Dhalabali :
Vivre sur la brèche
Par Ivan, Action Village India
Depuis la yatra d’Orissa en février 2003, Action Village India, sollicité par Rajagopal PV, soutient le travail d’Ekta Parishad en Orissa. Depuis avril 2005, nous aidons les acteurs qui organisent et soutiennent les communautés de pêcheurs du lac Chilka.
Chilka, qui en période de mousson atteint une surface de 1100 km², est en réalité une large lagune ayant une ouverture sur la mer rendant l’eau saumâtre. Ekta Parishad travaille avec les communautés de pêcheurs en lutte provenant de 28 villages, et dont les moyens de subvenir à leurs besoins ont été dévastés par une série de facteurs. Par exemple, au cours de ces dernières années, l’expansion de l’élevage de crevettes a réduit la surface de la zone de pêche. De même, le Gouvernement d’Orissa a développé une réserve d’oiseau ayant les mêmes conséquences. Cependant, le problème majeur pour ces communautés a été l’ouverture d’une nouvelle embouchure du lac sur la mer en 1999 par la Chilka Development Authority (Bureau chargé de la gestion du lac Chilka), afin de palier à l’envasement de l’embouchure sur la mer déjà existante située au nord du lac. Pourtant, l’impact sur les 28 villages autour des deux embouchures a été désastreux. Le flux d’eau traversant les villages ainsi que son degré de salinité a changé. Ces changements de conditions écologiques ont provoqué la diminution des ressources halieutiques et donc des revenus par habitant.
En février 2009, le coordinateur d’Action Village India et 3 partenaires ont séjourné 5 jours sur le lac avec des membres d’Ekta Parishad. Le premier après midi nous avons assisté à une réunion de femmes provenant des communautés de pêcheurs de Sorana et nous avons aussi exprimé notre respect au mémorial pour les 5 victimes tuées par balle par la Police sur le lac, alors qu’elles tentaient de détruire des filets de crevettes illégaux.
Nous avons ensuite visité d’autres villages ainsi que la nouvelle embouchure sur la mer où nous avons constaté l’érosion qui gagne le lac et la preuve qu’il se déplace peu à peu vers le Nord.
Une journée en particulier qui nous restera en mémoire est celle de notre voyage sur le lac jusque Dhalabali, un village de 500 familles de la communauté de pêcheurs Noila. Ils vivent tous dans des huttes construites de bambou et de toit de chaume sur les dunes de sable séparant le lac de la Baie du Bengale. Ils pêchent traditionnellement sur des petits bateaux dans la baie, c’est donc pour cela que ce site près de la nouvelle embouchure est idéal pour eux, malgré la présence de très dangereux cyclones qui frappent régulièrement cette côte.
Le village n’a ni électricité, ni école, ni services de santé et très peu d’eau douce qui lorsqu’elle est disponible, est trouvée dans des digues très peu profondes aux alentours du village. Des subventions d’AVI ont été utilisées pour acheter des renforts permettant de stabiliser les fosses où les gens se baignent et récupèrent l’eau potable. La raison pour laquelle ce village n’a pas de services de base vient du fait que les terres appartiennent au Département des Forêts. En conséquence, les habitants n’ont pas le droit de vivre à cet endroit. Néanmoins, ils peuvent avoir recours au droit à la propriété conformément à la loi sur les Droits Forestiers de 2007.
Au cours de notre parcours, nous avons visité une école dirigée par un volontaire d’Ekta. Nous sommes entrés dans l’une des plus grandes huttes et nous nous sommes assis dans une des pièces. Il nous expliqua que l’école la plus proche se trouvait de l’autre côté du lac et que, comme les gens n’avaient pas assez d’argent pour payer les allers-retours en barque, aucun enfant n’allait à l’école. En réponse aux demandes des parents, Ekta a décidé de soutenir un projet de création d’école. Les membres d’une famille se sont proposés de prêter leur maison, à la condition que lorsqu’ils reviendraient de la pêche, la classe devrait se terminer à l’extérieur, sous l’arbre le plus proche.
Après cette rencontre, les enfants qui étaient dans la petite salle sans fenêtre à l’arrière, nous ont rejoints. Ils ont fait la course devant nous, les visages pleins de joie et d’excitation, tous tenant leur livre d’exercices. Il y avait peut-être 40 enfants tenant dans deux pièces pas plus grandes que 15 mètres carrés. Des leaders communautaires nous ont dit qu’ils construiraient les murs et effectuerait tout le travail nécessaire pour construire une école, si quelqu’un se chargeait de financer le bambou et le toit de chaume. Plus tard, nous répondions favorablement à cette requête et de leur côté, les acteurs d’Ekta chercheraient à faire valoir pour ces enfants oubliés, leur droit à l’éducation à travers le programme Sarva Shikshan Abhiyan (Education pour Tous) du Gouvernement Indien.
Au cours de notre séjour, nous avons été maintes fois témoins de violents heurts au sujet de la lutte pour la survie du lac et son accès, entre la « mafia » de la crevette et les communautés de pêcheurs, entre les communautés de pêcheurs traditionnelles et les étrangers. Dans ce contexte, l’approche non violente d’Ekta Parishad est remarquable et l’implication de ses acteurs dans le soutien des communautés de pêcheurs traditionnelles face aux menaces extérieures est pertinente.
A la fin de notre visite, on nous a parlé de deux actions récentes d’Ekta Parishad qui ont augmenté leur influence dans le secteur.
Premièrement, ils ont organisé avec succès, une manifestation conduite par le peuple contre la proposition de la Chilka Development Authority de créer une réserve pour les dauphins Irrawaddy. L’autre victoire a été d’apporter la paix entre Gabakunda et un autre village au sujet de l’accès au lac. Les deux villages s’étaient munis d’armes à feu et de bombes artisanales. La Police était présente dans le secteur mais ne parvenait pas à stopper la tension croissante. Après un lapse de temps, Ekta a réussi à négocier un accord de paix.
Travailler avec ces communautés de pêcheurs traditionnelles pour s’assurer que leurs besoins sont pris en compte lorsque les décisions au sujet du développement du lac sont discutées est une grande tâche. Action Village India soutient des programmes dans six Etats d’Inde et c’est incontestablement l’un des secteurs les plus rudes. Nous ne pouvons qu’admirer ceux et celles qui travaillent dans de telles conditions.
– Par Ivan, Action Village India
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