06.06.2009
Matthieu Ricard, le fils de Jean-François Revel, est sans aucun doute la figure emblématique du bouddhisme en France et l’un des plus proches amis du dalaï-lama. Pour FranceSoir.fr, il commente le séjour dans la capitale, ce week-end, de ce Prix Nobel de la paix, spectateur impuissant de l’implacable application d’un régime de terreur au Tibet.
– FRANCE-SOIR. La venue du dalaï-lama à Paris ne risque-t-elle pas de paraître un peu provocatrice ? Dans un communiqué assez récent, le Quai d’Orsay a en tout cas pris la précaution de souligner avec force que la France récuse « tout soutien à l’indépendance du Tibet ».
MATTHIEU RICARD. Contrairement à ce que l’on a pu laisser croire, le contenu de ce communiqué du ministère des Affaires étrangères n’a rien apporté de nouveau : il s’est contenté de réitérer le discours bien connu de la France : le Tibet fait partie de la Chine. Dans son propre communiqué, l’Elysée n’a pas manqué non plus de faire valoir cette position, conforme à ce qu’elle est depuis toujours… En fait, je crois que la confusion et l’amalgame à ce sujet s’expliquent en grande partie par l’interprétation par les agences de presse chinoises de ces communiqués officiels et par le parti qu’elles en ont tiré en les présentant comme un « engagement solennel » de la France à ne pas soutenir le dalaï-lama. En aucun cas, la venue du dalaï-lama ne peut être considérée comme provocatrice.
– Malgré tout, cette visite constitue un événement non dépourvu de résonance…
Bien sûr. Mais j’insiste. Il n’y a jamais de provocation de la part du dalaï-lama. Ni le moindre désir de générer une situation conflictuelle. Il y a un an, le maire de Paris a décidé de le nommer citoyen d’honneur de la capitale française. Le dalaï-lama séjourne donc deux jours à Paris, afin de recevoir cette distinction et de faire dimanche à Bercy une conférence sur le thème « Ethique et société ». Rien de plus normal donc s’il effectue ce déplacement. Considéré actuellement comme l’une des grandes autorités morales au niveau planétaire, il n’a pas l’intention de commettre un quelconque geste de défi à l’égard des Chinois. Il fait simplement l’objet, par la mairie de Paris, d’une reconnaissance, pour la qualité de son combat en faveur de la justice et des droits de l’homme. C’est, me semble-t-il, la pression déployée par les autorités chinoises qui rend le cas du dalaï-lama épineux, où qu’il se rende.
– Où en est, aujourd’hui, le dossier du Tibet ?
Hélas, au point mort. Bien qu’il soit d’un naturel foncièrement optimiste, le dalaï-lama paraît, en ce moment, découragé. Il se sent impuissant et souffre d’autant plus que la répression silencieuse subie par les Tibétains est très intense. Les militaires chinois sont de plus en plus nombreux : ils construisent des casernes, campent un peu partout. Des gardes armés sont présents dans chaque rue. C’est l’application d’une loi martiale qui n’en porte pas le nom et d’un régime de terreur silencieuse. A coup d’écoutes et d’interruptions des communications téléphoniques et de visites domiciliaires impromptues qui se multiplient depuis mars 2008.
Propos recueillis par Jean-Pierre Thiollet
Source : www.francesoir.fr