12.07.2009
La quatrième rencontre du Centre théologique de Meylan (Isère), qui a rassemblé 80 chrétiens et bouddhistes, s’est achevée dimanche 12 juillet
Au Centre théologique de Meylan, les bouddhistes sont comme chez eux. Depuis une dizaine d’années, chrétiens et bouddhistes se rencontrent tous les trois ou quatre ans autour d’un thème. La semaine dernière, ils étaient environ 80 à participer à leur quatrième rencontre, pour un colloque intitulé : « Le mal et la souffrance : regards bouddhistes et chrétiens ».
Dès l’ouverture, jeudi soir, Dennis Gira, spécialiste du bouddhisme et ancien directeur adjoint de l’Institut de science et de théologie des religions (ISTR) de Paris, a salué les habitués, près de la moitié des participants, tout en accueillant les nouveaux. « Quand on est entre amis, comme ici, on peut risquer de se découvrir et l’autre fait de même. Sans avoir peur d’être jugé et en sortant des platitudes qui mettent tout le monde d’accord », a-t-il déclaré. Sur le thème choisi, les différences entre les deux traditions sont apparues nombreuses. « Les mots “mal” et “souffrance” sont des traductions qui découlent du christianisme et n’ont aucun sens pour le bouddhisme », a rappelé d’entrée de jeu Dominique Trotignon, directeur de l’Université bouddhique européenne et vice-président de l’association Théravâda.
« La Bible ne donne pas de réponse sur l’origine du mal et son sens »
La rencontre nécessitait donc un décryptage du vocabulaire pour se sortir de « l’hégémonie actuelle du dictionnaire bilingue », selon la formule de Dennis Gira. « La souffrance implique, en français, quelque chose que l’on supporte, qui nous tombe dessus. Dans le bouddhisme, dukkha (NDLR : habituellement traduit par « souffrance ») est un processus qui ne tourne pas rond et non un état que l’on subit, a ainsi expliqué Dominique Trotignon. Selon les enseignements de Bouddha, la douleur est un fait qui doit être accepté. Quand on le refuse, on crée la souffrance et on s’éloigne de l’éveil. » Pour la petite dizaine de bouddhistes présents dans la salle, la session fut un retour aux fondamentaux. Pour les chrétiens, une porte ouverte sur un monde inconnu.
« J’étais vraiment surprise de découvrir les bases du bouddhisme, confie Simone Reverdy, psychanalyste chrétienne. Je suis venue pour ce thème, qui me touche dans mon métier. Les réponses de la tradition catholique ne me suffisent pas. À travers ce colloque, j’ai enrichi ma recherche avec de nouvelles pistes de réflexion. » « La Bible ne donne pas de réponse sur l’origine du mal et son sens », a expliqué Hendro Munsterman, théologien et directeur du centre théologique de Meylan.
Il a présenté l’évolution de la vision du mal de l’Ancien au Nouveau Testament, et la rupture introduite par le Christ qui rompt le lien entre péché et punition. « Chez les chrétiens, le mal est l’absence du bien. Mais l’un n’existe pas sans l’autre, a-t-il également souligné. À l’inverse, chez les bouddhistes, le bien apparaît comme l’absence de mal. » Comment, dès lors, les deux traditions peuvent-elles se retrouver ? Jacques Scheuer, enseignant à l’Université catholique de Louvain et membre des Voies de l’Orient, a évoqué une possible rencontre autour du thème du combat spirituel : « Avant d’atteindre l’éveil, le Bouddha combat Mara, la mort. Cette bataille symbolique fait écho aux lettres de saint Paul qui invitent le chrétien à être un “combattant”. »
Sophie Lebrun
Source : www.la-croix.com