Organismes musulmans
L’éducation des masses musulmanes et la transformation de l’islam dans la ligne socialiste sont poursuivies avec l’aide de divers organismes islamiques et surtout de l’Association islamique chinoise (AIC). C’est en juillet 1952 qu’est décidée sa fondation par un groupe de 53 représentants provenant de différentes régions et dont beaucoup sont des membres du Parti ou de bons exécutants de la politique du Front uni. Le comité préparatoire, dirigé par Burhan Shahidi, convoque l’assemblée inaugurale en mai 1953. Elle le confirme dans son poste de président et précise les buts de l’AIC : « aimer la patrie, assister le gouvernement du peuple et le Parti dans la mise en oeuvre de la politique religieuse, le maintien de bons rapports avec les coreligionnaires de l’étranger afin de contribuer à la campagne de sauvegarde de la paix dans le monde » . Dès sa fondation, l’AIC s’applique à se faire l’interprète des directives officielles, à promouvoir une active participation des masses musulmanes à toute campagne nationale lancée par le pouvoir, surtout en direction des minorités ethniques, – à interpréter la doctrine islamique dans la ligne socialiste, avec l’édition du Coran en chinois et la traduction en arabe des principaux documents officiels.
En 1962, Chang Jie, l’un des vice-présidents de l’AIC, écrit : « La Chine est un pays formé de beaucoup de minorités nationales, où vivent ensemble proches les unes des autres beaucoup de fois religieuses. Dans les minorités ethniques la majorité des gens suivent une religion. Dix groupes ethniques adhèrent à l’islam : Hui, Uigur, Kazak, Uzbek, Kalkhas, Tatar, Tajik, Tunghsiang (Dongxiang), Salar et Paoan (Bonan). Il est donc très important de mettre correctement en oeuvre la politique de liberté de foi religieuse du Parti dans les minorités ethniques.
Dans notre pays, le problème de la religion implique les rapports entre les masses, entre les minorités ethniques différentes, entre les diverses classes sociales du pays, les rapports entre la Chine et les pays étrangers. C’est donc un problème très complexe. Son traitement correct a une portée exceptionnelle pour le renforcement de l’unité entre les groupes des minorités ethniques et pour la construction de notre grande patrie socialiste… Pendant les dix années écoulées, la politique de liberté de religion du Parti a été généralement appliquée dans les milieux musulmans et entre musulmans des diverses nationalités. Il est tout à fait possible à présent pour les grandes masses musulmanes de décider librement de leur propre foi religieuse. Le Parti et le gouvernement respectent et prennent en considération toutes leurs croyances, coutumes et traditions religieuses. Toutes les activités et toutes les cérémonies légitimes ne sont pas seulement permises, elles sont protégées par les autorités. Le Parti et le gouvernement ont aidé à reconstituer notre organisation religieuse, « l’Association islamique chinoise ».
Dans un certain nombre de provinces, de villes et de territoires autonomes, ont également été formées des organisations islamiques locales selon les besoins. Un Institut islamique a été ouvert dans le but exclusif de former des intellectuels musulmans patriotes, versés dans les saintes écritures. Des mosquées célèbres de diverses régions du pays ont été restaurées. Des classiques de l’islam ont été traduits et publiés. Les pèlerinages annuels ont été organisés… Les contradictions entre certains réactionnaires de l’islam et le socialisme se sont graduellement aggravées. En réponse aux voeux unanimes des grandes masses musulmanes, un symposium du peuple Hui tenu dans le Ningxia a révélé au grand jour et dénoncé les crimes odieux du réactionnaire Ma Chen-wu » .
« Ce furent là les effets d’une réforme démocratique du système religieux en divers endroits qui a connu un succès remarquable… (Les grandes masses musulmanes) ont en outre abattu les barrières qui de longue date séparaient les groupes ethniques, les religions, les sectes, les croyants et les non-croyants. Elles ont ainsi favorisé le développement des relations socialistes entre les différentes nationalités du pays… Par de fréquentes visites amicales, les musulmans des autres pays qui sont venus chez nous ont loué avec chaleur la politique de notre Parti et du gouvernement quand ils ont constaté que les musulmans jouissent ici de la liberté religieuse et d’une vie heureuse » .
L’institut théologique islamique chinois est fondé en avril 1955 dans le but de « former des imàm doués des nobles qualités de l’amour fervent de la patrie et de l’amour fervent du socialisme, sachant bien parler l’arabe, imbus des principes de la foi islamique et dotés du savoir nécessaire pour servir les adeptes de l’islam ». Mais dans le même temps, en vertu du principe qui prohibe la propagation de la religion hors des temples et des églises, il est interdit aux écoles élémentaires et moyennes traditionnellement rattachées aux mosquées de dispenser l’instruction religieuse .
En 1957, avec la politique des Cent fleurs, des critiques à l’encontre des autorités communistes sont formulées par des musulmans, qui accusent le gouvernement de vouloir détruire toutes les religions ou de se servir d’elles à ses propres fins. Comme les autres intellectuels qui osent parler, ils sont convaincus de « crimes contre-révolutionnairesde « tendances droitières » et condamnés. Les autorités s’acharnent spécialement contre Liu Shengming et contre « les musulmans rebelles du Henan » dirigés par Bai Qingzhang, Yuan Changxiu etc. « L’an passé, pendant la grande querelle et la grande floraison (les Cent fleurs), en profitant des attaques frénétiques de droitistes contre le Parti en plusieurs régions du Henan, des criminels de droite cachés dans les couches supérieures du peuple Hui et dans les cercles religieux islamiques se sont démenés. Ils ont répandu des idées réactionnaires et dénigré la politique du Parti. Certains parmi eux sont allés jusqu’à comploter une insurrection dans le but de détruire l’unité nationale et de constituer des royaumes indépendants… »
En 1965, à la clôture de la troisième assemblée nationale de l’AIC, son président Burhan Shahidi déclare: « L’AIC a obtenu de grands résultats dans son effort pour aider le gouvernement à mettre en oeuvre la politique de liberté religieuse, à organiser l’étude théologique islamique et à renforcer les échanges de visites amicales avec des coreligionnaires d’autres pays… Pour les fêtes musulmanes, le gouvernement accorde des congés spéciaux dans ses services, les usines et les écoles, les organisations d’Etat distribuent à leur personnel musulman des rations alimentaires et des articles de circonstance… Avec l’aide financière du gouvernement, nombre de mosquées célèbres ont été restaurées… Depuis sa création l’institut théologique islamique a formé de nombreux imàm et spécialistes musulmans : Hui, Uigur, Kazak, Uzbek, Khalkhas et Salar.., sans parler des cours spéciaux organisés en beaucoup de régions sur le Coran, les hadith (actes et dits du prophète Mahomet), les lois et l’histoire de l’islam, sur la langue arabe… Deux éditions du Coran ont été publiées et de nombreux ouvrages de théologie… Des pèlerinages annuels à La Mecque ont été organisés… Nous avons poursuivi avec nos coreligionnaires d’autres pays les échanges de visites amicales qui contribuent énormément à renforcer la compréhension mutuelle et l’amitié… »
Pendant la Révolution culturelle (1966-1976)
Quand la Révolution culturelle éclate, la politique de liberté religieuse se transforme en persécution ouverte, selon les directives des dazibao qui apparaissent à l’automne 1966 à Pékin : « Fermer toutes les mosquées, dissoudre toutes les associations religieuses, supprimer l’étude du Coran, abolir les mariages entre coreligionnaires, la circoncision » ; « Abolition immédiate de toutes les organisations islamiques de Chine, internement du ‘clergé’ islamique dans des camps de travail forcé, substitution de l’incinération aux rites funéraires musulmans, suppression de la célébration des fêtes et des congés islamiques » . Les gardes rouges s’engagent à fond dans cette ligne d’action. Au paroxysme de la Révolution culturelle, vers la fin des années 60, les musulmans de la province du Yunnan fomentent une insurrection en proclamant la fondation de la République islamique. Les villages impliqués sont rasés par les troupes gouvernementales.
Les premiers signes de retour d’une certaine liberté religieuse, après les excès de la Révolution culturelle, apparaissent en 1970-1971 quand revient au premier plan la préoccupation de l’unité entre les minorités ethniques et des bons rapports avec les pays islamiques étrangers. Ce coup de frein amène en 1974 une autre insurrection des musulmans du Yunnan, dont la répression fait 1 700 morts sans rien résoudre ni favoriser une réconciliation des esprits.