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Etats-Unis – Athées et fiers de l’être

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De Charleston (Caroline du Sud)

Laurie Goodstein | The New York Times

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Plus de deux mois après avoir érigé un panneau proclamant : “Vous ne croyez pas en Dieu ? Vous n’êtes pas seul”, les treize membres du comité directeur de l’organisation athée Secular Humanists of the Lowcountry [les Humanistes laïques du Lowcountry] se sont réunis dans le salon de Laura et d’Alex Kasman pour débattre des retombées de leur geste. Le problème n’était pas que le groupe ait suscité une vague d’hostilité, mais le contraire. Lors de leur dernier symposium en public, plus d’une centaine de personnes se sont présentées, poussant le comité directeur à se demander si le moment n’était pas venu de voir plus grand.

Plus que jamais les athées d’Amérique prennent langue et s’expriment, même ici, en Caroline du Sud, un Etat dont le pouvoir législatif a l’an dernier approuvé à l’unanimité le principe d’une plaque d’immatriculation chrétienne marquée d’une croix, d’un vitrail et des mots “Je crois” (un juge ayant bloqué la décision, l’affaire est désormais devant la justice). Ils entrent en contact par Internet, organisent des rencontres dans des bars, font de la réclame sur des panneaux d’affichage et sur les bus, se portent volontaires pour les soupes populaires et le ramassage des ordures sur les bords de route.

Ils comparent leur stratégie à celle du mouvement de défense des droits des homosexuels. Ce dernier a décollé quand les membres de cette communauté méprisée, qui préféraient rester dans l’anonymat, se sont décidés à sortir de l’ombre. “Ce qui compte, ce ne sont pas les banderoles et les manifestations”, explique Herb Silverman, professeur de mathématiques à l’Université de Charleston et fondateur des Humanistes laïques du Lowcountry, qui recense environ 150 membres en Caroline du Nord et du Sud. “Le plus important, c’est de sortir du placard.” Si l’on en croit les sondages, les rangs des athées grossissent. D’après l’“American Religious Identification Survey”, une enquête nationale publiée en avril, ceux qui disent ne pas avoir de religion constituent le seul groupe démographique à avoir progressé dans chacun des 50 Etats au cours des dix-huit dernières années. Au niveau national, leur nombre a presque doublé, passant de 8 % en 1990 à 15 % en 2008. En Caroline du Sud, il a plus que triplé, passant de 3 à 10 %. Tous ne sont pas forcément des athées ou des agnostiques engagés, mais ils représentent un vivier de partisans potentiels.

Les organisations athées locales et nationales se sont également multipliées depuis quelques années. Elles ont tiré parti de la colère suscitée par l’attitude du gouvernement Bush et le soutien qu’il a apporté à la droite religieuse. Il y a peu, dix organisations nationales, qui se revendiquent diversement comme athées, humanistes ou libres-penseuses, se sont unies pour former la Coalition laïque pour l’Amérique, dont Herb Silverman est président. Ces groupes, autrefois rivaux, mettent dorénavant leurs ressources en commun afin de faire pression sur Washington en faveur de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Mais, si les comportements changent, les sondages montrent que les athées arrivent toujours après les autres groupes religieux ou minoritaires quand on demande aux Américains s’ils voteraient pour un membre de cette communauté ou accepteraient que leur enfant en épouse un.

Récemment encore, les Humanistes laïques du Lowcountry étaient des parias. Quand, en janvier, ils ont installé leur panneau, sur lequel l’adresse de leur site Internet était bien en vue, ils se sont dit qu’ils allaient être bombardés de courriels haineux. “En fait, la plupart des messages étaient reconnaissants”, souligne Laura Kasman, professeur de microbiologie à la Faculté de médecine de Caroline du Sud et membre de l’organisation. Les membres du comité directeur de l’organisation composent un ensemble hétéroclite. On y trouve le patron d’une boutique de souvenirs, un maçon, une grand-mère, une ancienne enseignante, un officier de marine en retraite, l’administrateur d’un sanctuaire pour primates et un musicien d’église. Et tous n’ont pas la même attitude vis-à-vis de la religion. Le président Obama, qui a reconnu l’existence des non-croyants dans son discours d’investiture, le 20 janvier dernier, suscite des réactions mitigées dans leurs rangs. “Je lui ai envoyé un mot de remerciement”, souligne Laura Kasman. Mais pour Sharon Fratepietro, l’épouse de Herb Silverman, “la cérémonie d’investiture ressemblait à une longue cérémonie religieuse où il nous a simplement mentionnés”.

L’élan du mouvement tient aussi à la prolifération de groupes athées sur les campus.

L’Alliance des étudiants laïques compte aujourd’hui 146 bureaux aux Etats-Unis, contre seulement 42 en 2003. Sur le campus de l’Université de Caroline du Sud, à Columbia, 19 étudiants sont récemment venus assister à une réunion des “pastafariens”, le surnom des fidèles de l’Eglise du “Monstre en spaghettis volant”. L’idée, qui tourne la religion en dérision, a été conçue par un adversaire du principe du dessein intelligent, théorie selon laquelle les organismes vivants sont si complexes qu’ils ne peuvent avoir été créés que par une intelligence supérieure.

Lors de cette réunion, Andrew Cederdahl, l’un des fondateurs du groupe, a appelé les participants à se porter volontaires pour la banque alimentaire locale, avant de les inviter à raconter “comment ils sont sortis du placard”. Les dirigeants des pastafariens affirment n’avoir pour objectif ni la confrontation, ni même la conversion. Ils veulent amener l’opinion publique à tirer un trait sur sa vision stéréotypée des athées. Les pastafariens adorent par exemple se rassembler à un carrefour très fréquenté du campus en brandissant un panneau qui propose des “câlins gratuits” de la part d’un “gentil voisin athée”.

Source Courrier International

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