pièces d’étoffe dont s’enroulent les femmes, ou coupées en vestes d’homme, sont tissées dans les foyers sur des métiers de bois. Consommer ce que l’on produit, tel semble être le mot d’ordre général.

Jigme Khesar Namgyel Wangchuck, 28 ans, diplômé d’Oxford en sciences politiques, qui vient d’être sacré roi, s’est engagé à poursuivre l’ouverture amorcée par son père. Les jeunes générations sauront-elles résister aux sirènes de la mondialisation ? C’est sans doute le prix à payer pour préserver l’identité de ce pays cent pour cent écolo.


BHOUTAN. TERRE DE SÉRÉNITÉ. Textes et photos de Matthieu Ricard. La Martinière, 232 p., 39 €.

Les revenus de ce livre sont entièrement consacrés aux projets humanitaires en Asie de l’association Karuna, humanité et développement.


Par Florence Evin

Source : www.lemonde.fr

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