Accueil Espace Bouddhiste Société Japon — Le devoir de mémoire n’est pas affaire de religion

Japon — Le devoir de mémoire n’est pas affaire de religion

84
0

08.09.2009

yasukuni_shrine.jpgChaque 15 août, le temple Yasukuni, à Tokyo, accueille un rassemblement du mouvement nationaliste d’extrême droite japonais. Hommage aux Japonais « ayant donné leur vie au nom de l’empereur du Japon » – dont 14 criminels de guerre du conflit 1939-1945 –, ce sanctuaire est l’un des aspects les plus visibles du fait religieux japonais.

Ce n’est pourtant qu’un épiphénomène au sein de la galaxie des divinités shintoïstes. Le temple fut bâti en 1869, au début de l’ère Meiji. L’empereur qui révolutionna le Japon voulut en effet s’appuyer sur une religion fédératrice, à l’image du christianisme en Occident. Mais cette volonté de récupération politique allait contre la nature même du shintoïsme, dont le fondement consiste à célébrer la présence de divinités dans chaque objet du quotidien de la vie des Japonais.

« Le clergé ne tente pas de conduire les croyants dans une direction particulière. Chacun ressent la présence des divinités à sa façon. Par exemple, certains prêtent attention aux ancêtres, d’autres non », témoigne Marie Nagafuji, 23 ans, qui se déclare shinto, mais également bouddhiste, comme la plupart des Japonais.

La responsabilité plus personnelle que collective

De plus, l’effacement des moines dans la vie quotidienne explique la faible implication des religions dans les questions politiques. « On nous apprend à travers le bouddhisme que nos actes nous seront rendus dans nos vies futures, ou dans celles de nos descendants », remarque la jeune femme. La responsabilité est donc considérée comme personnelle plus que collective.

Pourtant, en 1947, une association pluriconfessionnelle à laquelle auraient participé des responsables chrétiens japonais avait exprimé le regret d’avoir soutenu le régime militariste impérial à partir des années 1930. Mais ce mouvement n’a pas laissé de trace dans l’opinion : la religion et les affaires publiques ne sont pas mises sur le même plan. À cela s’ajoutent les différences entre la guerre asiatique du Japon et celle, européenne, de l’Allemagne nazie : la question raciale n’était pas un des moteurs de l’expansionnisme nippon. Le pays partait à la conquête d’un espace vital à la hauteur de ses ambitions.

Reste que la question du devoir de mémoire est mal et peu abordée. Les manuels scolaires sont l’objet de controverses. « Nous ne disposons que de peu de matière pour expliquer aux jeunes ce qui s’est passé pendant la Seconde Guerre mondiale », regrette un professeur de collège de la proche banlieue de Tokyo, qui explique que la sensibilité politique des éditeurs se lit entre les lignes des ouvrages. Fin 2008, un amiral de la marine japonaise écrivait un essai révisionniste. Il fut congédié sur-le-champ. Le 15 août suivant, l’amiral incriminé dédicaçait son livre au temple de Yasukuni. Cela ne fait pas pour autant de lui une figure religieuse du shintoïsme.


Gilles DE LESDAIN, à Tokyo

Source : www.la-croix.com

Previous articleLire tout en plantant des arbres au Mali avec Folio et Planète Urgence
Next articleEau, Symbolique et Religions : Les premiers cultes (1)